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COP21: après la fête, la gueule de bois écologique ?

Publié le 20 mars 2016 par Blanchemanche
#COP21
  Publié le 17-03-2016

Notre-Dame des Landes, nucléaire, pesticides, boues rouges: le gouvernement de Manuel Valls multiplie les décisions plus qu'ambiguës sur le plan écologique. L'esprit du Bourget semble bien parti en fumée.


Ségolène Royal, François Hollande et Manuel Valls, le 30 novembre au Bourget lors de la COP21. LOIC VENANCE / POOL / AFP
Ségolène Royal, François Hollande et Manuel Valls, le 30 novembre au Bourget lors de la COP21. |©LOIC VENANCE / POOL / AFP
L'esprit du Bourget semble bien loin. Trois mois après la COP21, le gouvernement de Manuel Valls multiplie les décisions contradictoires par rapport au volontarisme écologique affiché en décembre à Paris. De la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, à l'amendement gouvernemental sur le principe pollueur-payeur,en passant par Notre-Dame-des-Landes, l'exécutif envoie de curieux signaux sur le plan environnemental. "Le gouvernement n'est pas à la hauteur de cet accord de Paris, c'est «business as usual»", indique à Challenges Pascal Canfin, directeur général du WWF France et ancien ministre du Développement de François Hollande. L'ex-Secrétaire d'État à l'Écologie, Chantal Jouanno, aujourd'hui sénatrice (UDI) de Paris, est encore plus sévère. "Le gouvernement n'a pas de ligne, pas de cap environnemental, le discours se veut ambitieux mais les actes vont dans le sens inverse" appuie-t-elle. Tour d'horizon de ces différents "forfaits" à l'esprit du Bourget.

L'amendement "hallucinant" sur le préjudice écologique

L’inscription du préjudice écologique dans le code civil a finalement été votée mardi 15 mars à l’Assemblée nationale, lors du deuxième passage du projet de loi sur la biodiversité. Mais quinze jours plus tôt, le texte avait fait l'objet d'une très forte polémique. Alors que le Sénat avait, à l’initiative du président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, prévu que "toute personne qui cause un dommage grave et durable à l’environnement est tenue de le réparer", le gouvernement avait déposé un amendement réduisant à néant le principe du pollueur-payeur. "N’est pas réparable, le préjudice résultant d’une atteinte autorisée par les lois, règlements et engagements internationaux de la France" précisait l'amendement. En clair, au motif qu’ils résulteraient d’activités autorisées, les dégâts causés à l’environnement, par exemple par un accident industriel, n’appelleraient pas de réparation. Face au tollé provoqué, le gouvernement avait été contraint quelques heures plus tard de retirer l'amendement, Ségolène Royal soutenant qu'il avait "été déposé un peu trop précipitamment par les services qui ont cru bien faire". "Un acte précipité dans un gouvernement, ça n'existe pas, l'exécutif savait très bien ce qu'il faisait, réagit Chantal Jouanno. Cet amendement était un scandale, un cadeau fait aux industriels". Et ce dernier, dont l’exposé des motifs, ciblait "un risque juridique excessif" pour les milieux économiques, ne pouvait en effet que répondre à leurs vœux. Lors de l’examen en première lecture de la loi sur la biodiversité, le Medef estimait ainsi que l’inscription du préjudice écologique dans le code civil allait créer des... "risques juridiques pour les entreprises". "Bercy a fait un copié-collé d'une proposition du Medef, on est dans le lobbying pur, abonde Pascal Canfin. Cet amendement était tout simplement hallucinant".

