Titre : Créatures célestes
Dessin : Yao Xu
Scénario : Richard Marazano
Editeur : Rue de Sèvres
Année : 2016
Nombre de planches : 54
Résumé :
En 1937, Yin est une petite fille d’une dizaine de printemps orpheline. Elle vit à Shangaï avec son grand père Liu, qui l’a recueilli après la mort de ses parents. Celui-ci est pêcheur. Yin, quant à elle, a la charge de vendre le poisson pêché. Elle finit par se faire racketter et, en ces temps de misère, cela est mal venu pour le vieil homme… Yin décide d’aider son grand père à la pêche pour réparer sa « faute », celui-ci le lui interdit. Malgré cela, Yin se faufile en cachette, un soir, dans le bateau de son grand père.
Pendant ce temps, l’armée impériale japonaise envahie le quartier d’habitation de Yin et son grand père.
De leur filet et par un coup de pouce involontaire de l’armée japonaise, Yin et Liu vont remonter une énorme créature de la mer : Un dragon d’or blessé. Yin réussira à convaincre son grand-père de cacher et soigner ce dragon… Ainsi commence l’aventure inextricable de ces deux personnages pour cacher et nourrir ce dragon aux yeux et à la barbe de tous ! Et pour récompense bien empoisonnée, ce fameux dragon leur annonce le commencement de la maudite prophétie du Dragon noir Gongong qui anéantira les hommes…
Mon avis :
Quelle heureuse surprise que ce premier tome d’un triptyque prometteur !! Cette BD s’adresse évidemment à un public jeune mais s’ouvre, par la qualité de l’ouvrage, du travail et des références, à un lectorat finalement beaucoup plus large.
La couverture, le livre :
La couverture est belle mettant évidement en avant les principaux protagonistes de l’histoire, avec des couleurs chaudes et fraiches en même temps. L’ouvrage est grand, bien conçu, rigide et lisse. Très agréable au touché. Le livre est fidèle à la grande qualité des ouvrages des éditions Rue de Sèvres. Encore un bel objet bien manufacturé !
planche 7 extraite de l'album
Le dessin, le style, la mise en scène, les couleurs :Le dessin de Yao Xu est tout simplement formidable, poétique, enchanteur, à mi-chemin entre le Manhua et la BD dans un style donc semi-réaliste. Son trait est léger, simple, sensible presque sans défaut. Son style est donc à la fois caricaturé et symbolique mais aussi assez vrai pour permettre de facilement se projeter dans l’histoire et de la vivre avec la même intensité que cette petite chipie de Yin.
Ces personnages prennent donc vie et sont pleins d’émotions (on sent bien le dévouement du grand père par exemple pour sa petite fille, malgré son âge avancé, ou bien la malice et surtout la compassion de cette petite gamine vers son grand-père etc…).
Les références historiques à travers les costumes, les marchés, les bateaux etc.., sont superbement bien travaillés et documentées.
Les couleurs sont belles, bien mises en place, remarquablement dosées, pas trop chatoyantes, chaudes et légèrement pastels. Elles sont très agréable visuellement et nous incitent à nous prélasser et à profiter au maximum du spectacle. Chaque vignette en devient presque un tableau.
On en croirait presque au final un de ces superbes animés de Miyazaki comme le voyage de Chihiro ou le château dans le ciel…
A y réfléchir ce dessin, qui me plait beaucoup, a beaucoup de ressemblance aussi avec d’autres ouvrages très poétiques également, comme le rêve du papillon (de Luo Yin et également scénarisé par Richard Marazano), ou bien les carnets de Cerise (de Aurélie Neyret et Joris Chamblain)… Concernant le Rêve du Papillon, cela n’est pas un hasard, car Yao Xu a été l’un des plus brillants élèves de Luo Yin. D’ailleurs, il paraîtrait que le nom de l’héroïne est un hommage rendu à cette dessinatrice, sympathique non ?
Planche 11 extraite de l'album
Le scénario, le découpage :Le scénario est bien construit et aborde beaucoup de thème et de bonne valeurs comme les relations entre générations, la préservation des traditions ancestrales, les symboliques culturelles, l’histoire de la guerre sino-japonaise etc…
Cela ouvre donc de grands horizons à Richard Marazano qui peut ainsi se lancer dans de la fiction fantastico-traditionnelle chinoise si j’ose dire… et il le fait à merveille ! Cet auteur arrive à conjuguer et à s’accommoder de tous ces points avec une magie insensée.
Le rendu est fort cohérent, marrant malgré le contexte historique difficile, féérique et accessible. Ce récit est aussi très humaniste, et ne présente aucun parti pris ni position des auteurs vis-à-vis de faits de l’histoire et des cultures chinoises.
Le découpage est simple, peu de fantaisie, relativement ordonnée à l'image que l'on peut avoir de la rigueur de la chine et du japon. Les vignettes sont grandes dans l'ensemble et la mise en page est donc aérée. Bref, cette BD qui pourrait passer inaperçue sur les étalages des libraires est donc une petite merveille graphique et scénaristique à ne pas louper. J’ai adoré du haut de mes vieilles années, et j’en redemande ! Merci pour cet ouvrage.
Ciao Yann Les auteurs (Source éditions Rue de Sèvres):
Xu Yao est né en mai 1987 à Zibo, dans la province de Shandong en Chine. Diplômé de la Beijing Film Academy, il a collaboré à plusieurs court-métrages d’animation et travaille pour un studio de création de jeux vidéos. Il développe en parallèle une œuvre plus personnelle d’illustration et de bande dessinée. Yin et le Dragon est sa première collaboration en France.
Photo et copyright : Alexia Cumin
Né en 1971 à Fontenay-aux-Roses, Richard Marazano étudie la bande dessinée aux Beaux-Arts d'Angoulême. Il publie dès 1996 aux éditions Soleil, puis se diversifie en se tournant vers les Humanoïdes Associés, Glénat ou encore Dargaud. Auteur prolifique, il remporte de nombreux prix pour des ouvrages tels que Cuervos ou Le Complexe du chimpanzé. Il vit toujours à Fontenay-aux-Roses.Inscrivez vous à notre newsletter :