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Quand le chômage des frontaliers en Suisse inquiète Paris

Publié le 19 février 2016 par David Talerman
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chômage frontalier

En regardant la presse suisse et française la semaine dernière, impossible de rater l’information relayée par le Figaro, le Point, 24heures et probablement d’autres : Paris s’inquiète du chômage en Suisse, qui a un impact sur les finances de la France, car les frontaliers sont indemnisés par la France. Je crois que c’est bien la première fois que je vois les autorités françaises, que dis-je, parisiennes, s’intéresser aux frontaliers. Et c’est un peu tard.

Les frontaliers sont indemnisés par Pôle Emploi en France et cotisent en Suisse

Si Paris s’émeut, c’est parce que les autorités françaises passent à la caisse. En effet, pour ceux qui ne savent pas comment se passe le chômage des frontaliers, le système est le suivant : un frontalier français en Suisse qui se retrouve au chômage est indemnisé par la France, bien qu’il ait cotisé en Suisse. Selon les différentes sources journalistiques, les frontaliers seraient le 2ème régime le plus coûteux en France, après celui des intermittents du spectacle. En ces périodes où la France a du mal à boucler ses budgets, ça fait désordre.

Un système rendu possible par des négociations bien menées par la Suisse

Ce système est un héritage des négociations bilatérales qui ont donné lieu à un accord signé en 2004 entre la Suisse et la France, accord mis en application en 2009. A l’époque, les négociateurs suisses, réputés pour leur maestria, ont fait passer un éléphant dans un trou de souris, face à des négociateurs français visiblement incrédules. Je pense que ce « détail » (il y avait à l’époque, en jeu, des intérêts importants sur  le thème notamment de la libre circulation) coûte aujourd’hui à la France plusieurs centaines de millions d’euros sur la période (pour être juste, il faudrait le calculer mais je suis presque sûr de ne pas être trop loin).

Des dossiers frontaliers historiquement ignorés par Paris

Les frontaliers, c’est bien connu, sont des nantis qui roulent tous en Audi ou BMW. Il est vrai que vu de Paris, le frontalier « moyen » est bien plus à l’aise financièrement que son homologue français non frontalier (ceci dit, ce n’est malheureusement pas compliqué). Alors quand un frontalier demande quelque chose, c’est un peu perçu comme un caprice. Vu de Paris, s’intéresser à ces nantis de frontaliers, c’est quasiment du suicide politique. C’est tout de même mieux de montrer à l’opinion qu’on s’intéresse aux pauvres. Si en plus vous ajoutez sur l’échiquier le fait que les départements frontaliers sont tous à droite, autant dire qu’à la simple évocation du mot « frontalier », toutes les portes dorées de l’Élysée et de Matignon se ferment. Et c’est précisément ce qui se passe, à gauche  comme à droite, depuis plusieurs années. Regardez simplement comment les autorités ont pris en considération le dossier de l’assurance maladie privée des frontaliers, et vous comprendrez à quel point la situation des frontaliers n’intéressait pas grand monde à Paris.

Paris se plaint du chômage des frontaliers… alors qu’il en est en partie responsable

Mon coup de gueule arrive : comme je l’indiquais dans un précédent billet, le zèle de la CPAM, qui, via l’URSSAF, redresse les unes après les autres les sociétés suisses qui recrutent ou ont recruté des frontaliers, a incontestablement un impact significatif sur le chômage dans la zone frontalière. Dans cette affaire, le droit communautaire, mal ficelé, autorise l’URSSAF a faire payer les entreprises suisses qui ont recruté des frontaliers qui ont été indemnisés par le chômage, l’année précédent son recrutement, et la suivante. Sachant que la plupart des cas d’application ne sont pas connus (la CPAM, dans sa grande bonté, refuse de communiquer dans quels cas elle peut faire payer une entreprises suisse), les entreprises suisses qui sont informées ont eu un réflexe sain : elles refusent de recruter des frontaliers, et dans certains cas procèdent même à des licenciements. D’où l’impact sur le chômage. Donc quand je lis que Paris se plaint du chômage des frontaliers, je rigole doucement et un peu jaune, sachant que la France est le seul pays européen limitrophe à avoir cette attitude irresponsable. La CPAM va donc pouvoir se réjouir, ses caisses seront bien renflouées. Certes, il ne faut pas regarder les caisses du chômage, mais peu importe, ça ne dépend pas du même ministère…

Conclusion

Une fois de plus, la grosse machine parisienne, armée de ses ministères administratifs, montre à plein son pouvoir de nuisance sur l’économie française et locale. Sa nuisance est telle qu’elle déborde même jusqu’en Suisse. Étant en partie responsable de ce qui se passe, s’en est presque ironique. La vraie question serait de savoir si elle s’en rend compte et si, au fond, le sort des frontaliers l’intéresse…

crédit photo : Fotolia © Chlorophylle

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