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Nouvelles sans fin, d'Hélène Richard-Favre

Publié le 20 février 2016 par Francisrichard @francisrichard
Nouvelles sans fin, d'Hélène Richard-Favre

"Au rang des écrivains qui l'ont le plus marquée, elle cite en premier lieu Dostoïevski." est-il dit de l'auteur sur la quatrième de couverture. On peut faire un plus mauvais choix d'influence... Quoi qu'il en soit, cette citation n'est pas gratuite. Quand on est ainsi marqué, il en reste des traces, jusque dans ce que l'on exprime, fût-ce via des oeuvres de fiction.

Hélène Richard-Favre a l'avantage évident de bien maîtriser le russe et donc de pouvoir lire Fiodor dans le texte. D'autres doivent se contenter de le lire en traduction, qui, comme dit un proverbe italien ("traduttore, traditore"), ne peut qu'être trahison, même si elle est commise par des hommes de qualités, pour publication dans La Pléiade.

Les nouvelles Nouvelles d'Hélène Richard-Favre, comme les précédentes, paraissent en édition bilingue français-russe. Si, malheureusement, il est difficile pour celui qui ignore la langue de Fiodor d'en apprécier la version cyrillique, il est heureusement loisible de se plonger dans la française et d'en ressortir tout chose, comme d'un bain trouble et troublant.

Ainsi, dans A., par exemple, la narratrice se souvient d'un homme couvert de femmes qui, dans le passé, l'a touchée, c'est-à-dire qui l'a émue, qu'elle a revu à Marseille, pour un match au stade Vélodrome, et qui ne l'a pas touchée, c'est-à-dire qui n'a pas voulu d'elle: "Je suis défaite depuis que je t'ai vu cette nuit en rêve, monter sur moi et ne pas me prendre."

Dans Dieu, il s'agit, autre exemple, de la difficulté de croire. Croire ou ne pas croire, telle n'est cependant pas tout à fait la question: "Désespérée, je ne sus plus qui croire ni que croire et pensai que ma seule issue serait de douter de ceux qui doutaient de Lui et de ceux qui Lui étaient demeurés fidèles. Ainsi, retranchée de tous, évoluerais-je à ma guise."

Dans Cham, nouvelle très courte, il est question de désespérance, de celle que l'on éprouve quand "on s'acharne sur ce qui vous résiste", comme la séparation d'avec l'être qu'on aime et qui, en fait, n'en a cure: "Que ton départ ait déclenché mon obstination à t'attendre, t'échappe, à toi qui ne cultive pas les liens qui se rompent."

Dans La Croix, un homme, amoureux au-delà du raisonnable, détruit son amour, "ne tolérant plus son impuissance à la satisfaire". Il ne la verra pas dans les bras d'un autre. Il gardera son emprise sur elle. Son châtiment, pour ce crime, n'est-il pas plus grand dans le fait de se détester que de se dénoncer? "L'assassin ne meurt-il pas avec sa victime?

Les vingt-quatre Nouvelles sans fin, comme le titre l'indique, ne se terminent pas. Elles restent en suspension comme des points qui n'arrivent pas à se réunir pour n'en faire plus qu'un, final, comme la mort seule sait ponctuer l'existence. Elles éveillent des souvenirs pour ceux qui ont quelque expérience de la vie. Elles leur remémorent des souffrances, réelles ou fantasmées.
 

Les Nouvelles sans fin mettent en scène des personnages, qui, comme dans la vraie vie, ont des désirs, assouvis ou non, qui s'aiment ou non, qui se caressent ou se déchirent, qui rêvent ou tombent de leurs nues, qui se quittent ou non. Tous sont humains. Trop humains, diront d'aucuns. Fiodor, s'il pouvait les lire, y retrouverait sans doute sa marque...

Francis Richard

Nouvelles sans fin, Hélène Richard-Favre, 128 pages, Urss.ru

Livre précédent chez le même éditeur:

Nouvelles de nulle part (2013)


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