Par une décision n°15-D-20 du 17 décembre 2015, l’Autorité de la concurrence condamne Orange à une amende particulièrement élevée de 350 millions d’euros et lui impose des injonctions pour avoir mis en œuvre, auprès de la clientèle entreprise principalement, quatre séries de pratiques anticoncurrentielles.
Pour rappel, Orange a longtemps été en situation de position dominante sur le marché des communications électroniques à destination des professionnels, fixe et mobile. Cette position dominante ressort notamment de son ancien monopole historique sur la gestion de la boucle locale cuivre, qui est le dernier élément permettant de relier le répartiteur de l’opérateur téléphonique à la prise téléphonique de l’abonné. Il lui était reproché d’abuser de cette position dominante en cherchant à entraver, voire à évincer la concurrence sur ce marché.
Des opérateurs tels que Bouygues Telecom, en 2008, ou encore SFR, en 2010, ont ainsi saisi l’Autorité de la concurrence afin de voir Orange condamnée pour ses pratiques d’abus de position dominante.
Quatre pratiques ont été mises en évidence par le juge de la concurrence :
- La discrimination dans l’accès aux informations relatives à la gestion de la boucle locale de cuivre
Sur le marché de détail des services « fixes », Orange possède la boucle locale de cuivre la plus importante jamais déployée en France puisqu’elle couvre 98% de la population française.
Etant gestionnaire de ce réseau, Orange a logiquement accès à l’ensemble des informations relatives à la boucle locale de cuivre, informations indispensables pour tout opérateur concurrent qui souhaiterait commercialiser ses offres de détail auprès des entreprises.
Or, depuis la moitié des années 2000 et encore aujourd’hui, les services d’Orange bénéficient d’un accès à un périmètre d’informations plus complet et de manière plus rapide que les autres opérateurs.
De ce fait, l’Autorité de la concurrence estime que cette discrimination dans l’accès et l’utilisation d’informations issues de la boucle locale de cuivre affecte « la relation commerciale des opérateurs tiers avec leurs clients, les faisant apparaître moins réactifs et moins informés que l’opérateur historique, ce qui a vraisemblablement conduit à une régression de l’intensité concurrentielle dans le secteur ».
- La fidélisation anticoncurrentielle de la clientèle par la mise en œuvre du programme « changer de mobile »
Sur le marché de services « mobiles » et toujours à destination de la clientèle entreprises, Orange a mis en place un programme qui permet au client de cumuler des points chaque mois, en fonction de son ancienneté et de sa consommation.
Or, entre 2002 et 2010, l’opérateur en position dominante dissuadait le client de choisir un opérateur tiers en subordonnant l’utilisation de ses points fidélité à la condition de réengager sa ligne auprès d’Orange pour 12 ou 24 mois.
Il s’agissait là à la fois d’une pratique anticoncurrentielle envers les autres opérateurs, mais aussi d’une pratique abusive envers le consommateur puisque ce dernier ne pouvait pas faire jouer la concurrence au terme de sa période d’engagement avec Orange.
- Le renchérissement des coûts de sortie par la mise en place de remises destinées à fidéliser la clientèle
Depuis 2003, et encore aujourd’hui, Orange a mis en place une série de remises censées fidéliser la clientèle non résidentielle.
- La remise « privilège », dont le but est d’engager le client sur la durée, permet de rallonger les durées d’engagement des clients de 12 à 24 ou 36 mois en contrepartie de réductions de 10 à 15% appliquées sur l’abonnement principal.
- La remise « parc », dont le but est d’inciter le client à confier l’ensemble de ses lignes à Orange, offre au client des remises pouvant être très importantes en fonction du volume de lignes qu’il a souscrit.
Selon le juge de la concurrence, ces deux systèmes de remises emportent « de potentiels effets de verrouillage du marché et d’éviction des concurrents ».
- La mise en place d’une remise d’exclusivité pour les prestations de réseaux privés virtuels (VPN)
Un tel mécanisme de remise d’exclusivité sur ses offres VPN n’était mis en place par Orange au profit des clients qu’à la condition que ces derniers ne confient aucun raccordement de leurs sites aux opérateurs tiers.
L’Autorité de la concurrence a considéré cette pratique, observée entre 2006 et 2015, « comme restrictive de concurrence, tant au vu de sa capacité à lier les clients qu’au vu de sa capacité à évincer les concurrents ».
La durée et la gravité particulière de ces pratiques ainsi que la responsabilité particulière d’Orange due à sa position dominante et historique dans ce secteur ont conduit l’Autorité de la concurrence à condamner l’opérateur avec la plus grande fermeté.
Outre l’amende record de 350 millions d’euros, la plus élevée qu’elle ait jamais prononcée à l’encontre d’une entreprise individuelle, l’Autorité a également choisi d’enjoindre l’opérateur de :
- mettre en place dans un délai de 18 mois un dispositif garantissant la fourniture aux opérateurs des informations de la boucle locale cuivre issues des mêmes sources, dans les mêmes délais, selon les conditions, et à un niveau identique de fiabilité et de performance que ceux dont bénéficient ses propres services commerciaux.
- prendre toutes les mesures nécessaires utiles pour faire cesser les pratiques de remises fidélisantes et de s’abstenir à l’avenir de mettre en œuvre des pratiques ayant un objet ou des effets équivalents.
- cesser de pratiquer la remise d’exclusivité sur ses offres VPN et s’abstenir de mettre en œuvre toute pratique équivalente.
L’Autorité précise dans son communiqué qu’Orange a choisi de coopérer et ne conteste pas les pratiques qui lui sont reprochées, ni les sanctions et injonctions qui lui sont imposées dans le but de rétablir un fonctionnement concurrentiel du marché.
Pour en savoir plus, cliquez ICI.
- Rabais d’exclusivité à l’épreuve de l’abus de position dominante
- La Chambre commerciale revient sur l’exclusivité d’orange pour commercialiser l’iPhone
- Le Conseil de la concurrence préconise l’augmentation des opérateurs mobiles virtuels.
- Présomption de responsabilité d’une société mère pour les activités anticoncurrentielles de sa filiale détenue à 100%
- Autorité de la concurrence – détermination des sanctions