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La Tour 2 Contrôle Infernale. Eric Judor.

Publié le 11 février 2016 par Toiletteintime @toiletteintime

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Il est avéré depuis longtemps qu’Eric et Ramzy, clowns burlesques à l’univers unique dans ce pays au rire plutôt familial, est un duo génial et important, adoubé jusqu’aux Cahiers du Cinéma et Télérama, loin de la fange télévisuelle ou du cinéma balisé où se complaisent certains parvenus de l’humour (Dubosc, Jamel, Foresti, Garcia, Kad et Olivier…) Pourquoi donc un retour des 2 gogols, 15 ans après, alors même que leurs dernières productions n’ont pas été couronnées de succès, Platane étant encensé par la critique mais peu regardé sur Canal ?

La démarche d’Eric & Ramzy est d’autant plus salvatrice et casse-gueule que leur humour plutôt novateur en 2001 est considéré comme ringard par une nouvelle génération de pré ados élevés à You Tube, aux sketches en chambre, aux films en streaming et dont les nouveaux héros se nomment Kev Adams, Cyprien ou Norman. Avec un tel bouleversement des codes culturels et télévisuels en 15 ans, la sortie de ce film ne résonne donc plus comme à la grande époque où ils étaient les rois du petit et du grand écran. Leur humour, souvent méta et toujours régressif est pourtant devenu adulte, s’adressant aujourd’hui plus à ceux qui maîtrisent les codes du rire physique et absurde de Will Ferrell, Zach Galifianakis et des fous furieux Tim & Eric ou du slapstick cher aux frères Farelly (leur Dumb & Dumber séminal leur ouvrit forcément des perspectives !). Pas un hasard donc, si Eric s’épanouit si bien chez Quentin Dupieux (Steak, Wrong, Wrong Cops), un ovni précieux dans la comédie « française ». A la recherche de cette perfection non-sensique, du gag parfait et du timing idéal, Eric Judor a donc mis son expérience accumulée durant toutes ces années pour réaliser un film digne de ses ambitions et pas seulement une suite commerciale pour amuser les gosses, qui ont grandit avec eux…ou pas.

A l’écran, le réalisateur met déjà un point d’honneur à ce que tout sonne juste, que les décors et les costumes années 80 soient assez réalistes, sans être toc, dans ce qui se veut une parodie logique de 58 Minutes pour vivre. La scène de la salle des bagages, assez fantastique est en plus un bel hommage à Pixar et au monde des rêves de Monstres et Co. En grands gamins qu’ils sont les 2 comédiens en font des caisses lorsqu’ils sont face à face, laissant exploser leur folie et leur entente plus que communicative. Mais la grande idée pour contrebalancer un peu leur explosivité est d’avoir choisi le calme et placide Philippe Katerine pour jouer le grand méchant de l’histoire, un colonel Janouniou tout en moustache, fourrure et maîtrise de la langue française. Un sujet qui tombe d’ailleurs en plein débat sur l’orthographe, comme les thèmes du terrorisme, du racisme, des Anonymous, de l’homosexualité, du machisme ambiant et de la nullité politique qu’ils développent à grands coups de saillies percutantes. Et l’on voit même poindre sous couvert du « retard » technologique de la France, une critique acerbe d’un monde de la comédie à jamais à la traîne de ses modèles américains. Mais au-delà de la seule blague potache et d’acteurs sympathiques (Marina Foïs, Serge Riaboukine, Grégoire Oestermann), le film déploie des trésors d’inventivité, des scènes ultra-drôles où la poésie mêlée à l’absurde en font l’une des choses les plus touchantes et pertinentes vues récemment dans la comédie française. Même tourné en Belgique, les aéroports de Paris ayant eu peur de l’image donnée aux bagagistes !!!. Et s’ils semblent voler bien au-dessus de la tour de contrôle du genre, espérons qu’Eric et Ramzy ne connaissent pas avec ce film précieux un chant du cygne dévastateur pour la suite de leurs carrières. Les financiers et les patrons de chaînes, en plus des bons comédiens, n’aiment pas trop les poètes et les rêveurs.

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