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Inspiration savonneuse

Publié le 23 février 2016 par Concentredebonheur @SophieMachot

IMG_2763Ma salle de bain est un lieu de créativité hautement stratégique. Un espace d’innovation existentielle. Quelques mètres carrés dans lesquelles réflexion et inventivité sont les souveraines d’un royaume esthétique.

C’est en effet dans cette contrée poudrée que se prennent mes plus grandes décisions et que naissent mes plus belles inspirations. Là, devant le miroir, entre un trait d’eye-liner et une échappée de mascara.

Des intuitions « insight », comme dirait mon amie Isabelle Fontaine qui connait bien son sujet. Des évidences qui jaillissent sans prévenir alors que j’applique consciencieusement le dernier Dior dont le rouge podium tente de redonner un peu rondeur à des lèvres têtues et pincées.

Des prises de conscience, des révélations, des ébauches, des prémonitions, des certitudes, des fulgurances, des débuts prometteurs, des fins de règne. Des inspirations essentielles survenues là, juste là, alors que mon regard s’attarde sur mon reflet fardé. Un reflet qui semble prendre un malin plaisir à révéler au grand jour un échantillon de mon âme. Bref, c’est ici que ma vie revêt les apparats qui ornent mon corps et mes pensées. Une créativité inféodée à mon miroir.

Mais ce moment précis où la révélation « est » n’est finalement que l’apogée d’une méditation savonneuse commencée quelques minutes plus tôt sous le jet de mon pommeau de douche d’où s’échappe, chaque matin, une fine pluie d’idées mouillées.

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Un rituel immuable, spontané, mécanique.
Mon esprit barbote, vagabonde et tourbillonne au fil de l’eau avant de s’amarrer aux éphémères rêveries qui frissonnent en moi. Des pensées créatives qui fleurissent de manière anarchique, désordonnée, presque accidentelle comme le font les fleurs sauvages des prairies lorsque sonne l’heure de la récréation printanière et qu’un vent de liberté les fait frémir de plaisir.

Voilà c’est ça. C’est exactement ça. Pendant que je me lave et me prépare, mon esprit gambade dans une prairie inondée de pensées sauvages tandis que ma bouche diorisée tente avec bravoure de reproduire les exquises notes émises par une Adèle agaçante de perfection.

Un braillement qui finira un jour par un avis d’expulsion pour cause d’harcèlement moral aggravé sur mon voisin qui, il y a peu, a avalé sa boite de boules Quiés dans un moment de confusion mentale. Il répète depuis, à qui veut l’entendre, qu’une mystérieuse inconnue à la voix criarde ne cesse de lui téléphoner alors même que son téléphone ne sonne pas. Tous les jours, entre 6h30 et 7h15, elle lui assène de fracassants « Helloooo, it’s me ». Pathétique.

Bref.

Je frotte. Je mousse. Je rince. J’essuie. Je farde et je m’époumone. Lorsque soudain… quelque chose vibre en moi.

Je sens poindre le germe d’une intuition créative dont je pressens la volonté de naitre et la force. Il me faut alors, toute affaire cessante, attraper une feuille, un cahier, un bout de serviette en papier, un coton, un ticket de métro usagé, bref tout se qui ressemble de près ou de loin (de très loin même parfois) à un quelconque réceptacle d’inspiration spontanée.

Mais l’inspiration, c’est quoi au juste ? C’est un état d’exaltation. Une ferveur associée à une idée plus forte que les autres qui déferle tel un ouragan cérébral. Qui emporte tout. Dévaste tout. Et peut si son énergie est canalisée changer le cours des choses. Au minimum le cours de la matinée. Au maximum le cours d’une vie.

C’est une urgence. Une immédiateté. Elle doit être ou mourir. Car à peine a-t-elle éclos que déjà elle se fane. Le temps de cette géniale substance créative est compté. Quelques secondes, une ou deux minutes tout au plus. Il me faut donc la retenir par tout les moyens. L’inscrire, la graver, l’emprisonner dans les fibres protectrices du papier. Combien de créations m’ont ainsi échappé alors que je pensais imprudemment pouvoir les retenir dans les filets de mon esprit. Je sais désormais qu’il me faut les embastiller.

Vite un crayon. Vite vite vite. Viiiite.

Arght ! Vite un autre crayon.

Le premier ne marche.

Le premier ne marche jamais.

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Avez-vous remarqué cela ? Chaque fois que l’on a quelque chose d’urgent à noter, comme lorsque l’on est au téléphone et que notre interlocuteur pressé nous presse, chaque fois le premier stylo que l’on choisit, que l’on sélectionne pourtant en toute liberté, en toute indépendance, en toute conscience, chaque fois, ce crayon ne crayonne pas. Ce stylo ne stylotte pas. Ce stabilo ne stabilotte pas. Ce maudit feutre ne feutrine pas. Il raye la page, c’est tout.

Il m’est arrivé d’enchaîner les stylos morts. Comme une malédiction.

À croire que mes trousses regorgent de crayons inutiles, périmés, agonisants, cassés, machouillés, en grève. Une lutte s’engage alors pour retenir l’infidèle créativité alors que mes troupes sont en pleine mutinerie.

Et puis, le miracle. Parmi tous ces donneurs d’encre rebelles, il y en a un qui consent à m’épauler et m’autorise à extraire cette matière brute qui ne demande qu’à être exploitée.

Ma main tremble, hésite, recule, revient dans la bataille pour aller chercher ces mots éparses qui s’évadent comme s’ils recouvraient la liberté après des années d’emprisonnement.

Ma plume accélère. Comme possédée. Elle veut aller plus vite, plus vite, plus vite encore. Elle devance ma pensée et glisse sur le papier en formant des mots illisibles. Les boucles et bâtons des lettres sont inutiles. Pas le temps de faire joli, pas le temps de séduire. Il y a plus urgent. Plus essentiel. Pour l’heure, répétitions, fautes d’orthographe, ratures, tout cela n’est rien.  Rien ne doit enrayer le processus. Sauvegarder l’infime inspiration, là est ma mission.

Et c’est exactement comme cela qu’est née la présente chronique. Conçue dans les règles de l’art alors que j’étais savonnée des pieds à la tête. Grelottante de froid, à moitié nue, me voici dégoulinant sur un parquet désabusé par tant d’incivisme quotidien. Mon corps à froid mais mon esprit bouillonne. Je savoure cet instant victorieux. Ce matin encore, j’ai vaincu. Je l’ai vaincue. Soumise et domptée, la chrysalide est devenue papillon.

Oui, c’est ainsi qu’est née cette chronique. Comme (presque) toutes les autres avant elle.

Et vous ? D’où part votre inspiration ?

Belle journée à vous MesLect’Ors !

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