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Vinyl (2016): un disque sautillant

Publié le 06 mars 2016 par Jfcd @enseriestv

Vinyl est une nouvelle série de dix épisodes diffusés depuis la mi-février sur les ondes de HBO aux États-Unis et au Canada. On nous transporte au début des années 70 à New York alors que l’actionnaire majoritaire, Richie Finestra (Bobby Cannavale) est sur le point de vendre sa maison de disque, la American Century, à un groupe d’acheteur allemands. C’est que Richie et son équipe semblent dépassés par les nouveaux courants musicaux si bien qu’ils n’ont pas connus de hits depuis des lunes. À défaut d’avoir le talent des artistes qu’ils signent, ils adoptent au moins leur mode de vie : « sex, drugs et rock’n roll ». Création, entre autres, de Mick Jagger et Martin Scorsese, Vinyl ressemble justement à un retour en arrière nombriliste de ces hommes qui on su si bien incarner leur époque dans leurs domaines respectifs, mais sans parvenir à transmettre leur fascination de cette période à leurs contemporains. Quant à la musique, dommage qu’on ne soit pas parvenu à en faire un personnage à part entière.

Vinyl (2016): un disque sautillant

Sex, Drugs… et ?

Lorsque Richie et ses associés Zak Yankovich (Ray Romano) et Scott Levitt (P.J. Byrne) se rendent en Allemagne pour vendre leur label à la Polygram, ce sont des hommes au bout du rouleau et endettés qui doivent dire adieu à tout un pan de leur carrière. Le pilote étant saccadé d’incessants retours en arrière, on retrouve Richie à ses tous débuts alors qu’il ne vivait que pour la musique et qu’il avait pourtant un regard bien naïf sur l’industrie. Musicien médiocre, il a pourtant l’oreille et l’un des premiers qu’il a propulsé est Lester Grimes (Ato Essandoh) durant les années 60. Malheureusement, avec les années, les promesses brisées qu’il s’agisse de salaire ou de liberté créatrice se sont accumulées et les deux hommes se sont séparés en mauvais termes. Cet échec incarne en quelque sort l’innocence perdue de Richie. De retour dans le temps présent, ce sont ses mésententes avec Richard « Buck » Rogers (Andrew Dice Clay) qui viennent envenimer encore davantage la situation. C’est que le prolifique propriétaire de stations de radio menace de boycotter l’American Century à cause d’une vieille querelle et lorsque Richie se rend à son domicile, il trouve ce dernier sous influence le menaçant d’une arme à feu. Dans ce cas de légitime défense douteuse, c’est Buck qui est assassiné. C’est maintenant au tour de Richie de se défoncer et après plusieurs inhalations de cocaïne et verres d’alcool et l’effondrement (spectaculaire) d’une salle de spectacle, le protagoniste décide de ne plus vendre sa compagnie et de se remettre en selle. Effets des drogues ou éclair de génie?

Dans au moins la moitié de ses séries, HBO parvient avec brio à nous immerger dans un univers, qu’il s’agisse de celui de la mafia dans The Sopranos, celui des prisons dans Oz ou encore celui de la prohibition récemment avec Boardwalk Empire. Avec Vinyl, on est sensé entrer dans l’effervescence musicale de toute une génération avec des groupes et chanteurs qui se sont depuis transformés en légende, mais force est d’admettre qu’ici, la chaîne a plutôt raté son pari. Le métier de Richie est de recruter, à coups d’essai-erreur des artistes, mais à notre plus grand regret, cette trame est quasiment absente du scénario. HBO aurait dû davantage s’inspirer de la série Empire de Fox dans laquelle les artistes ont toute la place. Quand ils performent, ça a à voir avec une intrigue ou c’est une bonne façon de définir via un certain style musical, la personnalité de ceux qui interprètes ces chansons. Avec Vinyl, la musique est un à-côté, rien de plus. Quelquefois une mélodie célèbre de cette époque joue en arrière-plan dans le but de venir amplifier l’état d’esprit d’un personnage (ce qui se fait dans 99% des fictions à la télévision) ou sinon, on a droit à une chanson qui sert de transition entre deux scènes, mais l’artiste qui l’interprète n’a aucun rapport avec le scénario. Et dans les deux premiers épisodes, mis à part Grimes évoqué plus haut et le groupe Nasty Bits découvert par Jamie Vine (Juno Temple), une assistante de la compagnie, il n’est que très peu question de rock’n roll dans la série, ce qui est un comble quand on y pense.

Vinyl (2016): un disque sautillant

À l’image des trop nombreuses interprétations qui n’ont rien à voir avec la diégèse, les intrigues aussi s’éparpillent de tous bords tous côtés, ce qui est à l’image de l’épisode pilote qui dure presque deux heures, soit, le temps normal d’un long métrage. On a oublié l’aspect sériel dans Vinyl si bien qu’on a droit à très peu de rebondissements et juste une enfilade de scènes passant assez maladroitement du passé au présent. Le résultat est qu’on n’a pas le temps de s’attacher ou de haïr les personnages. Richie par exemple passe par toute la gamme des émotions et les seules fois qu’il gagne en intensité, notamment à l’égard de son travail, c’est lorsqu’il a enfilé une bonne dizaine de ligne de cocaïne. Les autres hommes autour de lui sont trop effacés pour qu’on s’intéresse vraiment à eux et quant aux femmes, soit objet de désir ou épouse malmenée à la maison, elles ne comptent pour pas grand-chose dans toute cette aventure; ce qui rappelle justement le cinéma de Scorsese.

Vinyl (2016): un disque sautillant

Parlant du créateur-réalisateur, on aurait pu croire que son tandem avec Mick Jagger aurait été une puissante locomotive capable de nous imprégner de nostalgie, mais mis à part quelques allusions au Watergate, tout ce qu’on finit par retenir de cette époque, ce sont les trips de drogues et l’usage à outrance du mot « fuck »… pour le moment, c’est tout ce qui reste de la liberté d’expression légendaire d’HBO.

Si après avoir vu les premiers épisodes de Vinyl, on n’a pas envie de poursuivre l’aventure, on s’explique mal en revanche pourquoi si peu de gens ont été tentés par la série. En effet, seulement 760 000 téléspectateurs ont regardé en direct le pilote et trois jours plus tard, en incluant les enregistrements, on atteignait 1,11 million, ce qui reste très faible. Au deuxième épisode, ce chiffre a dégringolé à 670 000 et la semaine suivante à 533 000. De plus, avec un faible taux de moins de 0,3 chez les 18-49 ans, on n’aurait pas donné cher de sa peau, mais qu’à cela ne tienne : quatre jours seulement après son lancement, HBO a renouvelé Vinyl pour une seconde saison.


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