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[Critiques] "Steve Jobs" le film, on aime, on aime pas, on s'en fout...

Publié le 09 février 2016 par Next51 @next51blog
Vingt ans après la sortie de "Trainspotting", puis celle de "Slumdog Millionaire" huit fois oscarisé en 2008, le réalisateur britannique Danny Boyle, au cinéma souvent iconoclaste, se penche sur la vie du fondateur d'Apple, Steve Jobs.

Steve Jobs, le film de Danny Boyle, un biopic proche de la tragédie ou seulement le portrait sans intérêt d'un informaticien ? Danièle Heymann (Marianne), Eric Neuhoff (Figaro), Xavier Leherpeur (7ème Obsession), Michel Ciment (Positif), et Jérôme Garcin ont passé le film au peigne fin. La présentation par Jérôme Garcin

C’est à Steve Jobs, incarné par Michael Fassbender que s’intéresse cette fois-ci le réalisateur de Slumdog millionaire, Danny Boyle, dans un film de 2h qui réunit Kate Winslet, Seth Rogen, Jeff Daniels. Le scénario est signé de l’excellent Aaron Sorkin.

Le film montre un Steve Jobs à la fois diable et Bon Dieu à trois moments essentiels de sa vie professionnelle. Quand à San Francisco, le créateur d’Apple s’apprête dans les coulisses de ses fameux shows, à lancer avec plus ou moins de réussite le Mac en 1984, le Next en 1988, et l’Imac en 1998. Dans ces coulisses, il croise sa fidèle assistante Kate Winslet, son ex-associé joué par Seth Rogen, le PDG Jeff Daniels, sa première fille et surtout lui-même génie visionnaire et infréquentable. Il faut dire qu’il ne s’est jamais remis d’avoir été abandonné à sa naissance. Il disparait en 2011 à l’âge de 56 ans. J’avais un souvenir d’un premier film accablant lui sorti il y a deux ans, celui-ci détonne.
Xavier Leherpeur aime énormément

Ce film détonne surtout dans la filmographie de Danny Boyle qui est le cinéaste le plus vulgaire, le plus tape à l’œil, le plus inintéressant de l’histoire contemporaine du cinéma que je connaisse ! Slumdog Millionnaire est le truc le plus irregardable qui soit. Vraiment Danny Boyle, c’est rédhibitoire, je ne le supporte pas. Et pourtant, j’aime énormément ce film Steve Jobs.

C’est à la base un scénario d’Aaaron Sorkin qui n’est pas n’importe qui ! On se souvient de The Social Networtk, ou de la série Newsroom. Ça nous venge du biopic, un genre auquel je deviens totalement réfractaire… Là, c’est à la base une très bonne idée : plutôt que de raconter à partir de la fiche Wikipédia : l’enfance, le trauma originel etc… C’est une structure de tragédie en trois actes, trois unités de lieu, trois moments déterminés, choisis.

Dans le même temps, il y a la manière de raconter le personnage tel qu’il est : machiavélique, ambitieux, manipulateur, séducteur, salopard, démiurge, et en même temps d’un charisme absolu avec Michael Fassbender qui est loin d’être le plus mauvais acteur du moment : il est absolument génial. Autour de lui, il y a une galerie de portraits qui viennent tout droit de la tragédie. On a l’impression que les fantômes du passé sont là : le patron dont on ne sait pas s’il est vivant ou s’il est mort, qui est le mentor qui accompagne Steve Jobs, sa fille qu’il a abandonnée sur l’autel du succès, les fantômes de demain, ceux qui vont reprendre le rêve de Steve Jobs…

Il y a une grande liberté narrative : on ne sait pas s’ils étaient tous vraiment là ces jours-là. Ça donne quelque chose d'absolument fabuleux. Mais les dates sont justes, les échecs aussi. Le fait qu’il ait bidonné le premier Macintosh qui n’a sans doute jamais parlé, alors que pendant longtemps, c’est resté dans la mythologie Apple. Il y a de vraies audaces et c’est de ça dont on a envie quand on fait un biopic.
Subitement Danny Boyle découvre le plan fixe, le panorama tranquille pépère… Ce n’est donc pas la peine d’envoyer sa caméra à l’autre bout de la pièce sur un lance-pierre… Non, il comprend qu’on peut filmer de manière plus tranquille.
Eric Neuhoff s'en fiche du mec qui a inventé les Macs

Le problème, c’est qu’il faut s’intéresser aux ordinateurs…. C’est comme si on me racontait la vie du type qui a inventé le four à micro-ondes : c’est vrai que ça facilite la vie, mais je m’en fous. Steve Jobs, c’est quand même un type qui a bousillé la planète avec ses ordinateurs. On fait passer ce type pour Michel-Ange, mais un Mac, pour moi, c’est comme un imperméable.

Si Danny Boyle s’est calmé, c’est parce qu’au départ c’est David Fincher qui devait réaliser le film. Donc Danny Boyle s’est dit : 'On va me comparer à The Social Network', et il a rangé sa caméra fébrile. Mais ce n’est pas Citizen Kane, non plus ! C’est très astucieux d’avoir pris trois moments où il lance ses produits… mais je m’en fiche du type qui a inventé les Macs.
Michel Ciment : "C’est essentiellement l'histoire d'un commerçant"

C’est essentiellement l'histoire d'un commerçant, d'un type qui a le sens du marketing… Le créatif le personnage joué par Seth Rogen, celui qui s’oppose à Steve Jobs tout au long du film. Ce n’est pas une apologie du personnage. Dans le duel qui l’oppose à son bras droit qui a trouvé beaucoup plus de choses : Steve Jobs est un manipulateur et en même temps il est généreux. Il est plein de contradictions. C’est dommage qu’il plombe un peu avec des problèmes personnels, psychanalytiques… Sorkin est un scénariste formidable, c’est l’auteur d’A la Maison Blanche, il est aussi l’auteur du Stratège de Bennett Miller qui est un film sur le sport. C’est vrai que Danny Boyle m’exaspérait avec ses effets, mais là il est au service de producteurs. Contrairement à Xavier, moi, j’aime les biopics : depuis Ivan le terrible, l’Impératrice rouge, Cléopâtre, tous les films de Milos Forman…Il y en a plein de merveilleux. Je suis fasciné par ce genre qui a donné énormément de films importants.

Danièle Heyman : "C’est un portrait, proche de l’opéra parlé et c’est fascinant"

J’y vois un opéra plus qu’une tragédie. C’est un véritable flot de paroles. Qu’est-ce que ça parle ! Et les décors sont ceux d’opéra. Ces arènes de San Francisco, ce public fasciné. Oui, c’est le portrait d’un génie imparfait. Moi qui ne m’intéresse pas du tout à l’informatique, je m’intéresse à Steve Jobs, ce type qui n’arrête pas de trahir… Cette Kate Winslet qui joue une véritable nourrice… Ce type qui batit un triomphe sur des échecs programmés pour arriver au succès. C’est un portrait, proche de l’opéra parlé et c’est fascinant.

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