par Gérard Corré membre du Cercle généalogique de l'Aisne
La " Maison Servoise " de Léo & Zélia
Dans La Vie rémoise en 1880, le mémorialiste Eugène Dupont témoigne de la notoriété de Servoise, place des Marchés, " Potin ou Damoy d'alors " et " indiscutable précurseur des magasins de primes du XXe siècle ".
Sous le nom " Au Réel Bon Marché ", la Maison Servoise se présentait comme des " grands magasins d'approvisionnements et d'épiceries ", situés au 19-21, place des Marchés, actuellement 9, place du Forum, sur le côté ouest, à l'emplacement de l'agence du Crédit Agricole. C'était un grand immeuble avec trois étages et plus de vingt fenêtres donnant sur la place. Dans le recensement de 1876 figurent à cette adresse Léo Servoise, sa femme Zélia et son frère Edouard et cinq employé(e)s célibataires : Léonie Couty, 17 ans, née à Savigny (Marne) ; Louise Chevallier, 17 ans, née à Essômes (Aisne) ; Louis Sablier, 31 ans, né à Muzeray (Meuse) ; Joseph Ballot, 19 ans, né en Allemagne ; Edouard Maillot, 25 ans, né à Reims. Une autre famille réside également dans l'immeuble.
Léo et Zélia étaient déjà épiciers à cette adresse en avril 1874, selon l'acte d'état civil d'un enfant né sans vie le 23 avril 1874 à Essômes-sur-Marne (Aisne).
Léo Gustave Servoise était né en 1847, fils de " l'instituteur primaire communal " de Monthiers (Aisne). Il s'était marié en 1872 avec Eulalie Zélia Corré ; il était alors épicier à Paris 112, rue du Temple (3ème). Zélia était la fille de Jules Corré, meunier de Domptin (Aisne), issue du remariage de Jules avec Lucine Legret. Jules est un trisaïeul de l'auteur de cet article.
Un commerce dynamique
Léo avait peut-être suivi la création en 1852 du Bon Marché de Paris, dont l'immeuble actuel avait été entrepris en 1869 pour être achevé en 1887. Il a montré un sens commercial certain, attesté par la tombola de fin d'année évoquée dans l'article d'Eugène Dupont, par la diffusion d'une mercuriale de plus de 800 articles, et par le souci de sa clientèle : reprise ou échange des articles en cas de réclamation fondée, livraison garantie le lendemain de la commande, prise des commandes à domicile pour les clients inscrits, expéditions quotidiennes, etc.
Un exemplaire d'une mercuriale des environs de 1880 nous est parvenu. C'est un petit livret de format 11 x 17 cm, liste des produits en vente avec leur prix, de 50 centimes le litre de vin de table à 15 francs le litre d'eau de Lubin (le salaire horaire de base était alors de 24 centimes). Il y avait même la recette du " gâteau exquis à base de tapioca, très apprécié " !
Fin de l'aventure et rebond de la famille Servoise
Léo Servoise décède le 31 janvier 1878, à 30 ans, et nous ignorons dans quelles circonstances.
Après le décès de Léo, aucun habitant ne figure plus à son adresse lors des recensements de 1881 et de 1886. Pourtant l'annuaire Matot-Braine de 1884 mentionne " Albert Servoise, épicier, faïence et porcelaine, 19, place des Marchés " et les actes de naissance de ses enfants, en juin 1884 et en septembre 1885, domicilient Albert à cette adresse. Albert est un demi-frère de Léo, né en 1857 à Monthiers, marié avec Marie Aline Hubier.
Le même annuaire ne mentionne plus cette épicerie Servoise en 1889 : la Maison Servoise semble donc avoir subsisté pendant une dizaine d'années après le décès de Léo, sous la direction d'Albert (le " A. Servoise " de la mercuriale doit représenter Albert). Ensuite la Maison Servoise est devenue une quincaillerie, la Maison Girardot.
Edouard Servoise, frère de Léo, né en 1849 à Monthiers, habitait encore au 19, place des Marchés en mars 1879. Il s'est marié avec Léonie Couty (employée de la Maison Servoise en 1876). Mais, à partir de janvier 1884, il figure dans les actes de naissance de ses enfants comme épicier au 199 bis, rue de Vesle, en décembre 1888 au 199, rue de Vesle et en février 1897 au 201, rue de Vesle et enfin à partir de décembre 1905 au 207, rue de Vesle.
L'annuaire Matot-Braine de 1909 mentionne " Veuve Servoise, épicerie, fruiterie, 207, rue de Vesle ". Le recensement de 1911 fournit la composition du " ménage n° 314 " habitant au 207, rue de Vesle :
Léonie Elvire, veuve Servoise, née en 1859 à Savigny/Ardres, chef de famille,
fruitière, patronne et ses quatre filles :
- Madeleine Albertine, née en 1884 à Reims, institutrice
- Germaine Emilie, née en 1886 à Reims, sans profession
- Geneviève Louise, née en 1888 à Reims, institutrice
- Denise, née en 1897 à Reims, sans profession.
Le fils Georges Léon, né en 1879, venait de se marier avec Marie Caroline Adèle Pajot.
Des pistes pour compléter l'histoire
Il serait d'abord intéressant de préciser les circonstances de la création de la Maison Servoise : acquisition ou création ? Avec ou sans associés ? Avec quel calendrier en 1873-1874 ?
De façon complémentaire, il faudrait développer le devenir de la famille Servoise à Reims et de ses épiceries.
Pour la période 1873-1887, nous n'avons pas encore trouvé de carte postale ou d'illustration de la Maison Servoise elle-même. Il en est de même de l'épicerie du 199 (puis 201 et 207), rue de Vesle.
Enfin, existe-t-il des références qui permettraient de dater la mercuriale avec certitude ?
à gauche, L'emplacement de la Maison Servoise, 25 ans plus tard Sources : Place des Marchés - Extrait du cadastre de 1819 - source : Archives municipales de Reims en ligne. On peut voir que sur ce plan la rue Colbert n'est pas encore percée, elle ne le sera qu'en 1825 sous le nom de rue Charles X, et ne prendra son nom actuel qu'en 1887 Faire-part du décès de Léo Servoise (communiqué par Jean-Yves Sureau en mars 2010) Une et quatre de couverture de la mercuriale Couverture et extrait de la mercuriale des années 1880 après les bombardement de la Grande Guerre (collection V. Valette) La Maison Girardot vers 1893, qui remplace la Maison Servoise