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Fanfaron

Publié le 29 janvier 2016 par Elosya @elosyaviavia

326762269_82a9160401_oSource Flickr

Il est 14h.

La rame quitte la station Couronnes.

C’est mardi et je me suis faite un petit aller-retour rapido du boulot jusqu’à la bibliothèque pour rendre mes livres (un jour avant la date limite pour les rendre, hooray, un miracle de début d’année assurément).

Je m’assois en face d’une jeune femme. Je me sens crevée, je mets mon casque, je penche la tête sur la vitre, ferme les yeux et j’entreprends de me détendre pendant mes quelques minutes de métro.

Je me sens bien, là, les yeux fermés.

Je sens du mouvement à côté de moi. J’ouvre un oeil.

Rien.

Puis j’entends la voix d’une femme assez loin derrière moi. Je retire mon casque pour écouter et je me retourne. C’est une jeune femme d’une vingtaine d’années. Elle a un enfant dans les bras. Elle fait la manche.

Elle part un peu plus loin dans le wagon.

J’attends un peu de voir si elle revient, mais elle reste au fond du wagon.

Je remets mon casque.

Après quelques instants, il y a des éclats de voix. J’ouvre les yeux et je discerne une voix d’homme. Très très agressive cette voix, je le sens. Je retire mon casque. Je ne le vois pas, mais je l’entends distinctement dire :  TAIS TOI !!!! FERME TA GUEULE, FERME !!! TA!!! GUEULE!!! TOI!!!!!

Putain, mais il est malade, à qui il parle celui-là. J’arrive enfin à le voir. Un mec 40/50 ans. Il a un putain d’air véhément. On échange un regard inquiet avec la passagère d’en face.

Il braille, des TA GUEULE, FERME LA.

Je ne comprends pas à qui il s’adresse.

Un temps. Un silence.

J’entends de nouveau la voix de la jeune femme faisant la manche. Le mec recommence. C’est à elle qu’il s’adresse. Il se met à hurler : PUTAIN, elle est déguelasse, elle prend ses poux et elle les balance sur vous. Mais t’es qu’une DÉGUEULASSE !!! Et vous fermez vos gueules comme ça, elle fait ça et vous dites rien. Mais voilà bravo les français, laissez-vous faire, ne faites rien surtout. La prochaine fois, ces gens, ils vous chieront dans la bouche.

(il applaudit) ah elle est belle la France !!!

Je suis estomaquée. Le gars fulmine, il pète un câble devant nous. J’espère intérieurement qu’il ne va pas s’en prendre physiquement à la jeune femme.

J’entends plusieurs voix s’élever dont celles de deux femmes d’une quarantaine d’années qui lui disent d’arrêter d’importuner la jeune femme. Il se tourne vers elles : Mais Fermez vos GUEULES vous aussi !!! TA GUEULE TOI et TOI !!! VOS GUEULES !!!!

Les femmes s’insurgent. Il continue à vociférer des insultes, leur adressant des gestes menaçants.

C’est flippant, je me demande jusqu’où ce mec va aller dans l’agressivité.

Quand tout à coup, un homme, une quarantaine d’années, assis, se met à lui parler, calmement, mais fermement : Arrête. Tu arrêtes d’insulter ces femmes et tu arrêtes d’importuner tout le wagon.

Tu arrêtes.

Le gueulard se tourne vers lui : c’est bon, qu’est ce que tu viens me faire chier toi ? HEIN ?

Je note un léger changement de ton et de comportement chez le braillard. La voix est moins assurée et les gestes menaçants ont moins d’ampleur.

L’homme assis lui répond : je vais te faire chier. Oui. Tu arrêtes ton cirque.

Le hurleur : ah oui ou alors quoi ? HEIN ? Bah vas-y viens, viens, viens,viens te battre !!!

L’homme se lève : ok. Je viens.

Il se fraye un chemin et se dirige vers l’autre calmement.

L’autre tapageur s’agite : bah oui, viens, viens, je t’attends moi, on va se battre, tu vas voir. Tu vas voir !!!!!

On a le souffle coupé. Je me demande ce qu’il va se passer, j’espère qu’il n’y aura pas de bastons dans la rame. Le métro arrive à ma station. Les portes s’ouvrent. Je descends, mais comme d’autres passagers, je regarde derrière moi pour voir ce qu’il va se passer.

L’homme n’est plus très loin du gueulard. L’autre reloud le provoque par des mouvements de bras. L’homme arrive à sa portée. Et c’est à ce moment que le braillard sort en courant de la rame.

Oui, il s’enfuit.

Par petites foulées tout en jetant un regard affolé derrière lui, cet énervé patenté qui a osé braver la monotonie du transport urbain en beuglant contre pas une, ou deux, mais trois femmes et qui s’est courageusement indigné de la léthargie des français.

Eh bien ce rebelle des transports.

Il s’est enfuit et il n’a pas demandé son reste.

Il a parcouru une partie du quai pour monter dans une autre rame, bien éloignée de la précédente où se trouvait l’homme d’une quarantaine d’années qui venait chercher des explications.

Nous sommes hilares, moi et d’autres passagers ayant assisté à tout ce manège.

Je me marre à cause de la scène, mais je me marre aussi de la satisfaction de voir son agressivité lui revenir en pleine tronche et son regard affolé lorsqu’il s’est rendu compte qu’il s’était peut-être attaqué à la mauvaise personne.

En espérant qu’il en apprenne quelque chose.

Ne dit-on pas qui sème le vent, récolte la tempête ?


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