Le flou sur Notre-Dame-des-Landes


Sur ce dossier, on peut dire que la confusion règne au sein du gouvernement. La ligne de l'exécutif semble bien difficile à décrypter entre Manuel Valls, partisan de commencer les travaux le plus vite possible, Ségolène Royal, qui a demandé des expertises supplémentaires, et François Hollande, qui a proposé un référendum local. Ce dernier, qui se tiendra au mois de juin et sera limité au seul département de Loire-Atlantique, fait même l'objet d'un débat au sein du gouvernement. L'écologiste Jean-Vincent Placé, secrétaire d’Etat à la réforme de l’Etat et à la simplification, a d'ailleurs appelé à voter contre le projet d'aéroport, ce mardi. "On a là aussi affaire à une contradiction, estime Pascal Canfin. C'est difficile de défendre une économie neutre en carbone d'un côté et d'un autre côté, promouvoir un aéroport dont la rentabilité repose sur une hausse du trafic aérien".L'Élysée souhaite depuis plusieurs semaines accélérer les choses et boucler ce dossier devenu ultrasensible en 2012 après l'évacuation avortée de la "zone à défendre", la ZAD, par les forces de l’ordre. Le site est en effet occupé depuis 2009 par des militants anticapitalistes qui se relaient sur cette zone d'aménagement différé (ZAD), rebaptisée "zone à défendre". Ils entendent protéger un environnement qu'ils jugent fragiles et permettre à des agriculteurs installés sur le site de poursuivre leurs activités. Le 25 janvier, une décision de justice a ordonné l'expulsion des derniers habitants historiques des lieux, y compris les agriculteurs. Les travaux n'ont jamais repris depuis 2012, soit un retard de déjà quatre ans pour un projet qui aurait dû être achevé en 2017.

La prolongation de la durée de vie des centrales et l'imbroglio sur Fessenheim


La fin du nucléaire ce n'est pas pour tout de suite. En affirmant le 28 février dernier, être "prête à donner (le) feu vert" au prolongement de dix ans de la durée de vie des centrales nucléaires, qui passerait ainsi de 40 à 50 ans, Ségolène Royal a envoyé un message qui peut surprendre. Si la ministre de l'Ecologie, n’a certes pas dérogé à la loi de transition énergétique qui prévoit une baisse de la part de l’atome dans le bouquet électrique national (de 75 % à 50 % d’ici à 2025), mais ne programme pas l'abandon de cette énergie, elle a accédé à la demande du président d’EDF, Jean-Bernard Lévy. Ce dernier projette d’investir plus de 50 milliards d’euros dans la modernisation du parc nucléaire hexagonal, avec l'intention de maintenir en activité 56 des 58 réacteurs. Or, dans son rapport publié début février, la Cour des comptes a estimé que le cap de 50 % d’électricité d’origine nucléaire doit mener à la fermeture de "17 à 20 réacteurs"."Le gouvernement joue la carte du nucléaire alors qu'il n'y a plus de marché dans le monde, affirme Cyrille Cormier, chargé des questions énergie et climat au sein de l'ONG Greenpeace. L'Inde, par exemple, réoriente ses investissements dans le solaire et en Chine, lenucléaire connaît des ratés. A cause d'EDF, l'Etat privilégie cette énergie du passé. L'avenir ce sont les renouvelables qui représentent 300 milliards de dollars d'investissements dans le monde".Il convient aussi de citer l'imbroglio gouvernemental autour de la fermeture de Fessenheim avec d'un côté la nouvelle ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, soutenant que la centrale sera fermée dès cette année et de l'autre, Ségolène Royal affirmant qu'elle n'interviendra qu'en 2018. "Le gros problème est que les élites françaises restent extraordinairement tournées vers le passé alors que les renouvelables explosent" considère Pascal Canfin. Et s'agissant des renouvelables, la France est le deuxième pays européen le plus... en retard sur ses objectifs. Et l'ancien ministre du Développement de lâcher: "le gouvernement fait semblant de faire la transition énergétique, il fait semblant de fermer des centrales nucléaires, semblant d'en faire comme on peut le voir avec les problèmes de financement de l'EPR et il fait semblant de jouer la carte des renouvelables. Il fait semblant..."

Le Foll réceptif aux demandes des agriculteurs sur les pesticides...


