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Lettre ouverte adressée à madame michèle bachelet présidente du chili

Publié le 13 juin 2008 par Hugo Jolly

LETTRE OUVERTE ADRESSÉE À MADAME MICHÈLE BACHELET PRÉSIDENTE DU CHILI

Montréal le 9 juin 2008


S.E.

Dra. Michelle Bachelet,

Présidente de la République du Chili


Son Excellence


Le projet minier Pascua-Lama, de la compagnie canadienne Barrick Gold, aura des impacts négatifs pour les communautés locales, leurs activités traditionnelles agricoles et d’écotourisme.Le 20 mars 2006, nous vous avons adressé une lettre dans laquelle nous développions nos arguments pour le refus de ce projet.Aujourd’hui, nous voulons insister sur cette demande d’appui à notre cause de défense de la vie de la population de la Vallée du Huasco.


Il est nécessaire de rappeler que, depuis son indépendance, l’État chilien est le propriétaire des richesses minières.Ce fait a été ratifié par la résolution des Nations Unies (1962) ainsi que par la réforme constitutionnelle de 1971 qui a nationalisé la grande compagnie minière.La dictature militaire et les gouvernements de la Concertation qui ont suivi, ont profondément changé les balises légales de protection du patrimoine national.La nouvelle tendance a été de privilégier la compagnie privée locale et étrangère.C’est ainsi que l’État a démissionné de son rôle de supervision des compagnies minières privées.


Avec l’introduction du concept deConcession Pleine,des gisements appartenant à la compagnie nationale CODELCO ont été vendus à des intérêts privés (1992).C’est un recul marqué depuis la nationalisation.Aujourd’hui, CODELCO contribue 30% de la production nationale, tandis qu’en 1980 son apport atteignait 74%.Malgré cela, CODELCO continue d’être très rentable et rapporte presque un tiers des revenus de l’État.Ceci n’empêche pas que quelques personnages politiques, même à l’intérieur de votre gouvernement, veulent encore privatiser CODELCO.Le transnationales grâce à la loi 18985 du 28 juin 1990, ne paient pas d’impôt à la rente.


Le cadre global du pays et ses institutions ont changé radicalement.L’économie qui était un mécanisme pour répondre aux besoins de la population a été transformé dans un système pervers avec le seul objectif de maximiser les profits même dans les aires de pensions, les droits à l’eau, la santé et l’éducation..


Le procès de dénationalisation du cuivre a permis aux compagnies minières privés de s’approprierde ressources qui appartenaient à CODELCO.Ce sont aujourd’hui, ces compagnies qui produisent 70% du cuivre au Chili. En plus ce compagnies minières privées, nationales et étrangères (sauf Escondida) ne rendent pas publiques leurs bilans financiers détaillés ni paient des impôts comme doivent le faire aux États-Unis ou au Canada.Ces pays exigent une rente minière entre (royaltie) de 12,5% et 20% respectivement. De cette façon au Chili, sous la protection d’une institutionnalité “légale” anti-démocratique, L’exploitation du cuivre par les compagnies minières privées (les revenuspour exportations en 2006 ont atteint le 31 milliards de dollars US) leur permet de s’approprier d’énormes gains qui par la Constitution appartient à tous les Chiliens.Les transferts de ces profits abusifs à l’état permettrait de dupliquer les budgets annuelsde pensions, de l’éducation et de la santé en plus de pouvoir faire des investissements qui produiraient des emplois, des biens et de services.


De plus, la souveraineté nationale sur un vaste secteur de la Cordillère des Andes (1997) a été prise en main par les grandes corporations transnationales minières.Le traité binational Chili-Argentine (1997) a permis l’exploration d’une grande partie du territoire par les transnationales : c’est le cas du projet Pascua-Lama de Barrick Gold.Mais il y a beaucoup d’autres projets tout aussi préoccupants : ceuxde Cerro Casale, Caserones, Relincho, El Morro, etc.Leurs réalisations accentueraient l’impact négatif des corporations multinationales minières.Malheureusement, jusqu’à maintenant, l’État chilienn’a pas eu la conviction nila force nécessaire pour imposer des sauvegardes sociales et environnementales.


À cet égard, la première considération négative du projet Pascua-Lama, c’est la cession à une corporation transnationale d’un patrimoine national d’énorme valeur, des ressources qui sont indispensables pour le développement socio-économique du pays.Les valeurs des réserves déclarées par Barrick sont supérieures à 28 milliards de dollars US.À titre de comparaison, il est nécessaire d’indiquer que la production de cuivre pour l’année 2000 a atteint les 40 milliards de dollars US.


