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Murder (2016): variante sur le genre policier

Publié le 25 mars 2016 par Jfcd @enseriestv

Murder est une nouvelle série de trois épisodes diffusée depuis le début mars sur les ondes de BBC Two en Angleterre. Établies comme étant trois histoires indépendantes, à chacune d’entre elles on revient sur un meurtre qui a été commis et nous n’avons droit qu’aux témoignages, véridiques ou faux des intervenants concernés, qu’il s’agisse du (présumé) meurtrier, des victimes collatérales ou encore des policiers qui ont été saisis de l’affaire. En 2012, Robert Jones avait réalisé un film au titre éponyme et utilisant les mêmes techniques de narration. Récompensé d’un BAFTA pour le meilleur drame, l’idée a tranquillement fait son chemin et s’est rendue sur nos écrans quatre ans plus tard; Jones étant cette fois producteur et scénariste, tandis que la réalisation est allée à Birger Larsen (The Killing). Davantage expérimental qu’engageant pour le téléspectateur, Murder (toujours disponible sur iPlayer), avec sa mise en scène complexe et sa redondance au sein de chacune des enquêtes risque d’en décourager plus d’un. C’est que malgré toutes ces innovations du côté du contenant, le contenu, lui, n’arrive pas à nous émouvoir.

Murder (2016): variante sur le genre policier

Une mise en scène aux influences documentaires

Autant le dire, avec Murder, ce n’est pas tant de savoir qui a tué que de comprendre le contexte dans lequel s’est déroulé le crime, comment on s’y est pris ainsi que les antécédents qui ont poussé le meurtrier à commettre un acte aussi abject. Dans le premier épisode intitulé The Third Voice, le corps de Rafe Carey (Frank Gilhooley) est retrouvé sans vie dans la Tweed en Écosse. Après enquête, la détective Corrine Evans (Morven Christie) écarte l’hypothèse de la noyade et conclut au meurtre. Celui qui a été inculpé n’est nul autre que son beau-frère Leo (Peter McDonald) et selon son épouse Katrina (Shauna MacDonald), le motif pourrait être la mort de leur petite fille il y a peu de temps, mais voilà qu’un autre suspect (Connor McCarron) est arrêté, ce qui vient embrouiller les cartes. Dans l’épisode suivant, The Lost Weekend, la philanthrope Arla Beckman (Brooke Johnston) est portée disparue. Dès lors, les soupçons pèsent sur Dominic Cotterall (Sebastian Armesto),  un aristocrate célèbre pour sa vie dissolue dont elle était l’amant. Puis, dans le troisième épisode, The Big Bang, l’adolescente Jess n’a toujours pas fait le deuil de son père (Matthew Clancy) tué de sang-froid dans un stationnement public par l’un de trois voleurs qui au même moment tentaient de prendre la fuite. L’objectif pour sa fille est qu’elle veut à tout prix savoir lequel a tiré le coup fatal et c’est sa psychologue qui lui propose son aide afin d’éclaircir le mystère.

Si les NCIS et autres séries procédurales ont encore de beaux jours devant elles, le genre policier, probablement le plus populaire sur la planète, ne cesse d’être l’objet de fascination du côté du téléspectateur, peu importe la façon dont il nous est présenté et Robert Jones avait bien l’intention de laisser sa marque avec Murder, tout d’abord en décidant de briser le « quatrième mur »; celui qui sépare les acteurs de leur public. Ainsi, tous les acteurs livrent leurs confidences à la caméra avec des plans fixes, comme s’ils s’adressaient à nous. Pourtant, ils restent dans la peau de leurs personnages, si bien que certains mentent comme ils ont dû mentir aux policiers, alors que d’autres nous expriment leur chagrin face à la perte d’un être cher.

Murder (2016): variante sur le genre policier

Dans un deuxième temps, c’est la temporalité qui mérite l’attention : dans les deux premiers épisodes, on progresse comme s’il s’agissait de l’enquête avec le « day 1 », « day 2 », « day 44 », etc. alors que dans le troisième, ça de déroule sur une seule journée et ce sont les heures qui marquent les chapitres. Puis, s’inspirant du documentaire, on nous montre plusieurs images captées par les caméras de vidéosurveillance, ainsi que des extraits de vidéos de famille impliquant les victimes dignes de la chaîne américaine Investigation Discovery.

Après de récentes séries documentaires chocs ayant recueillis l’engouement populaire, critique et médiatique comme The Jinx sur HBO et Making a Murderer sur Netflix, Murder franchit un pas de plus dans la création puisque tout est là pour nous faire croire à un documentaire en terme de réalisme alors qu’il s’agit en fait d’une fiction. Il faut reconnaître que la nouveauté de BBC Two nous amène hors des sentiers battus et que cette signature visuelle unique est de calibre à pousser encore plus loin les limites du genre policier, mais la question qui se pose est : dans quel but?

Un effet mitigé

Si les documentaires d’HBO et de Netflix ont connu un si grand succès, c’est qu’ils mettaient à l’écran des personnages ayant réellement existé, provoquant un certain impact sur la société (relayé par les médias, une pétition populaire dans le cas de Making a Murderer, etc.). Dans le cas de Murder, l’erreur est d’avoir fait appel à certains comédiens trop connus du public, si bien qu’on détruit en grande partie cette zone floue entre la réalité et le documentaire à laquelle on donnait l’impression de vouloir s’accrocher. Dès lors, ces techniques « vérité » en insérant de fausses images de caméra de surveillance perdent en intensité, sinon en cohérence.

Murder (2016): variante sur le genre policier

De l’autre côté, reste la fiction parce que la nouveauté de BBC est bel et bien scriptée. Après avoir seulement vu le premier épisode, on aurait pu conclure qu’il s’agissait d’une sorte de projet où l’on aurait incité le téléspectateur prendre le rôle de jury puisque les personnages se « confessent » à la caméra, mais la formule n’est pas répétée dans les épisodes suivants. Là où la série marque finalement des points est lorsqu’elle nous offre une multitude de points de vue, qu’il s’agisse des proches des personnes assassinées ou des meurtriers eux-mêmes; ce qui a poussé ces derniers à agir ainsi et un retour en arrière sur leurs antécédents. Certes, certains textes sont très forts, mais on peine à éprouver de la compassion pour tous les intervenants sans doute à cause du cadre très statique qui nous est offert ici et surtout en raison de la longueur des récits, près de 60 minutes qui finissent éventuellement par nous perdre. Au final, toutes ces techniques peinent à former un tout cohérent avec le scénario. Avec Murder, BBC Two nous offre un exercice de style,  mais au final, l’expérience s’avère peu concluante.

On pourrait aussi affirmer que le public en pense autant : le premier épisode de la série a attiré 1,37 million de curieux et s’est ainsi classé au 12e rang de la chaîne pour la semaine du 29 février. 7 jours plus tard, la fiction amassait un auditoire de moins d’un million et n’apparaissait même plus dans le top 30 de BBC Two.


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