#PortAtlantiqueLaRochelle
Publiéle 22/01/2016
par Philippe BarouxLe terminal d'accostage des croisières se situe actuellement au môle d'escale de la Pallice à La Rochelle.© XAVIER LEOTYDes voix s’élèvent pour que les escales de paquebots préfèrent l’île de Ré à la Pallice. Techniquement, le scénario est possible.
«J'ai pris la barre d'un paquebot, et plutôt que d'aller à droite pour le poser contre le môle d'escale comme nous le faisons habituellement, j'ai fait la manœuvre inverse, contre l'ancien embarcadère du bac à Sablanceaux, sur l'île-de-Ré. Et ça fonctionne ! » Pour la hauteur d'eau sous coque, c'est OK. Pour le courant, pas de contrainte insurmontable non plus
L'abri est aussi protégé pour que le vent thermique qui se lève en milieu de journée l'été ne chahute pas un navire amarré. Au plan technique, l'escale d'un paquebot à la pointe de Sablanceaux, c'est donc possible. Léger bémol : « Le viaduc de Ré est un peu trop proche de l'ancien embarcadère pour accoster en toute sécurité les futures générations de paquebots qui seront plus proches des 300 mètres contre 200 à 250 mètres aujourd'hui. Mais en organisant un accostage un peu décalé dans le sud de la pointe… »
Testé sur un simulateur
La manœuvre qu'il décrit amuse Thierry Warion. Le responsable du pilotage maritime de La Rochelle-Pallice l'a testée sur le simulateur de Nantes où les pilotes s'entraînent. Ils y posent régulièrement des scénarios les plus proches possibles des conditions réelles d'exploitation du Grand Port maritime de La Rochelle ou, comme dans le cas de ce paquebot arrivé du large et « posé » à Rivedoux, des exercices sans lien avec la réalité. Quoique… Y a-t-il si loin de la coupe aux lèvres qu'on s'interdise d'imaginer un terminal croisières qui se situerait non plus au môle d'escale, à la Pallice, mais juste en face, sur une pointe souriante de l'île-de-Ré ?Philippe Joussemet, le président des professionnels portuaires au sein de l'Union maritime, et Dominique Blanchard, le président de l'Escale atlantique, association portée par la Chambre de commerce pour participer à la qualité de l'accueil des croisiéristes, s'amusent de l'idée qui germa alors qu'ils visitaient ensemble l'un de ces géants des mers.Quand, dix ans après le passage du Grand Port maritime de La Rochelle sous gestion de l'État, on interroge Philippe Joussemet sur ses idées pour son développement futur, le président de l'Union maritime sort vite - et sérieusement - du chapeau l'amélioration des conditions d'accueil des croisiéristes. Certes, l'histoire liée à la gare maritime a amarré les paquebots au môle d'escale de la Pallice. « Mais c'est devenu aujourd'hui un environnement qui n'est pas extrêmement satisfaisant pour la croisière », estime-t-il. L'expert maritime a eu vent des essais positifs des pilotes sur le simulateur. L'obstacle technique étant levé, il ne s'interdit pas de pousser plus avant le scénario. Il pose le décor d'une escale rétaise à construire : des ducs d'Albe et des points d'amarrage pour accoster, une belle passerelle pour débarquer ces passagers et, à terre, une forme de petit village d'accueil avec produits régionaux et organisation des départs en car pour les excursions. « L'accueil à Rivedoux n'exigerait pas de construire un quai en pierre de taille… Et le site de l'ancien embarcadère me semblerait extrêmement favorable. »L'idée séduit aussi Dominique Blanchard, qui qualifie les avantages de la halte rétaise de « confort et d'esthétique ». « Certes, l'association Escale Atlantique n'a pas les moyens de financer un tel projet, mais si la fréquentation des paquebots augmente, je crois qu'il faudra envisager cette solution à terme… »Le terme, quel terme ? Ni demain, ni après-demain, module Philippe Joussemet, qui sait que réglementairement parlant, le paquebot, pour des questions de sécurité, ne peut arriver que dans l'enceinte sécurisée du domaine portuaire. Ce qui supposerait probablement d'étendre le périmètre du Grand Port maritime, qui n'inclut pas aujourd'hui la pointe de l'île-de-Ré.