Un autre aspect à signaler : les produits d’exportation des 8 000 agriculteurs locaux génèrent des revenus annuels de 75 millions de dollars US.Mais cette avance technologique se trouve sous la menace des risques environnementaux associés à la mine Pascua-Lama, car la qualité et la quantité de l’eau peuvent être sérieusement mises en danger.Il faut considérer aussi les impacts associés aux activités sismiques, les alluvions qui pourraient affecter les montagnes de déchets et les bassins de décantation qui risquent de contaminer les sources d’eau et les terrains agricoles.Les émissions de poussière provoquées par les explosions de la mine auront un effet négatif, accéléreront la fonte des neiges éternelles et des glaciers qui, pendant des millénaires, ont maintenu l’équilibre écologique des vallées transversales.De plus, les dommages occasionnés par la mine El Indio, de la corporation Barrick Gold, n’ont jamais été évalués.Il était primordial d’avoir pris en compte ces antécédents avant d’autoriserle projet Pascua-Lama, caril ne présente aucun avantage pour le Chili et ses habitants.


Les activités minières de Pascua-Lama affecteront également la population du bassin hydrographique du Huasco.Les répercussions se feront aussi sentirdansla région du Veladero en Argentine où se réalisera le processus de concentration du minerai.La rivière Las Taguas devra fournir 370 l/sec d’eau pour l’agriculture si indispensable dans une zone aride.Pire encore, pour assurer l’énergie électrique de ce projet minier, le Chili a prévu ériger des lignes de haute tension de 2000 km de long, à cause du projet de construction de barrages dans une autre zone qui risque des dommages permanents, comme dans la région d’Aysen.


Il est nécessaire, qu’outre les aspects techniques et économiques, les impacts environnementaux de la construction de ce barrage et des lignes de transmission soient soigneusement évalués.


La communauté agricole indigène Diaguita Huasco-Altina a subi de graves préjudices à cause de l’occupation de leurs terres. La propriété de ces terres a été maintes fois reconnue par de l’État. Les demandes légales devant les tribunaux locaux pour repousser l’appropriation de terres par le projet Pascua-Lama n’ont pas donné de résultats, parce que ceux-ci n’ont pas pris en considération le droit international comme la Convention 169 de la OIT. Cette Convention établit clairement le devoir de l’État de sauvegarder l’intégrité des territoires indigènes et exige que toute négociation avec la communauté doit être libre,préalablementinformé. La demande de la communauté Huasco Altina implique l’exigence que l’État doit défendre leur mode de vie et leurs traditions culturelles. Cette cause se trouvemaintenantdevant la Cour interaméricaine à l’OEA.


D’autre part, il y a aussi un procès en cours sur le transfert irrégulier à Barrick Gold, des droits de concession minière obtenus par Rodolfo Villar G.


Ces faits démontrent la difficultédespopulations locales de disposer d’un accès opportun et efficace à la justice. Au Chili, les tribunaux n’offrent que peu de garanties pour sauvegarder les droits des individus et/ou communautés moins nantis.Ces communautés doivent confronter de puissantes corporations qui possèdent des ressources financières leur permettant d’engager des avocats, des professionnels et mêmefaire pressionsur lesautorités locales.


Notre lutte contre les irrégularités associées au comportement de Barrick Gold a été renforcée par le contact établi avec d’autres groupes à travers le monde.Au mois de mai 2008, une délégation de représentants de communautés indigènes provenant de l’Australie, du Chili et de la Papouasie Nouvelle Guinée ont rendu publique leurs dénonciations des irrégularités dans les concessions minières de Barrick.À ceux-ci se sont associés des représentants d’une vaste Coalition canadienne qui lutte contre les impacts sociaux et environnementaux provoqués par les compagnies canadiennes en Amérique latine.C’est ainsi que la prise de conscience et la solidarité sont en train de renforcer nos revendications.Il est nécessaire d’insister que la mondialisation du pouvoir corporatif a permis l’usurpation du pouvoir de décision des communautés locales.Ces compagnies ont créé une institution au service de leurs intérêts mesquins.Le débat et l’action politique dans la communauté ont été remplacés par un système de gouvernement soumis au pouvoir corporatif.


Son Excellence, suite à cet exposé, nous vous sollicitons respectueusement pour que vous preniez connaissance du grave problème associé à ce projet et des options possibles pour notre développement : la vente à tout prix des ressources non renouvelables ou l’appui des plans locaux pour un développement équilibré et durable?La première option favorise les multinationales et la deuxième, les communautés locales.


Nous vous remercions de l’accueil réservé à cette lettre et nous espérons que votre gouvernement cherchera des solutions équitables pour les problèmes de société en vue de la construction d’un meilleur avenir pour notre peuple et pour le pays.


Gerardo Aiquel

Coordinateur

Groupe de travail –”Non à Pascua Lama - Montréal”


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