Après l’examen des faits et les rapports de personnalité des accusés abordés mercredi, la cour d’assises a laissé hier la parole aux avocats après avoir écouté les conclusions de l’expertise psychologique de la victime. Une expertise qui la définissait comme « prisonnière de l’argent facile, avec pour seul avenir la prostitution mais très touchée suite aux faits ». Des détails sur lesquels s’est appuyée Maître Stéphanie Saint-Bertin, son avocate, dans sa plaidoirie. « Les faits sont vrais et d’une tristesse absolue. Elle n’a jamais été d’accord pour que ça se passe comme ça. La loi est la même pour tout le monde. Ce n’est pas parce qu’elle se prostitue qu’on a le droit de la violer », clame Me Saint-Bertin.
Effectivement, vu le contexte de l’affaire, l’image de la femme et la sexualité sont deux éléments importants dans ce dossier. Les quatre accusés auraient pensé pouvoir “librement » abuser d’elle au vu de son métier. Mais, pour le conseil de la victime, ce n’est pas une femme différente des autres. « Quelle que soit notre activité professionnelle, nous avons tous les mêmes droits. C’est un principe d’égalité. Ma cliente est une victime et il faut lui reconnaître ce statut », argumente-t-elle. L’avocate générale, Anne-Marie Noël, jouera sur le même registre. « Je crois Madame R. et vous devez la croire aussi. C’est une bande de traîne-savates qui l’a violée. Il n’y a que des éléments à charge dans ce dossier en ce qui concerne les faits, alors vous devez les condamner », explique dans son réquisitoire le ministère public. Mais, l’avocate générale ne souhaite pas une condamnation commune pour les quatre accusés et requiert entre douze et quinze ans de prison avec un suivi sociojudiciaire pendant dix ans pour Mikaël Técher et Damien Equixor et huit à dix ans de prison avec un suivi sociojudiciaire pendant cinq ans pour Ulrich Siambé et David Fulmart. Elle s’explique : « Il faut les condamner à des peines justes en fonction de leurs rôles, de leur personnalité, de leur passé. Técher et Equixor étaient les meneurs mais Siambé et Fulmart ne se sont pas opposés à eux ; ils les ont suivis ».
Face à ces réquisitions, tout comme leur client, les avocats de la défense se montrent unis. Un pour tous et tous pour un, leurs plaidoiries se suivent et vont toutes dans le même sens : l’intention de viol n’existe pas dans ce dossier. Ils demandent donc l’acquittement pour leur client concernant les faits de viol et des peines inférieures à celles requises par l’avocate générale. Maître Frédéric Hoarau, conseil du « meneur » Mikaël Técher, ouvre le bal : « Elle a voulu calmer le jeu, reprendre le dessus et pour cela, elle s’est offerte à eux leur proposant des fellations. Il n’y a aucune lésion vaginale. Il ne s’agit pas d’un gang de violeurs. Ils avaient l’intention de la voler et non de la violer. Il n’y a rien d’autre au dossier et il ne faut pas faire de cette affaire une légende urbaine ». Bis repetita avec les autres avocats, Me Séverine Ferrante et Me Nicolas Normand. C’est le bâtonnier Georges-André Hoarau, conseil d’Ulrich Siambé, qui va enfoncer le clou : « Tout est constitué hormis le viol. Ils n’étaient pas à la recherche d’un coup, mais voulaient juste commettre un vol. Elle a dominé la situation, les a calmés en exerçant son métier. Elle a accepté la situation en leur mettant à chacun un préservatif ».
Après deux heures de délibérés, les quatre accusés ont été reconnus coupables de vol, séquestration et viol en réunion. La circonstance aggravante du viol sous la menace d’une arme n’a pas été retenue. Damien Equixor et Mikaël Técher écopent de dix ans de réclusion criminelle, alors que leurs deux autres comparses ont été condamnés à six ans de prison avec suivi sociojudiciaire pendant cinq ans. Ils devront également verser à la victime une somme de 15 000 euros de dommages et intérêts. Un verdict qui, selon l’avocate de la partie civile, a déçu la victime : « Le quantum des peines est inférieur à ce qu’on espérait. Mais l’important reste la condamnation. S’ils avaient été acquittés, ç’aurait vraiment été décevant ». Les avocats de la défense se disent, eux, globalement satisfaits. Leurs clients ne feront pas appel. « On a réussi à faire sauter la circonstance aggravante de l’arme et les peines sont inférieures à celles demandées par l’avocate générale », conclut le bâtonnier Georges-André Hoarau
Source : http://www.clicanoo.com/index.php?id_article=184175&page=article