Billions est une nouvelle série de 12 épisodes diffusée depuis la mi-janvier sur les ondes de Showtime aux États-Unis et CraveTV au Canada. L’action se déroule à New York dans le milieu de la finance et oppose deux têtes fortes : Chuck Rhoades (Paul Giamatti), le procureur fédéral et Bobby Axelrod (Damian Lewis), un puissant gestionnaire de fonds d’investissement. Persuadé que ce dernier a bâti sa fortune grâce à de nombreux délits d’initiés, l’obsession de Chuck est l’enfermer derrière les barreaux, mais Bobby a plus d’un tour dans son sac et c’est par personnes interposées qu’on a droit au jeu du chat et de la souris et pour le moment, c’est le gestionnaire qui gagne toutes les manches. Vaguement inspirée du travail de Preet Bharara, le procureur actuel qui n’a épargné personne dans ses poursuites, Billions nous offre un regard fascinant, bien qu’exagéré, sur le monde de la finance tout en mettant l’accent sur les perceptions populaires. Malheureusement, quelques incongruités viennent amoindrir le récit : reste à savoir si au long terme, elles viendront à bout de notre patience.
Le prince et le pauvre
La feuille de route de Chuck est impressionnante : depuis son arrivée en poste, il a remporté ses 81 poursuites contre des financiers véreux et à ce jour n’a essuyé aucune défaite. Chez lui, c’est toujours la prudence qui prévaut, ce qui explique pourquoi il hésite pour le moment à s’attaquer à Bobby. Fin renard, on découvre très tôt dans le pilote qu’il est en effet coupable de plusieurs délits d’initiés qui lui ont permis de s’enrichir considérablement, mais c’est son image de self-made-man qui joue le plus en sa faveur, faisant de lui un être inattaquable, pour le moment. Reste qu’une ombre plane autour de lui puisque seule son entreprise a survécu après les attentats du 11 septembre et pour le moment, on n’en sait pas davantage. Le seul lien qui existe entre ces deux hommes est Wendy (Maggie Siff), l’épouse de Chuck qui travaille pour Bobby : elle est psychiatre à l’Axe Capital. Après une présentation un peu laborieuse dans le premier épisode, on retrouve l’homme d’affaires dans le second qui tente de redorer son image en faisant un don de 100 millions $ à la fondation Eads et en propose 25 de plus pour que désormais ce soit son nom que porte l’organisme de charité alors que dans le troisième, il réussit à se faire offrir une place au sein du conseil d’administration de la Yum Time (une industrie prolifique spécialisée dans les pâtisseries) tout en éjectant son président.
L’aspect le plus intéressant de Billions concerne bien évidemment la lutte entre ces deux hommes, tel un combat de coqs et le téléspectateur moyen n’a pas besoin d’un MBA pour comprendre l’action qui implique évidemment beaucoup de chiffres et de techniques frauduleuses. En effet, tout dans leur personnalité les sépare, à l’exception de leur obstination à obtenir ce qu’ils désirent. En effet, Chuck est en quelque sorte « né » dans l’establishment New Yorkais. Son père (Jeffrey DeMunn) est richissime et ses contacts l’ont beaucoup aidé à gagner ses causes. Reste qu’il prend au sérieux le mandat qui lui a été confié et s’acharne à la tâche, mais il n’a pas la sympathie du public, relayé par certains journalistes qui l’accusent de vanter ses exploits concernant l’arrestation de revendeurs de drogues et laissant entendre qu’il serait moins « énergique » quand vient le temps de faire de même avec des criminels à cravate. Ce ne pourrait être plus faux, mais les perceptions sont coriaces et ça explique peut-être pourquoi il tient tant à épingler Bobby.
Ce dernier a quant à lui le beau rôle. Issu d’une famille très pauvre, il s’est hissé au sommet, peu importe comment et c’est tout ce que le public retient. Ce parvenu continue d’entretenir sa popularité en éparpillant quelques millions ici et là à des œuvres de charité et dans les épisodes 2 et 3 quand on regarde les résultats, c’est comme s’il punissait les familles riches, ces gens qui ont eu tout cuit dans le bec, en prenant ce qui leur appartient. Autres applaudissements de la population. On comprend dès lors l’origine de cette compétition entre les deux hommes incarnant des valeurs aux antipodes. Reste que pour l’heure, le salaud, c’est bien Bobby et non Chuck. Tout ce qu’il fait est mesquin et gageons que la popularité de l’émission reposera sur ce sentiment d’amour-haine envers ce personnage cruel, mais assez brillant pour éviter tous les pièges tendus.
Oui, mais…
On ne doute pas que Billions ait plusieurs intrigues en banque à nous offrir au cours de la saison et le fait de retrouver Paul Giamatti et Damian Lewis sous une même bannière est très vendeur, mais la série comporte tout de même quelques bémols qui viennent aplanir notre intérêt.
Tout d’abord, le fait que Wendy travaille pour le principal ennemi de son mari ne fait aucun sens. Recueillant les confidences de tous les employés d’Axe Captial, elle sait qu’il y a fraudes, mais n’en dit pas un mot à son mari. On veut bien croire qu’elle soit capable de séparer boulot et vie privée, mais il y a quand même des limites.
L’autre incongruité concerne Bobby et ses motivations pour les actes qu’il commet à l’encontre des gens qu’il humilie dans les premiers épisodes. S’il achète au rabais les Eads dans le second, c’est parce qu’adolescent, il était caddie pour cette famille et qu’il a été renvoyé sur un coup de tête. Dans le troisième, ses manigances ont pour résultat d’éjecter aussi du C.A. de Yum Time Evelyn Benson (Kate Jennings Grant), qui est la maîtresse du père de Chuck. En somme, il se donne bien du mal pour atteindre son ennemi et fait encore plus surprenant, son épouse Lara (Malin Akerman) l’appuie dans toutes ses puériles manigances.
Enfin, si les trois finales d’épisodes vues jusqu’ici font leur effet en nous donnant envie d’être présent la semaine suivante, en revanche, les détours pour y arriver sont nombreux, on baille plus d’une fois et on gagnerait à ajouter plus de moments de tension au cours des récits.
L’avenir pour Billions est au beau fixe : son premier épisode a attiré 900 000 téléspectateurs avec un maigre taux de 0,2 sur la cible des 18-49 ans. Par contre, le pilote qui avait été mis en ligne au début du mois avait été vu par 1,6 million d’usagers. Mieux encore, le second épisode a rallié un auditoire de 950 000 (taux de 0,3) et ça grimpait encore la semaine suivante à 1,3 million (taux de 0,4), ce qui équivaut à une hausse de 35 % par rapport à son pilote. Quoi qu’il en soit, Showtime n’a pas perdu de temps et une deuxième saison a déjà été annoncée.