"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mai 2013), que la société Morgan et Cie (la société Morgan) a promis de vendre à Mme X... épouse Y...(Mme Y...) un appartement, sous la condition suspensive, à la charge du promettant, de l'autorisation de sa subdivision ; qu'à la suite du refus de cette subdivision par l'assemblée générale des copropriétaires, Mme Y... a assigné la société Morgan en indemnisation du coût des travaux qu'elle avait effectués et de son préjudice moral et matériel ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que la promesse unilatérale de vente consentie par la société Morgan ne mentionnait pas le nom du mandataire chargé de procéder à son enregistrement aux frais du bénéficiaire, relevé que cette formalité n'incombait pas au seul promettant, mais à la partie la plus diligente et retenu qu'aucune faute n'était imputable plus à l'une qu'à l'autre des parties à la convention, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que la société Morgan avait manqué à une obligation d'information en qualité de rédacteur de l'acte et qui n'était pas tenue répondre à un moyen que ses constatations rendaient inopérant, ni à une assertion dépourvue d'offre de preuve, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1371 du code civil ;
Attendu que pour rejeter l'action de in rem verso de Mme Y..., l'arrêt retient que celle-ci ne peut être exercée lorsque l'enrichissement et l'appauvrissement corrélatif trouvent leur justification dans un contrat même si, comme en l'espèce, il a été déclaré nul ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'annulation de la promesse unilatérale de vente fait disparaître tout lien de droit entre le vendeur et l'acquéreur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le
deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme Y... de ses demandes à caractère indemnitaire et la condamne à rembourser les sommes qu'elle a perçues en exécution du jugement, l'arrêt rendu le 30 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Morgan et Cie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Morgan et cie à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Gadiou et Chevallier ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme X... épouse Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit la promesse unilatérale nulle et de nul effet et d'avoir débouté Madame Delphine Y... de ses demandes à caractère indemnitaire ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article 1840 A du Code général des impôts, devenu article 1589-2 du Code civil, est " nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un immeuble si elle n'est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de 10 jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire " ; que cette disposition est d'ordre public et que le bénéficiaire doit rapporter la preuve de sa mise en oeuvre, par l'une ou l'autre des parties, dans le délai requis ; que la promesse de vente indique au paragraphe " enregistrement " que " l'enregistrement des présentes, requis au droit fixe, sera effectué par le mandataire aux frais du bénéficiaire, 10 jours au plus tard après la signature des présentes ", qu'il ne peut être inféré de cette clause, alors que le paragraphe de la promesse de vente réservé à l'indication du nom du " mandataire " n'en mentionne pas et est barré, que cette formalité incombait au seul promettant ; que dans le silence de l'acte, il doit être considéré que cette formalité incombait à la partie la plus diligente de sorte qu'aucune faute, de ce chef, n'est imputable plus à l'une ou à l'autre des parties à la convention ;
ALORS QUE D'UNE PART il appartient au rédacteur professionnel d'une promesse unilatérale de vente d'informer toutes les parties à l'acte de la nécessité d'accomplir la formalité de l'enregistrement pour assurer l'efficacité de l'acte qu'il a rédigé ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir que la formalité de l'enregistrement, en l'absence de mandataire désigné à l'acte, incombait " à la partie la plus diligente " sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions, p. 16), si la société MORGAN, en sa double qualité de rédacteur de la promesse unilatérale de vente et de professionnelle de l'immobilier n'était pas tenue d'informer Madame Y... de la nécessité de procéder à l'enregistrement de l'acte sous peine de nullité de la promesse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS QUE D'AUTRE PART dans ses conclusions d'appel (signifiées le 10 avril 2013 p. 12) Madame Y... faisait expressément valoir que la formalité de l'enregistrement ne pouvait être réalisée qu'au moyen de l'original de la promesse, seul détenu par la société MORGAN ou son mandataire ; qu'en se bornant à énoncer qu'il incombait à la partie la plus diligente de procéder à l'enregistrement sans répondre à ce chef péremptoire de conclusions, fondé sur l'impossibilité pour Madame Y... de procéder audit enregistrement de la promesse faute d'être en possession de l'original, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame Delphine Y... de ses demandes à caractère indemnitaire ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des débats que Madame X..., dès avant la signature de l'acte authentique de vente, et avant même la levée de la condition suspensive à la charge du promettant, d'obtention de l'autorisation de subdivision du lot objet de la vente, a obtenu la remise des clés et entamé des travaux importants inhérents, en particulier, à la subdivision du lot dont l'autre partie avait été vendue à un tiers ; qu'il résulte des pièces aux débats que la réalisation des ces travaux s'est faite avec l'accord du promettant et que la remise des clés a eu lieu spontanément de la part de la société Morgan qui a, pour permettre leur réalisation, demandé l'installation d'un compteur GDF avant le 11 juin 2008 ; que toutefois Madame X... est mal fondée à solliciter, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, la réparation du préjudice qui lui a causé la réalisation des travaux en pure perte dès lors qu'elle a elle-même commis une faute en procédant de façon prématurée et, sans attendre d'en être propriétaire à des travaux sur le bien d'autrui, quand bien même ces travaux avaient été autorisés, de sorte que sur ce fondement elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
ALORS QUE la faute de la victime n'exonère totalement l'auteur d'un dommage des conséquences de sa propre faute que si elle présente les caractères d'un événement de force majeure ou qu'elle est la cause exclusive du dommage ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu une faute de la Société Morgan en constatant que " la réalisation de ces travaux s'est faite avec l'accord du promettant et que la remise des clés a eu lieu spontanément de la part de la société Morgan " ; qu'en écartant toute indemnisation de Madame Y..., motif pris que celle-ci avait elle-même commis une faute en procédant de façon prématurée et, sans attendre d'être propriétaire, à des travaux sur le bien d'autrui, quand bien même ces travaux avaient été autorisés, sans relever que cette faute aurait été la cause exclusive du dommage subi par elle, ou aurait présenté les caractères de la force majeure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame Delphine Y... de ses demandes à caractère indemnitaire et de son action de in rem verso ;
AUX MOTIFS QUE Madame X... sollicite encore et à titre subsidiaire la réparation de son préjudice sur le fondement de l'enrichissement sans cause dans la mesure où la société MORGAN a profité gracieusement de travaux qui lui ont permis de valoriser l'appartement pour le vendre à des conditions optimales à un tiers ; mais que l'action in rem verso ne devant être admise que dans le cas où le patrimoine d'une personne se trouvant sans cause légitime enrichi au détriment de celui d'une autre personne, celle-ci ne jouirait, pour obtenir ce qui est dû, d'aucune action de sorte qu'elle ne peut être exercée lorsque l'enrichissement et l'appauvrissement corrélatif trouvent leur justification dans un contrat, même si comme en l'espèce, ce dernier a été déclaré nul ; qu'il s'ensuit que Madame Delphine X... Y... qui a été déboutée de sa demande tendant au remboursement du coût de travaux accomplis dans l'appartement objet de la promesse unilatérale de vente déclarée nulle, même s'ils ont corrélativement enrichi la société MORGAN qui a tiré un profit en vendant au propriétaire de l'autre moitié du lot, dont la division n'avait pas été autorisée, la partie du lot rénovée sans frais, Madame X... ne peut qu'être déboutée de sa demande en remboursement des frais ainsi exposés en pure perte ;
ALORS QU'déboutant Madame Y... de son action in rem verso motif pris de ce que le contrat annulé constituait une cause, la cour d'appel a violé l'article 1371 du Code civil."