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Avec méthode, Hollande et sa bande détruisent ce qui reste d'une gauche déjà en miettes et d'une République affaiblie. Mais il y a des alternatives.
Le quinquennat se poursuit comme s'il fallait, jour à après jour, démentir les promesses, oublier les attentes de la campagne de 2012, et surtout s'abimer davantage avant le prochain grand scrutin. Procès Cahuzac, critiques de la Cour des comptes sur les déficits, déchéance de nationalité et débauchages politiques de fin de règne, cette semaine concentre toutes les illustrations d'un quinquennat auto-destructeur.
L'échec
Lundi, Jérôme Cahuzac se rappelle au bon souvenir de ses anciens camarades. L'affaire Cahuzac est une épine pour Hollande, un passif qu'il trainera comme un boulet. Son procès pour fraude fiscale et blanchiment, après son aveu d'il y a deux ans, démarre sous les feux des projecteurs. La presse se régale, mais la cohue devant la salle d'audience s'arrête vite. Dès le lendemain, le dépôt d'une QPC par les avocats du fraudeur fait reporter au 5 septembre la poursuite du procès.
Mardi, la Cour des comptes publie son traditionnel rapport annuel. Elle note une amélioration "lente et limitée" des comptes publics de l'Etat. Elle critique la surestimation des hypothèses de recettes par le gouvernement. On est à peine surpris. Le CICE puis le Pacte irresponsable de janvier 2013 commencent à avoir quelques effets: ils ont vidé des caisses fragiles d'une quarantaine de milliards d'euros d'exonérations de charges sociales sans pourtant bénéficier d'aucune sorte à l'amélioration de l'emploi. Or que reste-t-il à François Hollande s'il ne parvient même pas à redresser les comptes d'un pays rendu exsangue par un sarkozysme irresponsable ?
Au passage, la Cour fustige l'efficacité de l'une des rares promesses tenues de Hollande, le contrat de génération : "fin juillet 2015, seulement 40.300 contrats assortis d'une aide avaient été signés alors que plus de 220.000 étaient espérés à cette date pour parvenir à un total de 500.000 contrats à l'échéance 2017." En cause, l'usine à gaz administrative que le gouvernement a élaboré pour ce dispositif.
La déchéance
Mercredi, la France sondagière applaudit, François Hollande respire, Manuel Valls est soulagé. La gauche est fracturée, la droite s'est divisée. Mais le texte est passé: les députés votent aux 3/5èmes l'extension constitutionnelle de la déchéance de nationalité et de l'état d'urgence. Le texte de loi, très court, inutile et honteux, a été baptisé "Protection de la Nation". Il est passé en première lecture à 7 voix près grâce au soutien de la droite. Plus d'une centaine de députés socialistes ont voté contre (83) ou se sont abstenus (36). Il reste au Sénat de se prononcer. Puis au Congrès. Rien n'est encore gagné.
Comble de l'ironie, les deux élus du Front national ont voté contre le texte qu'ils jugeaient finalement... trop mou. Et juste avant, le ministre si libéral et si libéré Emmanuel Macron explique sa réticence personnelle avec la déchéance de la nationalité. Prenons acte de cette franchise-là. Sa formule est cinglante et simple: "Je pense qu'on ne traite pas le mal en l'expulsant de la communauté nationale".
Qu'importe. Le texte est passé. "Tout est prêt pour Marine" maintenant.
Le naufrage
Jeudi, le remaniement tant attendu par l'éditocratie s'est déroulé avec surprise et ravissements. Ce devait être un simple ajustement quasi-technique à cause du départ deLaurent Fabius du ministère des affaires étrangères pour la présidence duConseil Constitutionnel. L'affaire vire au grand chambardement et à la catastrophe médiatique. Dix-sept nouveaux entrent dans l'équipe de fin de mandat. Et ce sont autant de mauvais symboles.
Sans surprise, Hollande embauche quelques arrivistes. En particulier deux des trois écologistes dissidents qui piétinaient d'impatience depuis des mois d'avoir un strapontin de sous-secrétariat quelque part: Barbara Pompili hérite ainsi d'un secrétariat d'Etat sur la Biodiversité auprès de Ségolène Royal ("Je sais que certains ne manqueront pas (comme tellement souvent) d'y voir l'expression d'une ambition personnelle" commente-t-elle) et l'ineffable Jean-Vincent Placé - qui écrit, répète et braille sur tous les tons depuis des mois qu'il rêve d'être ministre depuis l'enfance - récupère un pitoyable secrétariat d'Etat à "la Réforme de l'Etat et la simplification". Mais il y a mieux: Hollande débauche Emmanuelle Cosse, la patronne d'EELV, qui est aussitôt "mise en retrait" par son propre parti, lequel fustige cette trahison personnelle. La nouvelle ministre du Logement et de l'Habitat durable se défend de toute aventure personnelle. Et conserve son mandat d'élue francilienne malgré son opposition historique au cumul des mandats.
