Trois grands écrivains russes ont vécu à Saint Pétersbourg: Alexandre Pouchkine, Nicolas Gogol et Fiodor Dostoïevski (qui y est enterré). Le premier a composé un poème célèbre intitulé Le Cavalier de bronze, dédié à Pierre-le-Grand et à cette cité fondée par lui au début du XVIIIe, immortalisés tous deux par une statue équestre au bord de la Neva.
Aussi n'est-il pas surprenant que les poèmes que Danielle Risse vient de consacrer à l'ancienne capitale de l'empire russe y fassent allusion. Ces trois grands écrivains ne sont-ils pas, chacun à sa manière, représentatifs de l'âme russe à laquelle la poétesse veut mêler sa voix dans son recueil, dont le titre est une façon de distique:
Si près des étoiles
Saint-Pétersbourg ?
Si elle évoque les ombres de Gogol et de Pouchkine - et de sa maison jaune où il mourut des suites d'un duel -, elle n'ignore pas l'esprit des Romanov, le regard de Raspoutine, le fantôme de Catherine, derrière les vitres du Palais, le coeur noir de Raskolnikov, ce héros de Fiodor, qui après l'aveu de son crime connut son châtiment, la voix de Vyssotski...
Saint-Pétersbourg est bâtie à l'origine sur une multitude d'îles que forment les bras de la Neva, de ses affluents et de ses canaux, tels que la Moïka et la Fontaka. Tout comme à Venise, cette omniprésence de l'eau, source de toute vie, quand elle ne déborde pas des quais de granit, ne peut manquer d'inspirer ceux qui s'aiment:
Sur les bords de la Neva
Suspendu au feu brûlant de la passion
Des amants effleurent l'éternité.
et
L'azur scintillant rassemble
Tous ces mots d'amour murmurés
Au vent du soir sur les quais de la Neva.
Saint-Pétersbourg, ce sont des bâtiments inspirés:
Maisons faussement endormies
Palais aux reflets d'or
des églises:
La flèche de l'église Pierre et Paul
S'élance vers la nue
Et mesure la croyance de nos pères.
la Camarde et des cendres, celles du bien nommé poète:
Bien au-delà de la souffrance,
Bien au-delà des tempêtes,
Une poignée de cendres tisse
La légende de Pouchkine.
celles de la poétesse, Anna Akhmatova, quand pendant la parenthèse de 1924 à 1991, la cité s'appelait Leningrad:
A l'écoute du soir
Les paroles d'Anna
Résonnent encore
Dans la maison sur la Fontaka.
Saint-Pétersbourg ne peut qu'inspirer les poètes, parce qu'elle donne accès à l'immuable Russie, à la Russie éternelle, à l'ineffable Russie, parce qu'elle est réminiscence d'heures glorieuses d'un autre siècle et parce qu'elle est nostalgie d'un autre monde.
Pourquoi alors s'étonner que la poétesse, à un moment, se reprenne à rêver ou qu'à un autre elle puisse dire: Restée seule, je traverse la toile de mes rêves?
Que, dans ce recueil, il ait lieu en été ou en hiver, dans le présent ou le passé, en rêve ou en réalité, il faut répondre oui à cette invitation au voyage...
Francis Richard
Si près des étoiles / Saint Péterbourg, Danielle Risse, 68 pages, L'Aire (à paraître)