La sortie cette semaine de "Encore heureux ", de Benoît Graffin, avec Sandrine Kiberlain et Edouard Baer, confirme plusieurs tendances lourdes du cinéma français actuel. Tout d'abord les chaînes TV, traditionnelles bailleuses de fonds des productions françaises, demandent avant tout des comédies pour le public du petit écran (ce qui ne veut plus dire grand-chose, à l'époque des tablettes numériques) mais elles veulent souvent des comédies ancrées dans la réalité sociale... Cela nous donne cette semaine " Encore heureux ", objet improbable évoquant les combines employées pour subsister par un ex cadre supérieur au chômage, mais vivant quand même dans le seizième arrondissement parisien !
Le réalisateur, Benoît Graffin, est un parfait inconnu, faisant partie de l'écurie Luc Besson, qui nous livre donc un film particulièrement hybride, qui, au début, lorgne presque vers " La loi du marché " (le très bon film de Stéphane Brizé) au niveau du style, en utilisant un style " reportage " et des cadrages hyper serrés peut-être une manière de souligner la paupérisation de notre cadre supérieur... celui-ci est joué sans trop de conviction par Edouard Baer, en plein trip dépressif, s'enfermant chez lui dans une tente... et réduit, quand il sort dehors, à faire les poubelles. Par contre, de la conviction, Sandrine Kiberlain en a, tout à fait crédible en épouse excédée par la mollesse de son mari qui ne fait aucun effort pour permettre à sa petite famille de refaire surface socialement. Son jeu " à fleur de peau " fait ici merveille... Le problème, c'est que, depuis un an, nous l'avons vue très souvent au cinéma, et nous allons la voir encore fin mars dans le film d'André Téchiné " Quand on a 17 ans ", tourné dans la région Midi Pyrénées.
Il arrive à Sandrine Kiberlain ce qui arrive à trop de comédiennes et de comédiens : poussés par leur agent, ils enchaînent tournages sur tournages, au risque de provoquer une réaction de ras-le-bol du public cela a été le cas, il y a quelques années, d'un François Berléand, par exemple, dont la tête de français moyen a été utilisée par de très nombreux réalisateurs : huit films en 2003, par exemple... Abondance de biens nuit, parfois. Mais pour en revenir au film, dont la vraisemblance du scénario n'est pas la qualité première, on peut quand même le sauver pour certaines scènes assez surprenantes, voire belles, grâce à l'apparition de comédiens que l'on voit, eux, très peu au cinéma : je pense à Benjamin Biolay, étonnant en séducteur flegmatique, et surtout à Bulle Ogier, égérie du cinéma d'auteur post-soixante huitard, qui campe un curieux personnage de grand-mère style " vieille dame indigne ". Quant à Sandrine Kiberlain, dont nous ne nions pas le talent, proposons-lui d'espacer un peu ses apparitions sur grand écran : de la frustration naît le désir...
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