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Bétaillères en commun

Publié le 12 juin 2008 par H16

Ce matin, il pleuvait. Et j'ai commis l'énorme erreur de prendre le bus. D'une part, il était -évidemment- plein. D'autre part, il est arrivé en retard, a pris un trajet farfelu totalement improvisé et foireux pour éviter une circulation rendue dantesque par ... la présence d'autres bus coincés, et enfin, il a pris beaucoup plus de temps à faire le trajet que moi, à pied (logique, vu le gloubiboulga général).

Ce constat semble résulter d'un malheureux concours de circonstances... Il n'en est rien.

J'ai en effet la chance douteuse de pas mal voyager, et de "profiter" de nombreux transports en commun de types divers. Et force est de constater que l'Etat s'occupe bien mal de ces activités. D'ailleurs, elles sont d'autant plus pourries qu'il a son nez et ses doigts dedans.

Les observations, en effet, sont les suivantes.

D'un côté, les gouvernements mettent régulièrement en œuvre des lois et des règlements favorisant les transports en commun, au prétexte qu'ils sont plus écologiques, désenclavent certaines régions, ou encore, représentent un intérêt national lorsque les entreprises sont des monopoles publics ou dont l'Etat est actionnaire important.

De l'autre, l'Etat, parfait Janus de Prisunic, fait progressivement tout pour rendre chaque voyage en commun plus pénible, plus coûteux, plus long et plus incertain.

Plus coûteux, c'est évident lorsqu'on voit ce que finalement nous coûte des entreprises comme la RATP ou la SNCF ; le prix du billet, jadis abordable, grimpe un peu plus tous les jours, et le différentiel au coût réel s'accroît avec les charges d'exploitations courantes et à venir ; je pense ici aux retraites et aux soultes qui voyagent, elles, pas en commun, entre les différents organismes de l'Etat en permettant à tout un monde de petits fonctionnaires tatillons de se sucrer au passage.

Dans les villes qui n'ont pas la chance discutable de se voir gangrénées desservies par la RATP, les mairies rivalisent d'inventivité pour déplacer de grosses sommes de la poche des contribuables vers des entreprises semi-publiques de BTP et de transport dans lesquelles le tonton ou le frangin du maire aura des parts. On peut étudier chaque type de transport et vérifier qu'à la base, il y a le désir toujours assouvi d'un élu de laisser une trace durable dans le paysage de sa ville. Après, en fonction de son égo, on récolte soit quelques lignes de bus, des lignes de tram pour les caractères plus envahissants, et des lignes de métro pour les plus imbus de leurs personnes.

(Au passage, on se demande vraiment où niche l'intérêt du tram : il subit souvent les aléas de la circulation tout en étant plus cher que le bus... Magie du rail, sans doute.)

La construction de ces lignes nécessite d'importants budgets ; outre les matériels roulants, le placement des arrêts, le creusement des lignes, que ce soit pour les rails du tram ou pour les souterrains du métro, coûtent fort cher et nécessitent des millions ou des milliards d'euros. Les pertes subies par les commerces alentours sont généralement sous-estimées et, de toute façon, coûtent aux contribuables par indemnisation, et aux riverains par pertes diverses de chiffre d'affaires.

Une fois les lignes déployées (et pas encore amorties), les trajets sont cependant plus pénibles et plus longs : en effet, les aménagements proposés imposent de nouveaux tracés routiers qui perturbent la circulation ; comme le nouveau système se doit d'être un succès, la mairie va s'efforcer d'enquiquiner au maximum l'automobiliste, vilain individualiste pollueur et égoïste, pour lui faire prendre la ligne de métro, le bus ou le tram qui va bien. Mais las ...

Quand les lignes ne desservent pas du tout les centres d'intérêts de l'automobiliste, le service rendu pour lui est nul. Quand le temps du nouveau trajet proposé est trois fois supérieur, le service rendu est négatif. Quand le trajet est beaucoup plus compliqué (correspondances, horaires), le service rendu est là encore difficilement positif.

