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The reckless minds, intellectuals in politics

Publié le 19 janvier 2016 par Christophefaurie
Afficher l'image d'origineEnfin ! Un livre qui explique en quelques lignes les philosophies les plus abstraites du siècle précédent. Heidegger, Carl Schmitt, Walter Benjamin, Kojève, Foucault, Derrida. Avec, en passant, les travaux de Sartre ou de Lévi-Strauss, et de quelques autres. Cela se lit comme un roman, ou presque.
Le philosophe-roi est nu Ramenés à leurs principes, ces travaux perdent toute la séduction de leur complexité, de parole révélée. Ce qu'il reste, c'est quelque chose d'abject. C'est d'ailleurs, selon l'auteur, ce qui caractérise la philosophie. Elle n'est plus "amour de la sagesse", mais "amour du tyran". 
De Heidegger à Derrida, la pensée moderne est destruction: l'Occident c'est le mal ; il faut le détruire. Chaque génération de philosophes reprend le travail de la précédente en la dépassant et en la maudissant. Si bien qu'on en arrive au paradoxe d'une pensée qui nie la pensée, à tel point qu'elle en appelle à un Messie ! Puisqu'on ne peut plus penser, la vérité doit venir d'en haut. 
Affreux, sales et méchants Dans cette galerie de portraits, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. Il y a les faibles, Heidegger, Benjamin et Foucault. Ils sont à la remorque d'événements qu'ils ne comprennent pas. Il y a aussi les amoureux de l'absolu. Kojève, conseiller de nos hauts fonctionnaires français (dont V.Giscard d'Estaing), pense avoir vu dans les écrits d'Hegel le sens de l'histoire : la massification de l'individu. Ou Carl Schmitt. Pour lui, "j'ai des ennemis donc je suis". Le propre de l'homme est d'être un loup pour l'homme. Comme Heidegger, mais avec vigueur, il a collaboré au nazisme. Finalement, il l'a méprisé pour avoir été un travail d'amateur. Et voilà qu'arrive le plus étonnant. Cet über nazi et anti sémite impénitent est maintenant loué aussi bien à droite qu'à gauche ! Et Raymond Aron, que le livre présente comme notre seul philosophe politique, est le premier de ses admirateurs ! Et Derrida ? Le logos grec c'est le langage et la raison. Heidegger s'en est pris à la raison. Derrida règle son compte au langage. Désormais on ne peut plus parler. Car la parole, comme la raison, ne sont que manipulation occidentale. Nouvelle surprise : avec un tel discours, on s'attendrait à un Raskolnikov. Pas du tout, ce que révèle le livre, c'est que Derrida a des idées de gauche bobo ! Aurait-il monté tout cet édifice de destruction massive simplement pour exprimer sa détestation de certaines personnes ?
Ils sont tous comme cela. Ce sont des médiocres, des impuissants, ils ont voulu se venger de la société, la transformer à leur image. Ils ont mis la subtilité de leur éducation et de leur talent au service de désirs minables. A la fois haine de leur environnement social, dont ils ont fait une doctrine universelle, et soif, servile !, de s'associer à la force. Et cette force, qu'elle soit nazisme ou communisme, c'est le totalitarisme. 
Cela ferait rire, si ces gens n'avaient été utilisés comme opium des masses, et si les puissants n'avaient trouvé chez eux l'encouragement de la science. Dans cette affaire, même Hannah Arendt s'en tire mal. Son amour d'Heidegger (de même que son amitié pour Walter Benjamin ?) a brouillé le sens du jugement dont elle était si fière. En tout cas, cela pose la question de la sélection de notre élite. L'intellect n'est pas tout, il faudrait aussi qu'elle tienne un peu sur ses jambes ? Qu'elle ait un rien de capacité de jugement ?...
(LILLA, Mark, The reckless minds, intellectuals in politics, New York Review Books, 2014.)

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