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Faire retour à la nudité du présent

Par Gerard

Le poids des machines ne sera vaincu que par l'éclat de la chair. En une - osons le mot - "résurrection". La chair est l'ultime épiphanie dont nous attendons la venue. La seule chose dans ce monde d'écrans que nous pouvons encore voir et toucher, sentir, goûter. Nous sommes substances sanguines, non des images. L'empire rétinien est une fâcheuse illusion. Le progrès de l'homme par les machines une aimable plaisanterie. Un exo-progrès n'a jamais fait progresser personne. Le seul progrès est intérieur. Au-dedans de la chair. Mais regardez : désormais les cadavres ne savent même plus se décomposer. Il faut tout réapprendre. Quand un président iranien vient en visite officielle à Paris on voile les statues. "La Naissance du Monde" de Courbet est régulièrement censurée par Facebook - chacun également invité à "signaler" les images suspectes. Quel est le terme ? "Inappropriées". Mais inappropriées à qui, ou à quoi ? De quel propre s'agit-il là ? Et s'il n'était pas temps de se réapproprier l'inapproprié, justement ? Mollahs et réseaux sociaux. Fondamentalisme et nouvelle économie. Tellement compatibles. Tellement à s'entendre comme larrons en foire. Daesh conquérant le monde par les réseaux virtuels. Dire qu'une seule femme nue suffirait à les faire reculer... Vade retro satanas ! Envoyez-leur des bombes sexuelles, pas des bombes ! Qu'ont-ils à faire des bombes ?

Et nous, alors ? Le puritanisme capitaliste fonctionne tout entier autour d'un totem caché; et ce totem caché, c'est la bite dressée. C'est ainsi : on n'aime le corps que bandé : telle est la règle numéro un du marketing planétaire. La turgescence comme moteur de l'espace mondialisé de la marchandise. Le désir de désir. Le désir sans objet. L'inapproprié de la bandaison. Image interdite, saint-graal de la théologie économique de notre temps. De sorte que nous n'avons jamais vu un corps nu. Réduit à la chair candide, désintéressée et libre. En disponibilité. Voilà que nous aussi, nous n'avons jamais rien vu ! Phallocratie irregardable du nouvel ordre mondial. Danse de saint-guy autour de l'image cachée. Marchandise, marchandise, marchandise. Cette chose pourtant, cette chose qui se suffit à elle-même et que nous trimbalons partout avec nous, il est temps d'en libérer les puissances d'accueil et de bienveillance. Pour retrouver le présent de la présence, à l'image des vieux saddhus de l'Inde, lâchons tout, partons nus sur les routes.


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