La loi sur la biodiversité, examinée du 15 au 17 mars, comporte un article consacré aux néonicotinoïdes. Cette famille d’insecticides est reconnue nocive pour les insectes pollinisateurs et, plus généralement, pour l’environnement et la santé. Le texte indique - après une modification introduite par des députés écologistes et socialistes - que l’utilisation de l’ensemble de cette famille d’insecticides sera interdite à partir du 1er janvier 2017, pour tous les usages et toutes les cultures, y compris les semences enrobées avec ces produits.Seulement, Stéphane Le Foll ne l'entend pas de cette oreille. Le ministre de l'Agriculture vient en effet, comme le révèle le journal Le Monde, d'adresser une lettre aux députés pour les inciter à ne pas se prononcer en faveur d’une interdiction simple et totale. Stéphane Le Foll estime notamment que cela créerait "des distorsions entre les agriculteurs français et le reste des agriculteurs européens". Une position très proche de celle des représentants du monde agricole. Pour le ministre, cette réglementation "doit se conduire au bon niveau, au niveau européen".Selon des chiffres publiés début mars, le recours aux produits phytosanitaires par les agriculteurs a augmenté de 9,3% entre 2013 et 2014.

... et les nitrates


Un autre vœu des agriculteurs français pourrait être bientôt exaucé. Il s'agit de la réglementation sur les nitrates. Le monde agricole, FNSEA en tête, demande depuis des mois au gouvernement de s’atteler à la simplification des normes. Et Stéphane Le Foll a annoncé le 17 février dernier, qu’il "allait essayer de proposer aux agriculteurs des sorties de normes  qui existent aujourd’hui sur la base de critères (…) qu’il va falloir qu’on définisse". Parmi les critères, le ministre a évoqué le niveau de matière organique dans les sols. "Quand on a des sols plus épais et qui sont capables d’absorber plus d’eau et d’azote qui ont de la microbiologie, les potentialités d’épandage n’ont rien à voir avec un sol conventionnel".En 2014, Manuel Valls avait aussi remis en cause la directive nitrates après une nouvelle condamnation de la France par la Cour de Justice de l’Union européenne. "La France va travailler à une adaptation de cette directive nitrates dont l’approche normative a clairement montré ses limites" avait-il assuré aux agriculteurs, suscitant notamment l'ire d'Europe Ecologie Les Verts, dénonçant des propos "irresponsables".

L'affaire des boues rouges dans les calanques


L’épisode des boues rouges de Gardanne (Bouches-du-Rhône) a aussi illustré les contradictions internes au gouvernement avec Manuel Valls et Ségolène Royal s’affrontant sur la question du rejet d’effluents toxiques en Méditerranée. La ministre de l'Environnement avait ainsi "désapprouvé" en décembre la décision prise par le préfet des Bouches-du-Rhône autorisant l’usine d’alumine Alteo à rejeter en mer ses effluents industriels, tandis que le Premier ministre avait soutenu la décision préfectorale. A ce sujet, le tribunal administratif de Marseille a rejeté, vendredi 26 février, la requête déposée par cinq associations de défense de l’environnement ou d’usagers du Parc national des calanques qui réclamaient la suspension immédiate de l’arrêté. Le tribunal estimant qu’il n’y a pas d’urgence à mettre un terme à ces déversements, se rangeant ainsi à l’avis du préfet selon lequel "l’interdiction à court terme conduirait à la fermeture de l’activité alors que des efforts ont été déployés"."Il y a beaucoup de désaccords entre Ségolène Royal et Manuel Valls, abonde Pascal Canfin. Cela parasite toute la politique environnementale. Et le plus triste dans toutes ces décisions est que la COP21, qui peut être considérée comme l'un des rares succès du quinquennat de François Hollande, pourrait au final être un échec". http://www.challenges.fr/entreprise/environnement/20160309.CHA6063/cop21-apres-la-fete-la-gueule-de-bois-ecologique.html

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