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Nouveaux essais nucléaires de la Corée du Nord: Pourquoi l'épisode se répète (et se répétera)?

Publié le 20 février 2016 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! L'empire du milieu semble en effet l'acteur clé du "dossier" nord-coréen. Si l'alliance entre les deux voisins est loin d'être aussi franche que par le passé - la Chine envoya notamment des millions de soldats se battre contre les forces de l'ONU pendant la guerre de Corée (1950-1953) - la Chine continue de soutenir à bout de bras une économie nord-coréenne exsangue afin d'éviter que le régime de Pyongyang ne s'effondre. En effet, Pékin redoute plus que tout une réunification de facto de la péninsule coréenne, sous l'égide de la puissante Corée du Sud. Dans un tel scénario, les nombreuses forces armées américaines qui y sont stationnées, seraient alors aux portes de la Chine. L'empire du Milieu a donc tout intérêt à continuer de soutenir à minima la RPDC pour que celle-ci ne puisse pas être engloutie par Séoul. De ce point de vue, les "gesticulations" nucléaires de Pyongyang arrangent bien la Chine car elles accroissent les tensions et éloignent ainsi la perspective - déjà très hypothétique - d'une réunification de la péninsule coréenne.
Néanmoins, ce nouvel épisode n'a pas que des avantages - loin s'en faut - pour la première puissance asiatique. Une fois de plus, c'est la Chine que l'on va blâmer pour son échec à contrôler son turbulent voisin, mettant ainsi en exergue les failles de l'influence chinoise. De même, déjà mal en point économiquement, Pékin sera inéluctablement pénalisé par les mesures de rétorsion qui ne vont pas manquer de tomber sur la RPDC: d'abord parce que les investisseurs seront davantage réticents à s'installer dans un environnement instable; ensuite parce que ce sont essentiellement des entreprises chinoises qui commercent avec la Corée du Nord.
Enfin, stratégiquement ce quatrième essai nucléaire est une mauvaise nouvelle pour la Chine puisqu'il est un prétexte idoine pour renforcer l'alliance entre Corée du Sud, États-Unis et Japon. Il sera difficile désormais pour Séoul de refuser la mise en place sur son territoire de missiles anti-balistiques Thaad (Terminal High Altitude Area Defense) qui renforceront l'influence stratégique de Washington dans la région, et ce au détriment de Pékin.

