Ave Cesar : Les frères Coen… What else ?
Parfois, il faut s’y mettre à deux pour faire du cinéma estampillé « sérieux » : autrefois, nous avons eu les frères Taviani, en Italie (qui n’a pas vécu les séances scolaires de « Padre Padrone » ne peut apprécier le sel de cette réflexion...), les frères Dardenne en Belgique (abonnés à la Palme d’Or à Cannes, pour d’obscures raisons), les frères Larrieu, plus récemment, en France ( attachés, eux, à la région Midi Pyrénées, nous ne leur reprocherons pas)... et les frères Coen, Joël et Ethan, qui, depuis 30 ans environ, introduisent dans le cinéma américain une dinguerie et un esprit subversif jubilatoire. « Fargo », « The big Lebowski » et « Burn After Reading » sont là pour en témoigner brillamment.
Avec eux, nous ne sommes pas, en général, dans le cinéma américain « mainstream », mais plutôt dans le démontage de l’industrie cinématographique hollywoodienne, de ses travers, de ses tics, de la lourdeur de son fonctionnement, de son hypocrisie. Et ici, de l’hypocrisie et de la tartufferie, il y en a, dans cette évocation hilarante de la vie d’un studio américain dans les années 50, en pleine guerre froide.
Eddy Mannix a donc la charge, aux Studios Capitol (remplacez par Paramount ou Warner Bros, si vous voulez coller à la réalité), de veiller à ce que tout se déroule dans les règles prévues par le fameux Code Hays, le code d’auto-censure appliqué par toute l’industrie du cinéma américaine jusqu’aux années 60 : les frasques diverses des acteurs ou actrices doivent être soigneusement cachées au public et aux gazettes diverses, et les réalisateurs ( qui, à l’époque, étaient pour la plupart des tâcherons salariés) doivent respecter soigneusement les plans de travail prévus, sans initiatives hasardeuses.
Mais quand Baird Whitlock, acteur alcoolique (interprété dans le film par Georges Clooney, qui se régale...) oublie son texte pendant le tournage d’un péplum, la mécanique déraille elle déraille également quand la vedette de ballets nautiques (Scarlett Johansson, géniale en clone d’Esther Williams ) ne peut cacher qu’elle a un enfant illégitime, et que tout cela fait tache dans le tableau. Le summum du loufoque est atteint avec l’enlèvement de Georges Clooney, le général romain du péplum évoqué plus haut, par un groupe de militants communistes qui combattent la fameuse « chasse aux sorcières » du sénateur Mac Carthy !
En fait, la force de ce film est aussi sa faiblesse, vis à vis d’un public qui a moins de quarante ans : il faut connaître un minimum d’histoire politique des USA et du cinéma américain pour apprécier tout l’humour ravageur de « Ave Cesar ». Mais, après tout, le cinéma n’est quand même pas né en 1977, avec l’univers « Star Wars »...
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