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D’où venait la météorite qui a explosé au-dessus de Tcheliabinsk, il y a 3 ans ?

Publié le 17 février 2016 par Pyxmalion @pyxmalion

Des chercheurs qui sont enquêté sur la trajectoire de l’astéroïde à l’origine de l’événement de Tcheliabinsk survenu il y a trois ans, le 15 février 2013, proposent un nouveau suspect parmi les corps qui seraient apparentés. Ils rappellent que ce type de collisions, la plus puissante depuis 1908, sont rares. Rien à voir avec la fausse information répandue sur Internet et qui enflamme les réseaux sociaux qu’un astéroïde plongera sur Marseille le 5 mars. Une (folle) rumeur de plus.

Cela fait trois ans déjà que s’est produit l’événement de Tcheliabinsk. Le 15 février 2013, alors que des astronomes professionnels et amateurs du monde entier se préparaient à suivre dans la soirée le passage de l’astéroïde 2012 DA14, baptisé depuis (367943) Duende, à seulement 27.700 km de la Terre, les habitants de la région de la grande ville industrielle de Tcheliabinsk, à l’est de l’Oural, en Russie, furent surpris ce matin-là, par une puissante explosion au-dessus de leur tête.

Après de nombreuses reconstitutions s’appuyant sur quelque 960 vidéos enregistrées – de nombreux automobilistes russes possèdent des caméras sur leur tableau de bord qui filment en continu : un atout pour les scientifiques – et les échantillons récupérés (5 tonnes au total dont un gros morceau de 650 kg tombé dans le lac Chebarkul), on estime que cet aérolithe inattendu qui a pénétré dans l’atmosphère mesurait à l’origine 19 mètres pour environ 10.000 tonnes. L’énergie libérée lorsqu’il s’est brisé en de multiples fragments à environ 20 km d’altitude était équivalente à 500 kilotonnes de TNT, soit presque 30 fois celle de la bombe d’Hiroshima. L’onde de choc fit jusqu’à 1.500 blessés dans un rayon de 120 kilomètres.

A la recherche d’un parent de l’astéroïde

En trois ans, plus de 200 études ont été publiées sur le sujet, les unes et les autres cherchant à caractériser le météoroïde ou à identifier un proche parent du coupable. Naturellement, il fut proposé dans un premier temps, un lien avec le géocroiseur Duende qui nous frôlait le soir même, mais les enquêtes sur leurs trajectoires respectives, corroborées par leurs empreintes spectrales distinctes, ont rapidement montré qu’il n’y en a pas. Ce fut donc une pure coïncidence.

Plus tard, l’astéroïde potentiellement dangereux – qualifié ainsi, car il mesure plus de 2 km et se promène parfois à moins de 8 millions de km de la Terre – (86039) 1999 NC43 est devenu un suspect très sérieux pour les astronomes. « Mais, objecte Carlos de la Fuente Marcos qui a réexaminé l’étude internationale publiée dans Icarus et cosigné une nouvelle à ce sujet dans The Astrophysical Journal, d’un point de vue dynamique et de composition, la relation entre les deux objets est trop faible ».

L’équipe composée des frères Carlos et Raúl de la Fuente Marcos et de Sverre J. Aarseth, de l’université de Cambridge, s’est évertuée à partir des calculs de la trajectoire finale de l’astéroïde, étayée par de nombreux témoignages, de remonter jusqu’à son orbite initiale et donc de déterminer avec quel autre corps il a pu être en relation. Pour y parvenir, des millions de simulations numériques furent nécessaires, en tenant compte aussi des paramètres orbitaux de Duende.

« C’est comme quand on vous donne une couleur à reproduire avec un jeu de couleurs basiques, commente l’un des astrodynamiciens. Vous essayez tous les mélanges jusqu’à ce que vous obteniez la couleur que vous voulez ». Et pour eux, 2011 EO40 (taille estimée à 200 m) est un bon candidat sur le plan dynamique. Cependant, sa signature spectrale diffère de l’objet de Tcheliabinsk. Du moins pour l’instant, soulignent les chercheurs qui ne s’interdisent pas d’établir une parenté.

Des groupes de géocroiseurs en résonances gravitationnelles

Selon leurs résultats, le futur impacteur de 2013 empruntait la même route que le géocroiseur 2011 EO40, lequel flirte aussi, par ailleurs, avec Vénus et Mars. Le 15 février 1982, il serait passé dans les parages de la Terre, à moins de 224.400 km. Cette approche aurait eu pour conséquence de modifier sensiblement son orbite et de le placer sur une trajectoire de collision, 31 ans plus tard.

Les auteurs le concèdent : le principal obstacle qui empêche de déterminer l’orbite du corps-parent est la valeur controversée de sa vitesse géocentrique à l’impact. Il faut ajouter que, de surcroît, le chemin de notre Planète autour du Soleil est, comme le révèlent les recensements de ces dernières décennies, pavé de nombreux météoroïdes plus ou moins en résonances gravitationnelles les uns avec les autres. Toutes ces populations d’astéroïdes d’origine diverse convergent vers des astres plus massifs qu’eux comme la Terre et finissent par épouser des orbites très similaires au fil des millénaires. « Avoir deux orbites très similaires aujourd’hui ne signifie pas qu’ils l’étaient aussi dans un passé lointain » résume Carlos de la Fuente Marcos.

Dans un article à paraître dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, l’équipe démontre avec l’appui d’une étude statistique, qu’il existe des groupes de géocroiseurs dont les caractéristiques orbitales sont communes sans pour autant avoir les mêmes compositions. En l’occurrence, le bolide de Tcheliabinsk serait un membre du groupe nommé Ptah (divinité égyptienne), en référence à l’un des plus gros d’entre eux. La météorite 2008 TC3 qui a explosé dans le ciel soudanais le 7 octobre 2008 ou 2014 AA, au-dessus de l’Atlantique le 2 janvier 2014 en auraient fait aussi parti. Et cela n’est pas près de se terminer.

Faut-il pour autant paniquer ? Pas vraiment. Les deux cités ci-dessus étaient plutôt petits, entre 2 et 4 m. Ils furent rapidement pulvérisés en entrant dans la haute atmosphère. En outre, il ne faut pas oublier que la surface de la Terre est recouverte à plus de 70 % d’eau… Quant à un événement comme celui de Tcheliabinsk, le plus puissant enregistré depuis celui de Toungouska survenu le 30 juin 1908, tous les experts sont d’accord pour dire qu’il y en a un en moyenne par siècle. En plus de cela, la probabilité que cela se reproduise au-dessus d’une grande ville, n’est que d’une fois tous les… 10.000 ans !

Non, il n’y aura pas de « big splash » à Marseille !


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