Le Service de l'observation et des statistiques (SOeS) du ministère de l'Ecologie a publié son dernier bilan sur les pesticides dans les cours d'eau français en novembre 2015. Et les résultats sont très préoccupants !
"Des pesticides sont présents dans la quasi-totalité des cours d'eau français. En 2013, 92 % des points de surveillance font état de la présence d'une au moins de ces substances, les rares bassins exempts de pesticides se concentrant dans les zones montagneuses ou dans les zones dont l'agriculture est peu intensive. La contamination est le fait d'une grande diversité de substances, avec, dans plus de la moitié des cas, au moins 10 pesticides différents retrouvés. Les teneurs restent globalement faibles mais des pics importants sont relevés localement, en lien avec les zones de grande culture. Les pesticides incriminés sont souvent les mêmes d'année en année, principalement des herbicides en France métropolitaine et plutôt des insecticides dans les départements d'outre-mer. Certains, utilisés de longue date mais interdits depuis, persistent dans les milieux aquatiques des années après leur retrait. 2013 se démarque des bilans précédents par la présence plus marquée dans les cours d'eau de France métropolitaine d'imidaclopride, insecticide néonicotinoïde" explique l'étude.
Quelles sont les régions les plus touchées ?
Selon l'étude, "les bassins très touchés correspondent aux zones de grande culture, de type céréales et assimilées, à l'instar de la Beauce, du Bassin parisien, du Nord-Pas-de-Calais ou du centre de la région Midi-Pyrénées. Sont aussi concernés les secteurs viticoles, à l'image du pourtour méditerranéen, ou encore les territoires à filières spécifiques, comme en Martinique, qui subit une pollution historique au chlordécone employé dans les bananeraies, insecticide pourtant interdit d'usage depuis 20 ans."
Le bassin Artois Picardie arrive en tête du classement avec 100% des points de contrôle en rivière montrant la présence de pesticides. Pire, le bassin Artois Picardie décroche également la palme du nombre de pesticides présents avec 29 molécules différentes retrouvées en moyenne ! Dans le bassin Seine Normandie la situation n'est guère meilleure avec 98,9 % des points d'analyse montrant la présence de pesticides et 23 molécules différentes retrouvées en moyenne.
Les points de surveillance exempts de pesticides sont principalement situés dans les régions à agriculture peu intensive ou à proximité des zones de relief, dans le quart sud-est de la France métropolitaine à proximité des Alpes, en bordure du Massif central, massifs vosgiens et jurassiens et dans les départements d'outre-mer (DOM), à l'exception des Antilles.
Les pesticides sont essentiellement des herbicides en métropole et plutôt des insecticides dans les DOM
Le profil des pesticides incriminés dans la contamination des cours d'eau diffère entre la France métropolitaine et les DOM, reflet des usages et pratiques agricoles. En France métropolitaine, les pesticides retrouvés dans les cours d'eau sont majoritairement des herbicides : ils cumulent à eux seuls plus de 80 % des détections alors qu'ils ne représentent que 44 % des analyses menées au départ. Les insecticides, plutôt bien recherchés également, sont moins détectés en proportion : 34 % des analyses et à peine 6 % des détections. Quant aux fongicides, s'ils ne représentent que 19 % des analyses, ils sont responsables de 10 % des détections. Dans les DOM, l'effort de recherche par usage est comparable à celui consenti en métropole. Mais les détections sont en premier lieu liées aux insecticides, puis aux herbicides et enfin aux fongicides.
En France métropolitaine, le glyphosate est toujours en tête des pesticides les plus détectés dans les cours d'eau
Le Service de l'observation et des statistiques (SOeS) du ministère de l'Ecologie explique que "les trois pesticides arrivant en tête sont systématiquement depuis 2009, le glyphosate, l'AMPA, principal produit de dégradation du glyphosate et l'atrazine déséthyl, produit de dégradation de l'atrazine."
Le glyphosate est un herbicide très largement utilisé en France, par les professionnels, mais aussi par les jardiniers amateurs. Il entre notamment dans la composition du Roundup commercialisé par la firme Monsanto. Chaque année, ce sont plus de 8000 tonnes de cette substance qui sont épandus en France. Le produit a pourtant été classé par l'Organisation Mondiale de la Santé comme "cancérigène probable pour l'Homme"...
Les teneurs d'imidaclopride dans les cours d'eau métropolitains sont en hausse
L'imidaclopride est la substance la plus vendue et la plus emblématique des néonicotinoïdes.
"L'imidaclopride apparaît pour la première fois dans la liste des 15 pesticides les plus fréquemment détectés dans les cours d'eau de France métropolitaine" souligne l'étude. Ce pesticide fait partie de la famille des néonicotinoïdes, insecticides de type neuro-toxiques, caractérisés par une forte toxicité pour les insectes, un spectre d'action large et une forte persistance dans les différents compartiments de l'environnement (air, eau, sols). Ces insecticides ont la particularité de se diffuser dans toute la plante et sont également utilisés à titre préventif comme insecticides d'enrobage des semences.
Les néonicotinoïdes sont très toxiques pour les insectes (et notamment les abeilles) mais également pour les humains. L'EFSA, l'agence européenne de sécurité alimentaire, a notamment montré que l'imidaclopride peut affecter le développement du cerveau.
Il est urgent de développer l'agriculture biologique
" Les dernières données sur la présence des pesticides dans les cours d'eau montrent qu'il est urgent de modifier les systèmes de culture et de véritablement réduire l'usage des pesticides dans le cadre du plan Ecophyto 2, sinon la qualité des milieux et des ressources servant à produire de l'eau de boisson continuera de se dégrader " a déclaré François Veillerette, porte parole de Générations Futures, suite à la publication de cette étude.
La ministre de l'Environnement Ségolène Royal vient de demander que des dispositions soient prises pour interdire d'ici fin mars 2016 la commercialisation de produits phytosanitaires contenant du glyphosate. Ségolène Royal s'est également engagée pour l'interdiction de l'épandage aérien, l'interdiction de la vente en libre-service des pesticides pour les jardiniers amateurs et le zéro pesticides dans les jardins publics et les espaces verts.
On attend maintenant qu'elle prenne des mesures pour favoriser le développement de l'agriculture biologique qui est la meilleure solution pour dépolluer l'eau. Une mesure nécessaire pour protéger l'environnement mais également pour protéger notre santé à tous.
Lire l'article : L'agriculture biologique : LA solution pour dépolluer l'eau
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Pour plus d'informations, consultez le dossier "Contamination globale des cours d'eau par les pesticides" sur le site www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr