« En 2020, la banque de détail sera entièrement automatisée ». Ce n'est pas moi qui le dit, ce sont deux tiers des 203 dirigeants et hauts responsables opérationnels de banques interrogés par The Economist Intelligence Unit (pour le compte de Temenos) à l'occasion d'une enquête [PDF] sur les transformations qui affectent leur secteur.
Après les vagues successives des retombées de la crise et de la pression réglementaire (qui reste tout de même d'actualité, bien entendu), les institutions financières commencent désormais à prendre la mesure des mutations en cours, en plaçant, pour la première fois, la « digitalisation » du monde au plus haut de leurs préoccupations. Ce qui les conduit à penser que, dans le sillage de l'automatisation, les modèles traditionnels – basés sur les transactions et les réseaux d'agences – sont en voie d'extinction.
Selon la perception des personnes interrogées, les menaces les plus inquiétantes se répartissent de manière relativement équitable sur 3 axes principaux : l'évolution des comportements des consommateurs (pour 22% des répondants, mais étonnamment sous-pondérée en Europe, à seulement 16%), les transformations technologiques (24%) et l'évolution du paysage concurrentiel et l'émergence de nouveaux entrants (26%) – dont les plates-formes de crédit P2P, les acteurs de la distribution et des télécommunications et les trublions des paiements sont les plus fréquemment cités.
Les réactions face aux défis du changement sont cependant variables. Ainsi, une sorte de résignation semble prédominer dans les paiements (57% des responsables estiment que les banques ne géreront plus qu'une part minoritaire des flux en 2020). En revanche, dans le domaine du crowdlending, s'ils veulent bien reconnaître leur incapacité à répliquer les modèles innovants, ils se voient plus dans un rôle d'intermédiaire (près de deux sur trois considèrent que les banques intégreront ces offres en toute transparence).
L'image que se font les banquiers de leurs nouveaux concurrents n'est pourtant pas sans déformation. Lorsqu'ils croient (à 42%) que leur principal handicap sera – à des degrés divers – la réglementation, ils ont probablement tendance à projeter là leurs propres difficultés, sans comprendre que, prises en considération dès l'origine, les exigences sont sensiblement plus faciles à absorber que lorsqu'elles doivent être ajoutées a posteriori sur des organisations et systèmes hétérogènes et monolithiques.
Les priorités fixées pour les quelques années à venir démontrent que les grands enjeux de la banque sont, en moyenne, bien identifiés, entre l'adaptation du rôle du réseau d'agence (qui, malgré tout, porte toujours une certaine ambiguïté), le recrutement des talents nécessaires, l'amélioration de la segmentation des clients (à quand l'individualisation ?), les (éternelles) contraintes réglementaires, la modernisation des socles technologiques… tous les piliers de la transformation sont effectivement présents. Une question subsidiaire pourrait être : l'exécution tiendra-t-elle les promesses ?
Les objectifs des initiatives digitales en cours peuvent déjà insinuer quelques doutes dans la pertinence des stratégies mises en œuvre. Privilégier la conquête de nouveaux clients, l'optimisation des tarifs, les ventes croisées, la réduction de l'attrition (chacun positionné en tête par 11 à 12% des personnes interrogées) devant les efforts en faveur de la qualité de service représente en effet une vision centrée sur l'organisation, qui revient un peu à inverser les solutions par rapport aux problèmes…
Sur le champ de bataille que devient peu à peu le secteur financier, d'un côté, les banques possèdent les données et les clients (et leur confiance), tandis que, de l'autre, la FinTech est maîtresse de l'agilité (notamment technologique) et de l'expérience utilisateur. Chaque partie peut continuer son chemin seule ou bien elles peuvent collaborer ensemble, afin d'avancer plus vite. Dans les deux cas, les institutions devraient d'abord prendre conscience des efforts qu'il leur reste à déployer si elles veulent réussir.