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Kampot (1): de la maison aux hirondelles au bungalow disparu de Marguerite Duras

Publié le 14 mars 2016 par Chantalserriere

D'étranges maisons aux volets clos ou encore sans fenêtres se dressent ici et là dans la petite ville de Kampot, à 148 km de Phnom Penh, au Cambodge. Ce sont des palais aux hirondelles, qui dans le noir complet, tissent les nids précieux dont les Asiatiques fortunés  se délectent. Au petit matin, elles s'éparpillent dans le ciel encore sombre en réveillant la cité de leurs piaillements sonores.

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Les palais aux hirondelles

Si loin du passé terrifiant des années de guerre civile, hors du tumulte de la capitale,  tournant le dos aux soubresauts violents du monde, Kampot étale son architecture coloniale préservée, sous le soleil et la brise marine. La ville se trouve à l'entrée de ce qu'on appelle l'estuaire de la rivière éponyme et qui est en fait un delta puisque se partageant en deux bras pour atteindre la côte à quelques kilomètres; rivière

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Le vieux pont construit sous la colonisation, inutilisé aujourd'hui. Photos Guy Serrière

qui est aussi un fleuve, dans notre acception française, puisque prenant sa source en amont dans les montagnes de la Chaîne des Eléphants pour se jeter dans la mer de Chine.

C'est dans cette province de Kampot que Madame Donnadieu, la mère, celle de la jeune Suzanne du célèbre "Barrage contre le Pacifique",

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fit construire un bungalow en pleine nature, sur une concession achetée à l'administration coloniale. Inondées au moment des grandes marées,  les terres, qui devaient être obligatoirement mises en cultures se sont avérées inexploitables, menant sa propriétaire  à un désespoir proche de la folie et à la ruine. Marguerite Duras fera de ce drame la trame unique mais sans cesse renouvelée de son oeuvre littéraire. Brouillant les pistes. Laissant supposer le décor du Viet Nam et non du Cambodge. A l'époque, il s'agissait de l'Indochine. Marguerite y est née. Elle se disait métis puisqu'elle appartenait à cet univers, alimentant ainsi la suspicion sur ses origines paternelles.  Partie en France en 1931, à l'âge de17 ans, elle ne retournera plus jamais en ces lieux d'enfance et d'adolescence tourmentée, mais ses expériences précoces, la lumière, la végétation sauvage, la dureté du climat, la misère des populations des rizières et les efforts insensés d'une mère s'acharnant à vaincre l'administration coloniale... et les fureurs de l'Océan, l'ont habitée pour toujours.

Aujourd'hui, le bungalow n'existe plus. Subsistent deux plots des piliers en béton qui soutenaient l'ossature en bois de l'habitation. Pour honorer la mémoire de l'écrivain, l'ambassade de France y a déposé une plaque en 2002 . La famille musulmane qui occupe aujourd'hui la concession de la mère appartient à l'ethnie cham, composante de la société cambodgienne depuis la nuit des temps. Très accueillante, elle est toujours étonnée de l'intérêt manifesté par les visiteurs pour ces deux morceaux de béton!

bungalow Duras

Photo empruntée au passionnant blog Paris-Saïgon, vivre en Asie du Sud-Est

Références: Luc Mogenet: Marguerite Duras au Cambodge. Ouvrage en vente à Kampot chez Indo China Gecko Shop; Laure Adler, Marguerite Duras, Gallimard. 2009


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