La dépression s'est de nouveau abattue
jeudi sur les marchés mondiaux qui décrochaient sévèrement, terrassés
encore et toujours par un cocktail d'inquiétudes et de doutes sur le
pétrole, les banques et la croissance mondiale.
L'embellie de la veille a donc été étouffée dans l'oeuf par des
places financières qui n'en finissent plus de broyer du noir depuis le
début de l'année.
L'hécatombe était générale en Europe: Paris perdait 3,10%, Francfort
2,29%, Londres 2,10%, Milan 4,34% et Madrid 3,25% vers 11H00 GMT. Les
baisses étaient encore plus fortes peu après l'ouverture.
L'Asie avait donné le ton juste un peu plus tôt avec un décrochage
de 4% de la Bourse de Hong Kong qui reprenait ses activités après trois
jours de congés, tandis que celle de Tokyo était fermée pour cause de
jour férié.
"Après une journée de respiration, les marchés sont de nouveau sur
le grill jeudi. Et le baromètre de la prise de risque est au plus bas",
résume Jasper Lawler, un analyste de CMC Markets.
"Le répit a été de courte durée sur des marchés inquiets et
fragiles, où les valeurs bancaires continuent à être secouées, et les
investisseurs se réfugient vers les actifs les plus sûrs ", observe
également Jean-François Robin, un stratégiste obligataire de Natixis
Les banques, qui cristallisent les peurs depuis quelques jours,
étaient en effet en première ligne du décrochage, au point que plusieurs
journaux allemands parlaient de "tremblement de terre bancaire".
Vers 11H00 GMT, la française Société Générale reculait de 12,02%,
l'italienne Ubi Banca de 15,3%, BMPS de 8,67%, Mediobanca de 9,71%,
l'espagnole Santander de 5,09%. En Allemagne, Deutsche Bank, la première
banque allemande, qui avait été contrainte de publier un communiqué
pour rassurer sur sa solvabilité et avait gagné 10,2% mercredi,
s'enfonçait de nouveau, de 6,14%.
A Londres, même tendance pour Standard Chartered (-5,01%), Barclays (-5,66%) et Royal Bank of Scotland (-3,48%).
- plus de lapin dans le chapeau -
"Pourtant les banques ne sont pas du tout dans une situation
similaire à celle de 2007, avec du stress en terme de liquidité et de
solvabilité", souligne M. Robin.
Les prix du pétrole, autre sujet majeur de préoccupation des marchés
financiers, reculaient aussi, alourdissant encore un peu plus
l'ambiance générale. Le baril WTI évoluait sous les 27 dollars, se
rapprochant même de ses plus bas depuis 2013.
Selon M. Robin, "le soutien pourrait venir d'un rebond du pétrole
mais, pour l'instant, un accord entre pays producteurs pour réduire
l'offre ne semble pas se profiler".
Corollaire logique de l'aversion totale des investisseurs pour le risque, les valeurs refuges étaient très recherchées.
L'or passait ainsi au-dessus des 1.200 dollars.
Le taux d'emprunt à 10 ans de l'Allemagne, le fameux "Bund", se
détendait fortement et évoluait désormais sous les 0,2%. A l'inverse,
les dettes des pays du sud de l'Europe étaient sous pression.
Pour Christopher Dembik, un économiste de Saxo Banque, "le coeur du
problème, c'est le décalage entre les attentes des marchés en début
d'année et la réalité des chiffres. Tout le monde croyait que l'année
2016 serait celle de la reprise mais, dès les premiers jours de janvier,
la Banque Mondiale puis le FMI ont revu nettement à la baisse leurs
prévisions de croissance pour l'année en cours. Cela a jeté un froid".
"Fondamentalement, le contexte n'est pas très différent" avec un
"ralentissement chinois connu depuis 2009, une incurie du système
bancaire italien et la nécessité d'une bad bank pour le purger depuis
2012", développe-t-il.
Selon lui, c'est donc "la prise de conscience par les investisseurs
de ces données qui explique la chute depuis janvier des Bourses.
Désormais la panique est auto - entretenue et les marchés ne font plus
guère attention aux fondamentaux".
Si les marchés sont aussi désorientés depuis le début de l'année,
c'est aussi parce que les banques centrales peinent de plus en plus à
rassurer.
"Seule une action des banques centrales pourrait encore rassurer
mais elles disposent de moins en moins d'instruments pour surprendre les
investisseurs", analyse M. Dembik.
La Réserve fédérale américaine est en position de statu quo,
poursuit-il, faisant reposer la pression sur la Banque centrale
européenne, or son président, "Mario Draghi, n'a plus de lapin à sortir
de son chapeau afin de rassurer donc la baisse actuelle pourrait encore
durer longtemps et potentiellement se transformer en nouvelle crise".
Source : Romandie