Se regarder avec les yeux de ceux qui nous aiment

Par Amélie Miljours

Pendant longtemps, je me suis vue à travers le regard des gens qui ne m’aimaient pas assez (ou pas du tout). J’écoutais et croyais les commentaires de personnes que je pensais être importantes pour moi et qui étaient censées vouloir mon bien. En réalité, ces individus qui me critiquaient si sévèrement se nourrissaient de mes inquiétudes, de mon insécurité et de mes échecs qui en découlaient. Ce sont ces mêmes personnes qui, bien qu’elles aient toujours eu un mot à dire lors de mes moins bons coups, oubliaient (omettaient) de féliciter mes réussites. Par le passé, j’aurais clairement eu besoin d’un guide jaune et noir intitulé « Bien choisir ses amis pour les nuls ». C’est que l’amitié, c’est beaucoup plus complexe (et beaucoup plus simple à la fois) que les autres types de relation.

Quand vient le temps de choisir un amoureux, quoi qu’on en dise, nos hormones y sont pour beaucoup dans la décision. Au moment où l’on croise ledit mammifère de sexe opposé, y’a toute une chimie hormonale qui opère sans que l’on ait réellement notre mot à dire. Non non, y’a jamais personne qui tombe d’abord en amour avec une personnalité. Ça vient après, pis vous le savez. Avant même que vous ayez pris conscience que l’autre vous attirait, votre corps envoyait des signaux non verbaux en ce sens. Des signaux sur lesquels vous n’aviez AUCUN contrôle. Alors notre compagnon de vie, on le choisit clairement avec nos yeux et nos hormones en premier.

Quant à la famille, on ne la choisit pas du tout. C’est la loterie des cigognes. Parfois on gagne, parfois on perd. Parfois on tombe sur une famille équilibrée qu’on ne voudrait échanger pour rien au monde, parfois on aurait souhaité tomber sur une famille plus « normale » et fonctionnelle, mais on ne peut jamais la retourner au magasin.

Il n’y a qu’en amitié qu’on a un pouvoir décisionnel absolu (à moins que vous habitiez dans une petite ville qui n’est même pas sur la mappe, dans ce cas-là, vos amis peuvent être tout autre être vivant ayant eu la « chance » d’atterrir au même endroit perdu que vous. En d’autres mots, vous prenez ce qui passe). En amitié, nos choix ne sont pas biaisés par le physique de la personne ou par d’autres trucs superficiels qui n’ont aucune incidence sur la qualité d’une amitié. « L’amitié, c’est la famille qu’on choisit ». Tellement vrai. Puisqu’on a le contrôle sur le choix de nos amis, on devrait les choisir avec soin. Rien ne nous oblige à nous entourer de personnes qui ne nous font pas du bien, qui ne nous font pas grandir ou qui ne nous aident pas à mieux nous aimer.

J’ai entendu quelque part qu’ « une vraie amie est celle qui va te dire que tu as engraissé ». Ok, si je lui demande, j’imagine que je voudrais entendre la vérité, mais j’aimerais davantage une amie qui me rappellerait que ce compte réellement dans la vie ne se voit pas à l’œil nu.

Plus je vieillis, plus je choisis méticuleusement mes amis. J’essaie de m’entourer de personnes qui, même en étant très au courant de mes imperfections, continuent de voir le beau en moi, surtout lorsque moi je n’y arrive plus. C’est dans ces moments-là que j’emprunte leurs lunettes et que j’essaie de me regarder à travers leur regard aimant. Parce que, se regarder à travers les yeux de ceux qui nous aiment, ça fait du bien à notre estime parfois si fragile…