Pas forcément négatif
Maire de Rivedoux et premier vice-président de la Communauté de communes de l'île-de-Ré, Patrice Raffarin pose sa main en visière et scrute l'avenir. L'élu a bien eu connaissance de la simulation du pilotage. « J'ai toujours dit qu'il fallait conserver l'appontement de Sablanceaux. Je n'ai pas d'idée forcément négative sur l'accostage de paquebots sur Ré, si ce n'est qu'il faudrait éviter les mastodontes. » Il fera d'ailleurs en sorte de proposer à son Conseil municipal « de ne pas figer les documents d'urbanisme, pour ne pas devoir faire marche arrière si le projet venait à sortir un jour ». Sur le sujet, Patrice Raffarin n'imagine cependant pas d'horizon à moins de « trente ou quarante ans ».Trente ou quarante ans, c'est justement l'échelle de projection sur laquelle vont travailler à compter de cette année les équipes du Grand Port maritime, tous développements confondus. Depuis trois décennies, les grands projets portuaires, des quais de Chef-de-Baie à ceux de l'anse Saint-Marc, en passant par la Repentie, avaient été posés dans une forme de schéma stratégique que la Chambre de commerce et d'industrie, quand elle était encore concessionnaire du port, avait bâti à la fin des années 70. Les grands travaux de ces dernières années ont épuisé le projet. Vient l'heure d'écrire l'avenir, dans « une démarche collective », dit la direction du Grand Port. La question est de savoir si ce document prospectif fera de la place à l'idée des croisières rétaises…Deux avis plus que réservésSi le maire de Rivedoux n’est pas contre l’idée d’escales de paquebots à Sablanceaux, le président de la Communauté de communes rétaise Lionel Quillet est plus réservé. « Nous sommes ici dans un espace extrêmement protégé, donc l’hypothèse de travail pour y amener l’afflux de croisiéristes serait très complexe. Et techniquement, leqs débarquer là alors que ces passagers voudront se rendre en excursion à La Rochelle, c’est les placer du mauvais côté. Mieux vaut travailler à l’amélioration de l’accueil sur le terminal existant du môle d’escale. Cela dit, il ne faut jamais s’interdire de réfléchir. »Sur le sujet, le Grand Port maritime de La Rochelle a plus qu’un mot à dire. Le président de son directoire Michel Puyrazat précise sans ambiguïté : « L’escale sur Ré est une idée de l’Union maritime, et sur le sujet, le Grand Port en est à l’état zéro. L’escale des paquebots à Sablanceaux n’est pas inscrite dans le projet stratégique que nous avons rédigé pour la période courant jusqu’en 2020 et qui s’applique. D’autre part, l’arrêté préfectoral portant sur les matières dangereuses nous a laissés en décembre 2014 des marges importantes pour l’accueil des croisiéristes au môle d’escale. Dès que la présence des navires à passagers y dépassera cinq cents heures par an, nous devrons présenter des solutions alternatives. Nous en sommes encore loin… »« Après, nous engageons cette année une démarche collective sur ce que nous voulons faire du port à l’horizon 2040. L’idée de l’accostage des paquebots sur Ré pourrait bien être l’une des suggestions, mais une parmi d’autres. »Plus de 44 000 passagers attendus en 2016Sur le court terme, la filière croisière « montre des signes prometteurs », commentait en octobre dernier le Grand Port maritime de La Rochelle, au moment de dresser le bilan de la saison qui se refermait, et d’ouvrir quelques pistes pour les prochaines années. En 2015, le Grand Port a enregistré 23 escales de paquebots ; plus de 26 000 passagers ont été débarqués. Au cours de ses trois escales rochelaises durant l’été, le « Britannia », un géant de 330 mètres embarquant près de 3 600 passagers, a débarqué 11 500 personnes à lui seul.Sur le planning de prévision pour cette année, les indicateurs sont positifs. De 25 escales et 37 500 passagers posés en octobre dernier, la direction du port est passée à 33 escales (entre le 6 avril et le 29 octobre prochains), pour 44 385 passagers. Record absolu.Tous débarquent au môle d’escale à la Pallice, là où s’organise historiquement l’accueil des croisiéristes. Il y avait même autrefois une gare maritime, édifice remarquable qui avait été fermé au public en 1998. Jusque dans les années 70, et avant que les liaisons aériennes ne viennent concurrencer puis finalement abattre les lignes maritimes sur de longues distances, la gare maritime de La Rochelle était le haut lieu de cette branche de l’activité portuaire. Tous les métiers dédiés à l’escale d’un paquebot et à l’embarquement des passagers s’y exerçaient, tandis qu’un prestigieux restaurant gastronomique, au dernier étage, régalait les visiteurs. La gare a été démolie en 2009.
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