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Après Bruxelles, l’angoisse

Publié le 28 mars 2016 par Sylvainrakotoarison

" La solidarité n'existe pas : n'existe qu'une coalition d'égoïsmes. Chacun reste avec les autres pour se sauver soi-même. " (Francesco Alberoni).
Après Bruxelles, l’angoisse
Les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016 qui ont tué au moins 35 personnes (bilan du 28 mars 2016) et qui en ont blessé plusieurs centaines rappellent avec horreur que les alertes ne sont jamais à prendre à la légère. Les opérations antiterroristes du 24 mars 2016 à Argenteuil montrent qu'il existe à l'évidence en France et en Belgique des foyers particulièrement vivaces du terrorisme djihadiste et qu'il y en a sans doute d'autres encore à démanteler.
Semaine sainte de la cruauté. Les terroristes avaient-ils d'ailleurs choisi précisément ce moment du calendrier liturgique des chrétiens pour frapper ou n'est-ce qu'un hasard éventuellement précipité par l'arrestation de l'un des auteurs des attentats de Paris du 13 novembre 2015 ?
Certains commencent à parler d'une certaine "accoutumance" à l'horreur, après les attentats contre "Charlie-Hebdo" des 7 au 9 janvier 2015, les attentats de Paris du 13 novembre 2015 et les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016. Pour ma part, aucune accoutumance à l'effroi, à la sauvagerie. Surtout de la solidarité et de la compassion pour les familles meurtries. Tous les chefs d'État et de gouvernement qui avaient défilé (avec courage) à Paris le dimanche 11 janvier 2015 avaient bien compris qu'il ne s'agissait pas de la France qui était touchée mais de toute l'humanité.
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D'autres rappellent aussi avec raison que la France et la Belgique ne sont pas les seuls pays touchés par ces attentats sanguinaires. Il est quasi-impossible aujourd'hui d'établir une liste exhaustive des attentats et du nombre de leurs victimes provenant de cet islamisme extrémiste. La Tunisie, le Mali, l'Égypte, le Nigeria, l'Irak, l'Afghanistan, l'Iran, l'Arabie Saoudite, le Koweït, le Liban, le Bangladesh, le Yémen, le Pakistan, la Syrie, la Turquie (où le conflit entre Turcs et Kurdes vient renforcer la confusion), même la Côte d'Ivoire, le Burkina-Faso, le Canada, l'Australie... nombreux sont, ces derniers mois, ces dernières années, les peuples touchés dans leur chair par cet obscurantisme venu d'autres millénaires. Les États-Unis, la Chine, la Russie, l'Indonésie, la Grande-Bretagne, l'Espagne, entre autres, ont eux aussi, été touchés depuis une quinzaine d'années par cette folie meurtrière. Selon l'Université du Maryland qui tient une macabre base de donnée sur le terrorisme international, plus de 12 500 personnes ont été tuées ( et plus de 13 000 blessées) au cours de 1 681 attentats commis par Daech dans le monde entre avril 2013 et novembre 2015.
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On a cependant le droit d'être plus ému lorsque cela touche des sites plus proches de son lieu de vie. C'est vrai que c'est une fausse idée de croire que ce qui arrive loin ne peut pas arriver chez soi, que ce soit en guerre, en terrorisme ou même en catastrophe naturelle. Mais la proximité renforce l'identification aux victimes et probablement la compassion.
De nombreux attentats ont été déjoués en France depuis plus d'un an, mais combien encore s'en préparent-ils ? Il semble presque certain que d'autres attentats se préparent, tant le cancer est généralisé.
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Deux éléments (au moins) différencient ces vagues d'attentats à celles, islamistes, des années 1990 ou d'extrême gauche des années 1970 et 1980.
D'une part, il n'y a pas des dizaines de candidats à l'acte terrorisme (auquel cas les repérer et les arrêter permet l'extinction progressive du feu), mais des centaines voire des milliers ! C'est donc particulièrement difficile de tous les repérer, de tous les arrêter, de tous les neutraliser d'une manière ou d'une autre. C'est d'autant plus difficile que le recrutement des agents de Daech est assez performant notamment sur le web.
Nous sommes bien aujourd'hui dans un véritable choix de société entre sécurité et liberté, en sachant que l'un ne peut se conjuguer sans l'autre. Il faudrait une surveillance massive pour empêcher d'autres attentats ; une surveillance massive de la vie privée de chacun, mais est-ce que nous resterons alors dans la société que veulent justement combattre ces djihadistes ? Auront-ils fini par gagner ? Quand on voit que des journalistes, des humoristes, des caricaturistes... doivent maintenant être sous protection policière car leurs propos, leur expression, mettent en danger leur propre vie, peut-on encore se dire en pays de liberté ? en démocratie ? Certes, ce n'est pas le pouvoir, ce n'est pas l'État qui, dans ce cas, est le tyran. Mais des organisations étrangères, des réseaux parallèles capables de se venger, de tuer pour empêcher la libre expression des idées et de la culture. Salman Rushdie n'a été qu'un des précurseurs de ce genre de "victime".
