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Výkal ! дерьмо !

Par Eric Mccomber
La 4
Pour être très franc, je n'utilise que la numéro 4. Les raisons sont diverses. Primo, j'y assassine régulièrement les arachnides, qui n'ont donc pas le temps de prendre leurs aises, de s'engraisser, de s'allonger le poil et de s'ériger des cathédrales de fils collants. Je déteste cette espèce (que je considère d'origine extra-terrestre) et nous nous livrons une guerre sans merci depuis la nuit des temps. J'ai beau tenter de me raisonner, de les comprendre, de négocier, de leur côté, rien ne semble évoluer. Chaque fois que s'installe une paix fragile, un de leurs représentants vient empiéter sur mon territoire, chasser sa putride pitance dans ma propre cuisine, élaborer des pièges mortels et morbides autour de mon lit, ou pire, planter carrément son proboscis tranchant dans ma chair (après m'avoir infligé de force une anesthésie locale) et me pomper carrément le sang ! Les relations diplomatiques sont donc à zéro. Je tue à vue. Pas de quartier. C'est ainsi. C'est la guerre.
Secundo, dans la numéro 4, je fais le ménage. Déja, ce camping est hyper propre et on y procède au récurage systématique, deux fois par jour. Mais mes frères les mâles semblent souffrir de beaucoup de maladresse en ce qui concerne la maîtrise de leurs organes génitaux et leur urine éclabousse partout à l'avenant. Oah. Donc, je fais le ménage de la mienne, la 4, planchers, cuvette, murs… Après tout, le fond de mon pantalon se retrouve par terre. Et mes fringues passent ensuite la nuit à cinquante centimètres de mon nez. Y a pas à hésiter.
Depuis une semaine, ma numéro 4 a été adoptée par un autre citoyen, que je vois parfois me succéder ou me précéder. Sven (nom fictif). C'est un genre de scandinave, blondinet à lunettes, timide. Il me dit bonjour respectueusement, et je le salue avec cordialité, surtout que nous nous entendons à merveille dans l'entretien méticuleux de notre toilette. Depuis qu'il est là, c'est étincelant. Par contre, juste comme mon affection discrète pour Sven allait atteindre son paroxysme, un truc vient de se produire qui me laisse perplexe.
Truc qui vient de se produire qui me laisse perplexe
J'arrive en haut de la colline, où sont pragmatiquement déployés les sanitaires, et je vois que la porte de ma 4 est verrouillée. Je décide donc d'attendre en faisant subtilement le tour du petit bâtiment en sifflotant Guy Lafleur de Benoît Leblanc, tout en essayant de me souvenir du vrai nom de John Frisou, le moronable pionnier-ménisque du Kwebek. Je fais ensuite le pied de grue à portée stratégique et respectueuse de la numéro 4. En tendant l'oreille, j'entends une conversation touchante entre un enfant inquiet et son papa tendre et pédagogique. Je me dis que c'est fantastique, la paternité, et je souris béatement de toute ma face de granole nono lorsque le dialogue entre l'enfant et l'homme s'interrompt subitement. On tire la chasse, j'entends un froissement de tissus qu'on ajuste, et la porte s'ouvre. Sven sort. Il m'offre un sourire accompagné d'un mot poli.
— Grõnne-mokgna.
— Que uelta !?
Je m'incline puis j'attends que le gamin dégage. Sven vire à gauche, prend le sentier, disparaît. La porte reste entre-ouverte. Quelques minutes s'écoulent. Je pousse le volet pour jeter un œil. Je me penche dans l'ouverture, prêt à encourager le môme avec bonhomie. Rien. Bon. C'est tout propre, rien à redire, mais il n'y a pas de bambin. Pas de Sven-Junior. Y a personne. Il était tout seul, dans sa chiotte, le beau Sven.
Tout seul avec sa marde.
—© Éric McComber

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