Il apparaît de fait évident, comme l'explique l'ex ministre sud-coréen de l'unification Jeong, qu'"aujourd'hui comme hier, les États-Unis représentent l'obstacle le plus important à une normalisation entre les deux Corées". Non seulement Washington refuse tout dialogue bilatéral avec Pyongyang mais surtout, les exercices militaires répétés conjoints avec l'armée sud-coréenne exacerbent les peurs côté nord-coréen. Au départ conçus uniquement pour parer à une éventuelle invasion venue du Nord, les déploiements américains semblent avoir pris depuis 2013 une orientation qui n'est plus seulement préventive et défensive. Des armes tactiques ont en effet été installées tels que des sous marins nucléaires ou des bombardiers furtifs capables d'embarquer des armes nucléaires. En août 2015, l'exercice annuel avait ainsi été qualifié de "déclaration de guerre" par la Corée du Nord et avait tendu une nouvelle fois les relations entre les deux camps.
Par conséquent, si on ne peut minimiser le comportement belliqueux de la RPDC, force est de constater que l'accroissement de la menace américaine est pour beaucoup dans l'attitude nord-coréenne. En outre, il ne faut pas compter sur le gouvernement sud-coréen, largement soumis aux desiderata américains, pour engager une véritable politique en vue de la dénucléarisation de la Corée du Nord. Parce que la réunification semble de moins en moins souhaitable - en premier lieu économiquement au vu du retard nord-coréen - mais aussi de moins en moins désirée (le sentiment d'appartenance à un seul peuple coréen n'existe presque plus chez les jeunes générations), la Corée du Sud a choisi le mépris pour la Corée du Nord et renâcle à engager des négociations globales (allant au-delà de la seule question nucléaire) avec la RPDC. Dans ce contexte, plus qu'un simple caprice, la stratégie nucléaire du leader nord-coréen Kim Jung-un apparaît relativement rationnelle. Au vu de son isolement sur la scène internationale, la possession de l'arme nucléaire apparaît comme le seul atout de Pyongyang pour se faire entendre. Depuis deux décennies, la montée en puissance du régime dans l'aventure nucléaire est impressionnante: essai de quatre engins nucléaires, mise au point de missiles multi-étages, construction d'un prototype de sous-marin lanceur de missiles, développement parallèle d'uranium enrichi en sus de la filière du plutonium… Si les échecs furent nombreux, les progrès sont indéniables et réguliers et la Corée du Nord peut être considérée comme un État nucléaire de fait. Effectivement, la rationalité de la RPDC est à mille lieux de la nôtre mais ses programmes nucléaires vont désormais au delà de la simple monnaie d'échange: ils font partie intégrante de son identité stratégique. Le monde ne peut plus penser Corée du Nord sans penser à menace nucléaire qui va avec, et alors qu'il ne représente presque rien économiquement à l'échelle planétaire, le régime est parvenu à s'imposer comme un acteur - certes exécré - mais central du jeu planétaire. Il serait toutefois absurde de penser que les provocations nucléaires ont pour seule déterminant les relations extérieures parce que les ressorts internes sont en réalité la cause première de toute la politique nucléaire de la RPDC. La motivation la plus claire, c'est de redorer l'image du régime aux yeux du peuple nord-coréen comme le démontre la surenchère de propagande à laquelle chaque "succès" nucléaire donne lieu. Les dates ne sont ainsi pas choisies au hasard: tandis que l'essai nucléaire de janvier 2016 coïncidait avec le 33e anniversaire de Kim Jong-un, le tir de fusée du 7 février correspondait lui à l'anniversaire de Kim Jung-il, le père et prédécesseur du leader actuel. Alors que des rumeurs font souvent état de rivalités entre caciques du régime depuis sa prise de pouvoir (en décembre 2011), ce nouvel essai, que le "chef suprême" a ordonné personnellement lui permet de rappeler à son état-major qu'il détient toujours les clés du pouvoir. Cette réaffirmation de son pouvoir personnel intervient à quelques mois du Congrès du parti des travailleurs, prévu en mai. Ce dernier, le premier depuis 1980 et le septième de l'histoire du parti, est annoncé comme un tournant pour la RPDC. Certains croient savoir que Kim Jong-un y annoncera une modification des institutions pour asseoir définitivement la primauté des politiques sur l'état-major ainsi que le lancement de réformes économiques d'envergure inspirées du modèle chinois. Plus anecdotique quoique extrêmement symptomatique de sa volonté de toute puissance, le chef de la RPDC compte aussi ressusciter la fonction de président de la République (abolie après la mort de son grand père, le fondateur de la RPDC, Kim Il-sung) lors de ce congrès. Les services de renseignement sud-coréens prévoient ainsi un cinquième essai nucléaire juste avant le congrès pour renforcer définitivement la légitimité de Kim Jong-un.

La normalisation des relations entre les deux Corées et la fin de l'isolement de Pyongyang semblent donc peu probables à court et moyen terme car chacun des acteurs a plus ou moins intérêt au statu quo. Avec en toile de fond la rivalité sino-américaine, les provocations nord-coréennes entraîneront sans aucun doute régulièrement l'ire de la communauté internationale, sans que les choses n'évoluent.Cependant, à force de passivité et de mépris, la paranoïa consubstantielle à toute dictature en Corée du Nord pourrait conduire le régime à employer "pour de vrai" l'arme nucléaire; la boite de Pandore de l'extinction par le nucléaire se rouvrirait alors...

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