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Et si Mélenchon avait raison ?

Publié le 15 février 2016 par Despasperdus

La candidature en solo de Jean-Luc Mélenchon a suscité bien des commentaires et des critiques dans son propre camp. Je n'ai pas voulu réagir à chaud ici. Je suis partagé...

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Si on s'inscrit dans les institutions de la Cinquième République, à l'instar des organisations de l'autre gauche et d'extrême gauche, de LO au NPA en passant par le PCF, il faut bien un-e candidat-e pour diffuser les idées auprès d'un public plus large que celui des militants et des sympathisants.

La principale critique concerne le caractère individuel et prématuré de la candidature de J.L. Mélenchon, au sens où il n'a pas été désigné par un ou des partis ou des primaires. Mais, pouvait-il en être autrement ? Ces procédures sont des simulacres de démocratie, en raison d'une part d'un débat biaisé par les médias et les directions des partis, d'autre part du suivisme qui caractérise bien des militants, et enfin de la nature même d'un scrutin qui personnalise à l'excès les candidats à la candidature.

De plus, le Front de gauche est moribond. Quel intérêt de demander l'avis à des appareils politiques qui ne représentent plus qu'eux-mêmes ? Ce qui se dessinait avant la candidature de J.L. Mélenchon, c'était une configuration à la 2007 quand la gauche du Non fut incapable de désigner un-e candidat-e commun-e.

Enfin, depuis l'élection présidentielle de 2012, certaines composantes du Front de gauche ont préféré maintenir le FDG à l'état de cartel plutôt que de le transformer en véritable organisation politique. La dynamique de 2012 s'est brisée nette sur des appareils politiques sclérosés qui, quoi qu'on en dise, sont obnubilés par leur propre survie, quitte à suivre, au gré des scrutins locaux, une ligne politique fluctuante frappée du sceau de l'opportunisme.

Dans ce contexte, J.L. Mélenchon a préféré ne pas perdre de temps en lançant dès maintenant sa campagne. Il sort toute l'autre gauche du confort de critiquer Hollande, Valls et la bande néo-cons du PS...

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On lui reproche aussi de bloquer une éventuelle candidature issue du mouvement social comme si la France avait vécu un mouvement de l'ampleur des Indignés en Espagne. Or, le mouvement social est faible. Et dispersé. Peut-être que les créations de nombreuses ZAD se fédéreront et participeront à l'émergence d'un nouveau mouvement politique ? Mais en attendant, que faire ? Participer à la primaire de la "gauche" comme le souhaite le leader du PCF, décidément toujours à la traîne du PS qui n'a de socialiste que le nom ? J'ai beau regarder ce moment politique sous tous les angles, la démarche de J.L. Mélenchon m'apparaît pertinente.

Enfin, ce dernier incarnerait mal l'avenir en raison de son âge et du fait qu'il reflète, malgré lui, le vieux système oligarchique de la Cinquième République. Certes, j'aurais préféré qu'il cède sa place à un-e militant-e plus jeune et moins marqué-e par les institutions de la Cinquième, comme Corinne Morel Darleux par exemple... Mais après tout, Bernie Sanders et Jeremy Corbyn ne sont pas les perdreaux de l'année ! Et puis, la jeunesse n'est pas une classe sociale.

Certes, J.L. Mélenchon a des défauts. En particulier, d'aller dans des émissions de variétés ou d'être parfois maladroit avec certains journalistes, ce qui lui nuit et lui fait dire des âneries comme lors de la campagne de vaccination collective contre la grippe H1N1 sous Sarkozy et Bachelot.

Mais, je n'ai pas envie de taper sur lui, ni d'en faire un bouc émissaire, ni de participer au concert hypocrite de vierges effarouchées du PCF. Les médias dominants s'en chargent très bien en retirant des phrases de leur contexte, en usant de verbes et de qualificatifs du genre animalier, en publiant des caricatures dignes des années 30, voire même des photographies truquées pour le disqualifier.

Pour toutes ces raisons, je ne rends pas aujourd'hui un avis définitif. Je revendique le doute.

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Peut-être arrivera-t-il à fédérer autour de lui, citoyen-ne-s et mouvements disparates, salarié-e-s et fonctionnaires en lutte et Zadistes, à présenter un programme offensif et novateur de progrès social et écolo sur la base de propositions de citoyen-ne-s, à transformer sa candidature en collectif. Et, ce faisant, créer une dynamique qui dépassera les groupuscules du front de gauche et de l'extrême gauche, et qui ne s'arrêtera pas après la présidentielle de 2017.

Pour autant, je ne suis pas un optimiste béat et naïf.

Car le plus dur reste à faire pour J.L. Mélenchon et sa garde rapprochée : changer pour faire vivre la démocratie et l'égalité entre les militants chevronnés, les cadres et les simples citoyen-ne-s qui veulent s'engager à leurs côtés dans la campagne.

Aussi, certaines habitudes devront cesser comme celles de se penser et agir en avant-garde qui décide de tout pour le bien des autres, et surtout d'eux-mêmes. Le double échec du Parti de gauche et du Front de gauche a dû faire cogiter les têtes dures des dirigeants du PG.

D'autres pratiques devront remplacer les anciennes durant cette campagne (et après). Il faudra laisser vivre les débats, ne pas censurer les idées qui ne viennent pas d'en haut, du cadre du PG ou du FDG. En d'autres termes, il faudra que J.L. Mélenchon et ses lieutenants acceptent de se laisser dépasser et de perdre le contrôle du bidule[1]. Si cette candidature est fermée et verrouillée, elle n'attirera personne, hormis les habitué-e-s et quelques opportunistes.

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Note

[1] avec un contrôle à la marge pour invalider évidemment des propositions racistes, fascistes ou néolibérales


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