Jacques Fournier, ancien Conseiller d’Etat, ancien Haut fonctionnaire a publié en 2014 aux Editions Bouchène : « L’Algérie retrouvée 1929-2014 » qui est un livre mixte, à la fois souvenirs personnels et essai politique.L’auteur est doublement lié à l’Algérie d’abord parce qu’il est issu d’une famille pied noir à la fois du côté paternel et maternel même si, comme il le souligne lui-même, sa famille n’a jamais contrairement a beaucoup d’autres, perdu ses liens avec la France et si, de son côté, il a quitté volontairement l’Algérie en 1947 sans y être contraint. Il est donc un pied noir à part et il reconnait lui-même qu’il n’a jamais vraiment adhéré à la culture et au folklore pied noir (p.45)Ce pays qu’il a donc quitté sans le connaître vraiment (p.44) il s’y attachera plus tard et le connaîtra mieux, par la suite, en y faisant de nombreux séjours.Je note , au passage , que son arrière grand père décédé en 1920 a pu connaître mon grand père lorsqu'il vivait a Saint Arnaud (El Eulma) (p. 11)La deuxième raison de son attachement à l’Algérie est son mariage avec la fille d’un intellectuel Algérie (Kabyle) Mohand Tazerout et je dois dire que la partie de son livre consacrée à l’évocation de son beau-père et de sa vie d’intellectuel est absolument captivante .Parmi les œuvres de Mohand Tazerout se trouve un livre : « L’Algérie de demain » publié en 1960 dans lequel il présente sa vision de ce que pourrait être l’Algérie nouvelle dans laquelle les Algériens musulmans et les Français d’Algérie pourront peu à peu devenir les enfants d’un pays libre comme la France…..( p.57 ). Je me suis posé la question de savoir si Mohand Tazerout avait connu les écrits d’Albert Camus et notamment son idée d’une Constitution permettant aux deux peuples de demeurer ensemble et ce qu’il en avait pensé. Utopie d’intellectuels que l’on retrouve encore à la fin du livre lorsque Jacques Fournier évoque un texte de Kamel Daoud se plaignant que l’Algérie n’ait pas eu son Mandela.J’ai trouvé que la partie consacrée aux souvenirs personnels de l’auteur manquait un peu de chaleur et d’émotion mais c’est sans doute du a ce départ volontaire qui n’a donc pas été un déchirement et qui n’a jamais en vérité supprimé le lien avec le pays de l’enfance.Pour moi, qui vais faire ce retour en Algérie plus de soixante après mon départ obligé je pense que je ressentirai une plus grande émotion en retrouvant changés ou inchangés les lieux de mon enfance heureuse.Enfin ce livre, je l’ai dit, est aussi un essai sur l’Algérie aujourd’hui et sur celle qu’elle pourra devenir et là, l’auteur est extrêmement intéressant envisageant deux hypothèses, l’une consacrant une séparation plus grande avec la France et l’autre, qui a évidement sa préférence, ou au contraire des liens plus forts se créeraient autour de la Méditerranée.Ce livre qu’une rencontre m’a fait connaître tombe magnifiquement, comme une sorte de signe du destin pour me permettre de mieux connaître ce pays de mon enfance au moment ou, enfin, après tant d'années, je vais y retourner.