D'autre part, les terroristes sont prêts à se faire éclater le corps durant leur opération terroriste. À partir du moment où ils méprisent leur propre vie, il n'y a plus grand chose à négocier. Ces terroristes, qui ont été conditionnés comme dans de véritables sectes avec lavage de cerveau, peut-être même drogués, mènent une sorte d'entreprise nihiliste, suicidaire, satanique, et entraînent les autres dans leurs délires, dans leurs dérives, dans leur culture de la mort. Jamais la négation de la vie humaine n'a été aussi fortement exprimée depuis la fin de la guerre froide.
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Certains seraient même capables de convaincre la population que le rétablissement de la peine de mort serait indispensable, en sachant que de toute façon, ces terroristes s'exécuteraient eux-mêmes mais qu'il vaudrait mieux ils soient exécutés tout seuls sans présence de voyageurs, de journalistes, de touristes, de spectateurs, de supporters, de... Si ce sujet devait revenir sur le devant de la scène médiatique, les terroristes auraient alors vraiment gagné leur pari de détruire les démocraties.
L'angoisse s'insinue au fil des jours, au fil des attentats, au fil des démantèlements de cellules terroristes. Chaque jour participe à cette peur qui renforce la victoire des terroristes : celle de terroriser les peuples. Les Français, les Belges, les Européens en général devront-ils s'habituer à ces attentats, comme certains pays s'habituent aux tornades et aux tremblements de terre ? devront-ils s'équiper et se former à la guérilla urbaine comme le peuple israélien ?
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Il y a cette certitude que de nouveaux attentats auront encore lieu, que nous ne sommes pas au bout de nos peines, pour des raisons toujours aussi incompréhensibles. Pour de la haine pure. Avec ce cauchemar diffus néanmoins réaliste d'une prise de contrôle d'une centrale nucléaire par un commando jdihadiste (cette hypothèse est considérée comme réaliste d'ici cinq ans).
Dans sa chronique du 25 mars 2016, le journaliste Daniel Schneidermann mettait aussi le doigt sur l'une des raisons de cette angoisse qui ne peut que se nourrir au fil des jours. Il parlait des chauds et froids sans arrêt émis dans les médias : " En période d'emballement terroriste, nous [sommes ciblés] (...) aussi par des injonctions... tout simplement incohérentes. C'est de messages inquiétants/rassurants que nous sommes sans cesse bombardés. ".
Et l'éditorialiste de les énumérer : " Des ministres ont démissionné, mais leur démission a été refusée. L'État nous protège, mais il est totalement inefficace. Préparez-vous au pire, mais surtout, pas de panique. Une opération de police est en cours ce matin, un gros poisson a été arrêté, mais ils sont plusieurs centaines d'autres, prêts à passer à l'acte. Nous sommes débordés, submergés, mais nous vaincrons à la fin. "...
Le contexte actuel impose un devoir à nos gouvernants : celui de l'efficacité des moyens. Cette efficacité, c'est de trouver les mesures les plus utiles pour combattre cette vague terroriste. La proposition de Nathalie Kosciusko-Morizet qu'avaient suggérée déjà d'autres parlementaires (comme Chantal Jouanno) d'instituer une réclusion à perpétuité incompressible pour les personnes coupables d'acte terroriste pourrait en faire partie, pour éviter toute récidive, toute capacité à nuire.
Mais l'efficacité commande aussi d'en finir avec débats stériles et inutiles qui font perdre du temps et de l'énergie, en particulier, de renoncer à la révision constitutionnelle sur la déchéance de nationalité qui n'apporterait rien dans la lutte contre le terrorisme.
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Les connexions franco-belges montrent aussi qu'il est nécessaire de renforcer la coopération européenne dans la lutte contre le terrorisme. Cela nécessite des mises en commun de fichiers, notamment des compagnies aériennes. Cela nécessite aussi de véritables communications entre les différentes polices, chose peu aisée puisque les polices nationales ont parfois du mal à communiquer déjà correctement en interne. Mais c'est bien sur la base du renseignement que les États pourraient prévenir les attentats, car sauf à limiter voire supprimer la liberté de circulation, rien ne pourra jamais empêcher un kamikaze bourré d'explosifs de massacrer les innocentes personnes qui auraient eu la malchance de se trouver près de lui au moment de l'explosion.
On dit souvent que le cancer est une maladie mortelle. Mais il peut aussi être soigné. Une fois que sont détectées les cellules contaminées, il est assez facile de les éliminer. La radiothérapie, dans ce cas-là, est une méthode très efficace et les récentes opérations à Argenteuil l'ont prouvé. Le problème, c'est la détection, et c'est clair qu'il y a là un véritable choix de société à vouloir la détection à tout prix, au-delà d'autres considérations humaines pourtant tout aussi cruciales. Il me semble que c'est ce débat-là, majeur, qui doit s'amorcer pour la campagne présidentielle de 2017.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (26 mars 2016)
http://www.rakotoarison.eu
(Illustrations trouvées sur le Web concernant les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016).
Pour aller plus loin :
Les valeurs républicaines.
Les attentats contre "Charlie-Hebdo".
Les attentats de Paris du 13 novembre 2015.
Les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016.
Daech.
La vie humaine.
La laïcité.
Le patriotisme.
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