Evidemment, certains veinards y trouvent leur compte : l'arrêt est en bas de chez eux et les amènent directement au pied de leur travail. Mais, statistiquement, c'est rare. Ainsi, sur Paris dont on vente souvent le maillage, un déplacement intra-muros est relativement aisé. Mais ces déplacements concentrés dans un petit cercle urbain ne concernent qu'un nombre minoritaire de Parisiens ; la plupart traversent en effet la ville de part en part, et souvent d'une banlieue à une autre, les obligeant à changer une ou deux fois soit de mode, soit de ligne de transport. Ceci allonge les temps de trajet, la fatigue, le coût général.

C'est d'ailleurs tellement vrai qu'en général, les lignes sont, au mieux, bondées à beaucoup plus de 100% pendant les heures de pointes (ah, le bonheur indépassable d'observer de très très près les bactéries jouer entre elles sur les vitres du bus ou du métro) , et à nettement moins que 50% en dehors de ces pointes. Ainsi, en pleine journée, les bus tournent à vide ou presque. Les métros ne manquent pas de place assises.

Je n'ai pas évoqué l'avion, mais il n'y a pas besoin de réfléchir trop longtemps pour se rendre compte qu'un trajet aérien, de nos jours, correspond bien à ce descriptif : dès lors que le trajet effectif prend moins de deux heures, le passager va passer plus de temps à gérer les vexations administratives et sécuritaires paranoïdes qu'à réellement cramer du kérosène pour arriver à destination, le tout pour un prix ahurissant et des prestations minables, en s'obligeant de surcroît (sur les trajets impliquant la France) à subventionner les lubies chiraquiennes, s'il ne termine pas à la douane, sous les yeux narquois de policiers goguenards lui demandant de se déshabiller.

Et le pompon, c'est ce merveilleux parfum d'aventure qu'on renifle à chaque fois qu'on doit utiliser une des bétaillères collectivistes (sur bitume, sur rail ou dans les airs), cette forte dose d'incertain que le transport en commun permet à tout mortel de goûter.

L'avion est là encore très sujet aux aléas. Si la météo s'y met, vous voilà dérouté dans une ville de province qu'aucun attrait touristique improbable ne semblait cependant vous décider à visiter. Vos bagages se baladeront à Hong-Kong quand vous êtes à San Francisco. Parfois, votre valise arrive en trois bouts séparés, un bagagiste ayant passé ses nerfs dessus (quand il ne se sera pas servi au passage dans votre trousse de toilette). Mal bien français (mais pas que), les grèves et petites sautes d'humeurs revendicatives imposent souvent des horaires alternatifs, des routes innovantes et des gymnastiques de correspondance auprès desquelles les médaillés olympiques de GRS font figure de trisomiques maladroits en mal d'abducteurs froissés.

Le train n'échappe pas à la règle. Là encore, les correspondances doivent être larges et extrêmement souples. Les horaires sont donnés à titre pudiquement indicatif, tant les aléas sont nombreux: des feuilles et de la pluie ? Ca glisse. De la neige ? Ca glisse aussi. La pluie peut affaisser les ballasts. Le vent peut déstabiliser les voitures ou faire casser les câbles électriques. Les motrices peuvent, en forte chaleur, s'arrêter - schlonk - comme ça, en rase campagne : un TGV à 25 km/h en pointe, eh oui, c'est bleussipo. On ne compte plus, en France, les trajets Brest-Paris ou autres de plus de 10h en TGV. La SNCF a su rendre au mot Province toute sa saveur d'éloignement et de dépaysement étranger.

Mais le grand gagnant, c'est le bus. Les horaires ne correspondent à rien de réel et sont la risée de toute personne un minimum sensée. Les temps de trajets sont toujours différents et il n'y a pas de temps de trajet moyen significatif ; chaque trajet devient une loterie où le passager est toujours perdant : ils peuvent se voir modifiés - ainsi que les arrêts - irrégulièrement en fonction des recherches pétrolières en cours (eh oui : regardez toutes les villes grandes ou moyennes : les forages et autres gros trous dans la chaussée, sans doute pour trouver du pétrole depuis qu'on a plus d'idées, se multiplient sans cesse). Les tarifs sont tout simplement absurdes.

Pas de doute : je hais le bus.

Et non, je ne proposerai aucune espèce de réflexion ou de conclusion alternative. J'emmerde le bus. Je conchie le train. Je pète dans la direction générale de l'avion.

C'était mon râlement du jour.


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