"La politique, ce n'est pas débaucher des individualités."
Autres "trophées", Hollande fait entrer quelques socialistes critiques de l'extension constitutionnelle de la déchéance de nationalité: Jean-Marc Ayrault, l'ancien premier ministre, remplace ainsi Fabius. La veille, il avait opportunément changé d'avis au moment du vote; de même pour Hélène Geoffroy, une députée-maire socialiste de Vaux-en-Velin qui a soudainement tu ses désaccords pour un strapontin à la Ville.
Les gadgets
Manuel Valls promeut aussi Laurence Rossignol en tant que ministre à la Famille, l'Enfance et les Droits des femmes (sic !), un "triptyque rétrograde du gouvernement", fustige une association féministe. Les brillants stratèges élyséens ont-ils oublié d'y accoler "et de la cuisine et du ménage" ? En ces temps où les symboles, à défaut des actes, ont pris un poids si démesuré sur tous les sujets, comment Valls et Hollande ont-ils pu commettre pareille bêtise ? Vendredi sur BFM, Rossignol aggrave sa cause en assumant le cliché : "aujourd'hui, la famille, le droit des femmes et les enfants, c'est intimement mêlé dans la vie quotidienne des femmes".
Et la cuisine et le ménage aussi ?
A la Culture, Hollande expulse Fleur Pellerin, sur fond de rumeurs de jalousies et d'intrigues en coulisses, pour y placer une plus fidèle, Audrey Azoulay, son ancienne conseillère culturelle. Il compte sur ses réseaux pour rallier le lobby culturel à sa cause de réélection. Et "le défilé putassier des courtisans" a commencé.
Manuel Valls se dote aussi de deux gadgets électoraux: une "secrétaire d'État à l'Égalité réelle" et une autre consacrée à "l'aide aux victimes", toutes confié à une jeune socialiste. Les titulaires, Ericka Bareigts et Juliette Méadel, auront fort à faire pour faire pardonner le ridicule de ces création de fin de mandat.
Last but not least, Hollande a même trouvé une place pour Jean-Michel Baylet, président du PRG, tout nouveau ministre de l'Aménagement du territoire, et patron de presse: ses principaux titres, la Dêche du Midi et le Midi Libre, se fendent immédiatement d'une couverture dithyrambique sur la qualité de cette nouvelle équipe gouvernementale: "Nous pourrions dire que François Hollande réussit la meilleure synthèse à gauche possible" pouvait-on lire dans un édito qui mérite toutes les palmes de la complaisance.
Dans la presse, un premier sondage - déjà - promet que les trois quarts des sondés sont déçus par ces changement. Dans la presse - exceptée celle de M. Baylet - les conclusions oscillent moqueries et critiques: "bricolage" (Le Parisien), "replâtrage" (Le Figaro); "Derniers Verts pour la route" (Libération) ; "fonds de tiroir" (La Montagne) ,
Bref, ce remaniement est un naufrage.
Hollande abime la République par ces symboles.
L'alternative
Il y a une alternative à François Hollande. Il y en a même plusieurs. L'une d'entre elles a 70 balais, mais elle porte bien. Alain Juppé ne doute de rien. se compare à Bernie Sanders, le septuagénaire américain, socialiste et candidat à la primaire démocrate. Il est trop haut dans les sondages, trop tôt dans une campagne présidentielle qui durera encore 15 mois, et pas encore si populaire auprès de la jeunesse que le démocrate américain. Inutile de préciser qu'Alain Juppé est à droite, bien à droite. S'il remporte la primaire des Républicains, nombreux seront celles et ceux à préférer l'original-libéral à sa pâle copie. Macron pourrait même rester à l’Économie dans un gouvernement Juppé d'ouverture.
Pour celles et ceux qui aspirent à davantage de progrès social et écologique, le dilemme de la prochaine élection est simple: laisser gagner cette droite-là pour mieux reconstruire la gauche; ou contrer cette droite-là au risque de faire disparaitre la gauche.
Reconstruire la gauche - à défaut de gagner la présidentielle - c'est le pari de Jean-Luc Mélenchon. Il a pris ses partenaires communistes de court. Il n'a pas attendu d'incertaines primaires, et, mardi soir sur TF1, il annonce sa candidature à la présidentielle de 2017. "Soyons la France insoumise" est son slogan. Mais Mélenchon se fait plus doux. Il veut convaincre plus large que le cœur vrauchiste des puristes. Il ouvre une plateforme web participative où chacun peut s'inscrire et contribuer. Quatre jours après son ouverture, le candidat a reçu quelques plus de 30.000 soutiens en ligne.
"Je vous propose ma candidature pour l’élection présidentielle de 2017. Cette élection peut être une chance pour notre peuple. C’est l’occasion de tourner pacifiquement et démocratiquement la page de l’ordre injuste et cruel dans lequel s’enfonce notre pays et notre continent." Jean-Luc Mélenchon.
Ami(e) citoyen(ne), réfléchis.
Il te reste 15 mois.