Au lendemain d’une grève de l’ensemble des fonctions publiques, opportunément éclipsée par les agitations violentes des chauffeurs de taxis et des agriculteurs, l’ensemble des questions qui fâchent restent posées. J’ai évidemment fait partie des fonctionnaires en grève. Ce n’était ni par coutume, ni par amusement comme on l’entend ici ou là dans la bouche de communicants peu au fait de la vie, la vraie, celle que l’on subit plus qu’autre chose. C’était juste l’expression d’une profonde colère, bien plus nourrie par l’impossibilité d’exercer les missions de service public que par des problèmes de rémunérations qui demeurent cependant bien réels.
Mais le syndicalisme n’est pas encore mort bien qu’il suscite raillerie voire carrément défiance d’une grande part du monde salarié public comme privé. C’est surtout oublier que les syndicats, quels qu’ils soient, ne sont que l’image de ce que les salariés en font. C’est un outil à leur entière disposition afin de faire respecter leurs droits, afin de pouvoir mieux effectuer leurs devoirs. Quand j’entends les interpellations comme «mais que font les syndicats», «les syndicats sont nuls», je réponds juste aux salariés mécontents qu’ils ne contemplent que leur propre reflet. Si tout le monde baisse la tête, les syndicats seront faibles et apparaîtront inutiles. S’il est décidé de ne pas se laisser faire, si les salariés prennent leur part aux luttes, les syndicats interviendront en interlocuteurs incontournables. C’est plutôt simple.
Pas encore mort mais pas loin. S’ils continuent d’être les représentants des salariés dans tous les organes du fameux dialogue social, il faut bien reconnaître que le nombre d’encartés se réduit comme peau de chagrin. Excellente occasion pour le gouvernement de communiquer sur la perte d’influence des syndicats et de mettre à bas le principe de représentativité en instituant «le referundum d’entreprise». Ainsi, le système rendrait plus ou moins la main aux salariés quand les organisation syndicales refusent obstinément les avancées proposées par les décideurs.
A entendre le Medef, chefs d’entreprises, ministres, négociateurs de tous poils, les blocages viennent toujours des syndicats arqueboutés sur des positions d’un autre temps. C’est parfois vrai, mais dans la majorité des cas, on leur demande quand même de valider l’inacceptable : travail dominical, heures supplémentaires sans majoration, baisse de salaire, pour ne pas dire pire encore. La réalité est que la fameuse flexibilité tant réclamée par le Medef vous rend servile corps et âme, et vous exclut de toute vie sociale. Impossible de prévoir une activité sportive ou culturelle régulière. Prendre un rendez-vous chez un médecin devient un casse-tête insoluble. Une telle mise à disposition d’autrui s’appelait naguère l’esclavage. Les syndicats ne le savent que trop. Ne soyez pas étonnés ensuite qu’ils n’acquiescent pas.
Il est naturel de discuter de l’organisation du travail. Mais ce ne sera désormais plus nécessaire. Dans les faits, ce référendum d’entreprise reviendrait simplement à court-circuiter les représentants légitimes afin d’imposer les vues patronales : avec un revolver sur la tempe, le salarié fera évidemment le choix qu’on attend de lui. Voilà comment contourner habilement les principes démocratiques. Combiné au changement de mentalité cher au libéralisme, qui fait la part belle à l’individualisme exacerbé, ou chacun examinera son nombril au regard des consignes et contreparties personnelles promises, nul doute que le mouvement syndical va payer cher. C’est désolant à plus d’un titre : c’est bien un gouvernement de gauche qui est à la manœuvre. Sous Sarkozy, la manoeuvre aurait été immédiatement dénoncée et aurait généré une riposte vigoureuse. Sous Hollande, rien, silence… Une redoutable efficacité. Divisez, et régnez.
Et si on appliquait le même principe à nos représentants les députés ? Chiche !