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La fêlure

Publié le 01 février 2016 par Mentalo @lafillementalo

La vérité, c'est que parfois, les lunettes roses sont cassées. La vérité, c'est que parfois les jambes n'en peuvent plus de courir, les bras de porter, la tête de tout organiser, la voilà la vérité. On peut très bien passer une année à s'accommoder du temps qui passe et ignorer les petits signes qui ne trompent pas. On peut très bien prétendre que toujours plus, plus haut, plus vite, plus fort. Et un jour admettre qu'on s'était trompée, qu'on avait - un peu, beaucoup - présumé de ses forces. Accepter de l'avouer, enfin, au pied du mur. Etre sonnée par le choc. Plus que de raison, parce qu'on était bien au-dessus de ça, voyons.

L'homme du soir a dit vous couperez les journées en deux, puisqu'on ne peut se soustraire durablement au monde. La première moitié sera votre bon plaisir, la seconde, celui des autres.

La fille du vendredi a dit des choses justes et cash comme toujours, on était pourtant mardi mais elle ne pouvait pas mieux tomber, et j'ai tellement ri que je me suis extirpée du lit où je m'étais réfugiée.

La fille de l'île a dit reprends donc du thé et du chocolat, on ne peut pas être sur tous les chantiers (je crois bien qu'elle a dit merdiers, en vrai) à la fois.

Comme une élève appliquée, j'ai compté sur mes doigts quatre jours, quatre choses que je ne prends jamais le temps de faire. Un restaurant chaleureux avec l'amoureux, une sieste, un musée, un rendez-vous chez le coiffeur. J'ai mangé, lu et dormi, contemplé Miró longtemps, changé imperceptiblement de cheveux. C'était bien, c'était bon, j'ai eu l'illusion que le temps s'étirait à nouveau à sa juste valeur. J'ai eu l'impression d'exister, d'être moi et non celle que je suis pour les autres. Mais je n'avais pas encore trouvé la clé, rien de tout cela n'avait l'effet magique escompté, un peu comme, enfant, on attend trop le jour de son anniversaire, et soudain il est là, identique au jour d'avant, intense déception.

La fêlure

Je me cherchais moi, mes désirs et mes rêves, et puis encore une fois, la réponse est venue d'ailleurs, de ce cadeau merveilleux que peuvent vous faire des enfants musiciens, les vôtres, si possible, sans s'en douter une seule seconde, un dimanche après-midi, dans le choeur d'une église, parce que la petite ville de province n'a pas de salle assez grande. Essayez, vous verrez.

L'âme lavée par le son lancinant du canon de cordes, les notes virevoltantes des flûtes, des pianos, les voix claires et pures, je suis rentrée neuve. On était dimanche soir, il était temps de sortir de cette apnée, de se mettre en pyjama, et de faire des gaufres. Un kilo de farine, douze oeufs. Et renaître enfin, pour quelque temps, riche d'avoir compris que l'invincibilité n'existe pas.


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