Le Conseil National de Transition du BURKINA FASO a adopté le 22 décembre 2015 une nouvelle loi pour la règlementation des loyers. Pour le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, René Bagoro, l’objectif est de permettre aux locataires de payer moins cher. Mais, cet encadrement des loyers sera-t-il le meilleur moyen pour y arriver ? Rien n’en est moins sûr !
D’abord, parce que le contrôle des loyers (imposition, par l’Etat, de prix plafonds), donnant l’illusion de faire baisser les loyers, créera un marché parallèle ou marché au noir surtout dans un pays où le secteur informel occupe une place de choix dans l’économie. On y proposera des maisons en location à des conditions négociées sans garanties pour le locataire qui paiera en sus des commissions supplémentaires aux intermédiaires. En plus, dans le contexte actuel où le gouvernement songe à « l’institution d’un impôt foncier rentable par la constitution d’un fichier fiable des propriétaires et la valorisation de l’assiette fiscale des revenus fonciers[1] », le recours au marché noir sera plus prisé d’autant que cela permettra d’éviter aussi de payer les impôts. Cette situation contribuera davantage au développement du secteur informel et empêchera la structuration du secteur, ce qui peut être nocif pour l’économie burkinabè.
Ensuite, l’administration des prix est un signe négatif envoyé aux investisseurs potentiels. Les opérateurs économiques investiront moins et il n’y aura pas suffisamment d’offre car les entreprises déjà existantes se détourneront de l’activité et les investisseurs potentiels ne seront pas incités. La pression de la demande combinée à l’insuffisance de l’offre entraînera à nouveau la hausse des prix. On sera pris dans un cercle vicieux. A l’opposé, la liberté des loyers garantira l’approvisionnement du marché en préservant les incitations des entrepreneurs à investir et à produire. La concurrence permettra à terme de faire baisser les prix et donc de sauvegarder le pouvoir d’achat des locataires.
Enfin, le contrôle administratif des loyers nécessitera des mécanismes de surveillance et de suivi qui sans doute seront financés par le contribuable burkinabè sans aucune garantie d’efficacité. D’une part, il faudra non seulement du personnel mais aussi des moyens financiers pour le recensement, l’évaluation des investissements des bailleurs et pour le contrôle de l’application des loyers fixés. Ce sera donc des dépenses publiques en plus qui seront supportées par le contribuable burkinabè. D’autre part, ces contrôles risquent de ne pas être efficaces car les agents chargés de l’application peuvent s’adonner à la corruption comme de nombreux services de l’administration chargés du contrôle de l’application des normes définies par la loi.
Pourtant, des solutions viables et alternatives au contrôle des loyers existent. Elles consistent à agir simultanément sur l’offre et la demande.
L’Etat burkinabè peut agir sur l’offre en facilitant l’accès à la propriété foncière qui relève « d’un vrai parcours de combattant ». Et quand bien même, il existe des lots de terrains abordables, ils se trouvent dans des zones non aménagées, dépourvues d’eau et d’électricité et sans aucun service social de base. Très souvent, c’est l’inaccessibilité à ces ressources dans les zones non aménagées qui contraint la plupart des locataires à demeurer en location dans les zones aménagées pour avoir au moins accès aux services sociaux de base. De même, l’Etat peux aussi agir sur le coût des intrants notamment les matériaux de construction. Par exemple, Au Burkina Faso le ciment coûte plus cher que dans le reste de la sous-région. Le sac de ciment coûte entre 5750 FCFA et 6000 FCFA à Ouagadougou contre 3000 FCFA à Dakar, 4050 FCFA à Lomé 4200 FCFA à Cotonou et 4500 FCFA à Bamako (DJOUSSOU, 2015). Les monopoles de fait accordés à certains opérateurs ne créent pas non plus des opportunités d’investissement et limitent surtout la concurrence et empêchent ainsi la baisse des prix des matériaux de construction, en l’occurrence le ciment. Dès lors, l’ouverture du marché à plusieurs entreprises est susceptible de contribuer à stimuler la production immobilière. Les réglementations issues des plans d’urbanisation et les différentes lois de zonage doivent être aussi assouplies afin de remédier à la rareté du foncier constructible.
Du côté de la demande, l’Etat doit lutter plus efficacement contre la pauvreté, le chômage et la limitation des revenus qui empêchent les citoyens non seulement de payer les loyers, mais aussi d’investir à le long terme dans l’immobilier. Dans les grandes villes du Burkina, comme Ouagadougou, les locataires sont le plus souvent des fonctionnaires de l’Etat et des travailleurs du secteur privé formel. Les acteurs du secteur informel vivent très rarement en location. Ainsi, si l’Etat s’implique dans la mise en place d’un marché bancaire concurrentiel, cela permettra de faciliter l’accès au crédit immobilier à ces franges de la population, ce qui permettra d’alléger la pression sur le marché locatif, et faire fléchir les prix à terme.
Somme toute, la baisse durable des loyers ne peut se décréter. Le gouvernement peut obliger un propriétaire à respecter le loyer en vigueur, mais il ne peut pas l’obliger à louer son bien. Dès, lors, toute politique sérieuse doit agir à la fois sur l’offre et sur la demande pour espérer faire converger les loyers vers la baisse pour le bonheur de tous les Burkinabè.
Lirasse AKOUWERABOU, Enseignant chercheur à l'université Ouaga II
[1]Paul KIEBA, Premier Ministre du BURKINA FASO, Discours de Politique générale le 05 Février 2016 devant l’Assemblée Nationale