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Primaire(s): exercice de dialectique appliqué au moment politique

Publié le 05 mars 2016 par Jean-Emmanuel Ducoin
Une chose est sûre: ne laissons pas le Front de gauche se déliter, se rabougrir et au final dépérir.
 Primaire(s): exercice de dialectique appliqué au moment politiqueDébat. Connaissez-vous la loi de Murphy? Loi empirique vérifiable et vérifiée pour les uns, adage du plus sommaire exercice pour les autres, elle stipule que «s’il existe au moins deux façons de faire quelque chose et qu’au moins l’une de ces façons peut entraîner une catastrophe, il se trouvera forcément quelqu’un quelque part pour emprunter cette voie». En ce moment politique où tout est permis, le meilleur comme le pire, sachant que le pire tient plutôt la corde, ayons le courage de poser les bonnes questions, simplement, directement, sans chercher à les édulcorer, puisque la gauche, la vraie gauche s’entend, se cherche un nouvel avenir et les moyens d’y parvenir en tentant de conjurer cet éternel recommencement: un bel espoir suivi d’une immense déception. Ainsi tout le monde en parle, alors parlons-en, de cette primaire à gauche qui provoque fièvres, dissensions et polémiques à n’en plus finir. Les deux premières questions seraient donc les suivantes. La primaire est-elle une machine redoutable à enterrer les questions de fond? La primaire est-elle une arme efficace et collective pour retrouver le chemin d’un projet réellement de gauche? Autant le dire, le débat s’avère d’ores et déjà tellement clivé qu’une troisième question, pourtant assez légitime, paraît pour l’heure impossible à suggérer, alors qu’elle découle mécaniquement des deux autres: y a-t-il une possibilité que la «vérité» se situe entre les deux? Réversibles. Le bloc-noteur, comme la majorité d’entre vous sans doute, ne sait pas très bien, pour l’heure, où porter son regard avec la radicalité qui sied d’ordinaire à ses actions réfléchies, et quand bien même ce serait le cas, il n’y aurait aucune honte à avouer que ses doutes écrasent, pour l’instant, ses certitudes. Car les hypothèses qui s’offrent à nous, comme les arguments d’ailleurs, sont assez réversibles pour s’entrechoquer. D’un côté, nous pouvons affirmer: par tradition, la primaire ressemble à un PMU (ce fut éclatant en 2011, entre le futur Normal Ier, Aubry, Montebourg et les autres) conditionné par les sondages, et c’est toujours le «mieux placé» en vue de la présidentielle qui sort gagnant, autrement dit, ce doit être la ligne du moins-disant qui l’emporte, la ligne du «plus rassembleur», toujours assujettie à la logique de la présidentialisation du système électif. Mais d’un autre côté, nous pouvons également affirmer: connaissant la menace que constitue la percée de Fifille-la-voilà, il n’est pas insensé de croire à la nécessité de lancer très en amont un processus de débat de fond sur un vrai projet de gauche, qui pourrait immanquablement invalider la ligne gouvernementale actuelle et promouvoir un candidat nettement plus marqué à gauche qui prendrait l’engagement, véritable, de ne rien renier. En somme, le moins-disant c’était bel et bien Normal Ier, avec les conséquences prévisibles que l’on connaît: un gouvernement réputé de gauche qui mène une politique libérale assumée et théorisée jusqu’à l’absurde, ce qui renforce la droite et son extrême, et écœure le peuple de gauche, trahi, tétanisé. En revanche, le mieux-disant, qui, après tout, n’est pas à exclure en cas de mobilisation citoyenne forte, ce serait de mettre sur les rails une gauche qui gagne, qui ne renie pas, et qui réussisse en appliquant de A à Z ses idées et son programme. Postulats réversibles sinon contradictoires, n’est-ce pas? Sauf sur un point, assez fondamental celui-là, pour l’ici-et-maintenant et l’ici-et-demain: ne laissons pas le Front de gauche se déliter, se rabougrir et au final dépérir. Quoi que nous en pensions, et sans rien idéaliser, il reste la seule force politique authentiquement de gauche qui incarne la rupture dont nous rêvons tous et qui a su agréger à lui cette espérance populaire mobilisatrice. 2017 ne sera pas 2012. Mais sans le Front de gauche, qui peut prétendre sérieusement que nous ne serions pas menacés de marginalisation? [BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 4 mars 2016.]

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