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VERY BAD BUZZ ? La pub des magasins U qui fait hurler les bébés...et la toile

Publié le 23 mars 2016 par Muzard

  

La pub "générations heureuses"...ne rend heureux personne

Toujours en quête du « sacré buzz », la marque U dévoile le 6 mars sur les réseaux sociaux, un nouveau spot « générations heureuses » diffusé en télé jusqu’au 19 mars. Visiblement cette publicité… ne rend personne heureux. Ni les bébés, ni les internautes. En fait de buzz, c’est un bad buzz qu’elle s’offre.

Il est vrai que la marque a pris des risques en mettant en scène un chœur de nouveaux nés en pleurs à l’hôpital, interprétant la Vie en rose dans une version des plus noires, pour délivrer un message de développement durable : « pour les générations heureuses demain, consommons mieux aujourd’hui ».

Cette pub peut te couper l’envie de faire des enfants peut on lire sur le mur de la page Facebook de la marque U.

Si normalement, un bébé dans une publicité « fait vendre », en suscitant des émotions positives, du sourire, de l’attachement, ce spot représentant des bébés qui hurlent, suscite le rejet chez une majorité d’internautes. Ils le qualifient « d’anxiogène », « d’insupportable », et « sans pertinence » avec le message publicitaire. La question du traitement des bébés pendant le tournage est même évoquée.

Ainsi cette campagne va rejoindre la cohorte de bad buzz liés à une initiative de communication «inappropriée » et qui représentaient en 2015, 40 % des crises digitales selon  Selon l'étude MMC "bilan bad buzz"2015.

On ne transgresse pas impunément un tabou digital comme celui de « l’innocence de l’enfance »: représentation négative du bébé et interrogations sur le bien être des enfants filmés.

Une vague de commentaires critiques s’abat sur les comptes Facebook et Twitter de la marque dès le lendemain de la diffusion du spot publicitaire.

« cette pub est horrible, et sans rapport avec la marque », « obligé de zapper ou de mettre sur « mute » quelle idée de faire une pub pareil », « mon bébé pleure devant cette pub »… », « même mes chiens chouinent quand elle passe ».

Près d’une semaine après le début de la polémique, des tweets critiques sont publiés au rythme d’environ 1 par minute. Sur Facebook, les commentaires négatifs sous le post qui présente la publicité et même sous d’autres posts, dominent clairement.

Une défense confuse qui ne convainc pas

Face à ce very bad buzz sur le web social, la marque se défend mais persiste en maintenant sa campagne télé.

Dans les modalités de publication de son « statement [1]», elle opte pour un profil bas : bien que le buzz soit « fort » sur Twitter ou Facebook, elle se limite à répondre à certaines critiques dans la zone de commentaires, alors que sa réponse méritait plus de visibilité : au moins un post publié sur Facebook et un tweet sur Twitter.

Sur Youtube, apparemment, la marque U n’a pas activé la fonctionnalité des commentaires, pas plus que la possibilité de liker ce qui n’échappe pas à certains internautes. Certes cette configuration permet de contrôler sa chaîne Youtube, mais elle ne favorise pas la liberté d’expression qui est pourtant dans l’ADN du web 2.0. Avec U, le droit de crier est l’apanage des bébés, pas des internautes.

Enfin, dans ses réponses aux commentaires négatifs, le distributeur se contente de réaffirmer le but du film : « interroger le téléspectateur sur le monde que nous tous souhaitons laisser aux futures générations » et rappelle ci et là que les pleurs sont censés faire référence à la chanson « la vie en Rose ». Il se sent obligé de préciser que les bébés n’ont pas été maltraités pendant le tournage.

La communication renforce la colère des internautes qui ont le sentiment qu’on les considère comme incapables de comprendre le « second degré » du spot :

« j’avais remarqué qu’ils chantonnaient la vie en rose, mais cela reste insupportable ».

Plus d’une semaine après, le buzz se poursuit alimenté par la diffusion du spot.

Même sans rétropédaler (c’est à dire interrompre la campagne), U aurait dû manifester plus d’écoute et s’engager à ne pas renouveler ce type d’expérience à l’avenir. Ce buzz aurait probablement moins pollué les espaces du distributeur sur les réseaux sociaux. Mieux encore, U aurait pu préparer un spot « de secours » afin de pouvoir rapidement le diffuser dans le cas où la première publicité serait mal accueillie. Elle aurait peut être réussi, non seulement à apaiser rapidement la polémique, mais aussi à la transformer en good buzz.

Des analyses qui négligent le web social par rapport au web éditorial

Ce cas d’école confirme que le bad buzz est un risque encore jeune que les entreprises et les agences de communication n’ont pas encore totalement « apprivoisé ».

Plus intéressant encore, il montre que le web éditorial (sites, blogs) ne fonctionne pas toujours selon les mêmes règles que le web social. Si les bébés ont bad buzzé sur le web social, les sites internet ne s’en sont pas fait l’écho et n’ont guère prêté attention au spot.

Dans les retours d’expérience de buzz, il faut éviter de surpondérer les publications du web éditorial. Il est essentiel d’analyser de près les réactions des internautes, sur les comptes Twitter, Facebook, Instagram…d’une marque car ce sont des espaces d’expression privilégiés des clients. On n’oubliera pas non plus les réactions dans les forums et dans la zone de commentaires des blogs et des sites. Cela permet d’établir « un retour sur investissement » plus juste de la communication.

De ce point de vue, on peut se demander si la qualification de « good buzz » était justifiée pour une campagne précédente de la marque U.

En décembre dernier, si sa campagne « jouets sans préjugés » a séduit le web éditorial, elle a suscité de nombreuses critiques sur le web social et pas seulement dans la sphère identitaire et catholique.

Avec le spot des bébés, le distributeur prend le risque aujourd’hui de renforcer les tensions avec le web social. Il gagnerait à prêter plus d’attention à l’avenir aux réseaux sociaux. Séduire les relais d’opinion (web éditorial et médias traditionnels) par une démarche conceptuelle originale, au risque de déplaire à une partie significative de l’opinion, n’est pas une stratégie nécessairement gagnante dans la durée.

« Les émotions guident notre comportement futur, renforçant notre motivation d’achat, avant même que nous en soyons conscients » rappelle Douglas Van Praet, expert américain en neuro-marketing. [2]

Si une, et à fortiori plusieurs campagnes de communication, suscitent de la colère dans l’opinion et que celle-ci est représentative des clients, il est peu probable que leur impact sur l’image et sur les ventes, s’avère positif pour la marque.

S’attirer les foudres des réseaux sociaux est, et sera de plus en plus, risqué. A force de jouer avec le buzz, on finit par se brûler.

[1] communiqué diffusé sur le web

[2] P 21 Unconscious Branding –Douglas Van Praet.


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