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Danser sur un volcan, de Nicolas Baverez

Publié le 30 mars 2016 par Francisrichard @francisrichard
Danser sur un volcan, de Nicolas Baverez

"Danser sur un volcan" est une expression employée par Narcisse-Achille de Salvandy à l'adresse du Duc d'Orléans, lors d'une fête donnée au Palais-Royal, en l'honneur du roi et de la reine de Naples, en juin 1830, c'est-à-dire peu de temps avant les Trois Glorieuses...

Sous ce titre, Danser sur un volcan, le dernier livre de Nicolas Baverez est une mise en garde contre la situation périlleuse dans laquelle se trouvent les pays du monde et, entre autres, la France, sans que toujours ils s'en aperçoivent.

L'Histoire

Baverez a raison de dire qu'il faut penser l'impensable et que l'Histoire est imprévisible - c'est ce qui fait son charme... L'étude du passé, même récent, le confirme. Et il n'y a pas de fin de l'Histoire comme d'aucuns l'ont pensé après la chute pacifique du soviétisme en 1989...

L'Histoire est faite de ruptures. Comme le montre Baverez, exemples à l'appui, elle n'est pas linéaire. Elle pourrait bien être cependant cette spirale, évoquée par Chantal Delsol (dans Les pierres d'angle), "qui tourne sur elle-même tout en s'élevant", image qui, me semble-t-il - rend bien compte de son mouvement sur la longue durée.

La mondialisation

Quoi qu'il en soit, "la rupture historique majeure", propre au XXIe siècle, c'est bien, comme le dit Baverez, la mondialisation, qui met un terme à la domination sans partage de l'Occident sur le monde depuis les Grandes Découvertes; et, si l'humaniste peut s'en réjouir - se réjouir, par exemple du décollage de l'Afrique -, l'occidental peut s'inquiéter pour la mise en cause de ses sinécures.

Les pays qui se sont adaptés - l'adaptation est le mot-clé de notre époque -, ou qui s'adaptent à cette nouvelle donne de la mondialisation, sont ceux qui tirent leur épingle de ce jeu planétaire.

L'exception française

La France fait malheureusement partie de ceux qui ne s'adaptent pas et qui, même, s'enfoncent de plus en plus:

"La sphère publique, qui a démesurément enflé, entrave l'économie par ses réglementations et ses prélèvements. Elle enferme la société dans la défiance. Elle impose à la nation un étatisme, un malthusianisme et un protectionisme mortifères."

Il y a pourtant des solutions, mais encore faut-il cesser de parler de réformes et les mettre en oeuvre. Ce qui n'est pas demain la veille, même si le temps est maintenant compté. Baverez place ses espoirs dans la prochaine élection présidentielle, qui serait en quelque sorte une dernière chance donnée à la France...

Le moteur et le frein

Le moteur de la mondialisation, c'est le capitalisme, Baverez le dit. Ce qu'il ne dit pas assez, c'est que le frein à la mondialisation, ce sont les Etats et leurs épigones, telles que les banques centrales, dont les interventions provoquent des chocs en retour, des bulles spéculatives et des effets pervers dont le mondialisme est le nom.

Baverez a raison quand il voit de nouveaux risques dans le réveil des nations et des religions (qui ne sont pas en elles-mêmes illégitimes). Ces risques apparaissent notamment à la faveur de la fermeture de certaines économies et sociétés, et, j'ajoute, du refus justement de prendre en compte le fait religieux et le sentiment légitime d'appartenance. 

Quand, en 2008, les Etats sauvent les banques en les restructurant et en les recapitalisant, quand ils relancent l'activité par des taux d'intérêt bas, par l'émission massive de liquidités et par des dépenses publiques, que font-ils sinon corriger des calamités qu'ils ont provoquées en en créant d'autres. Mais Baverez applaudit... 

Les calamités d'origine publique

Le principe des calamités énoncé par Michel de Poncins - "Une calamité d'origine publique conduit toujours à une autre calamité pour soi-disant corriger la première" - se confirme une fois de plus et Baverez l'ignore superbement quand il écrit que la légitimité des Etats est incontestable dans les domaines suivants:

- la régulation des marchés et la coopération entre les grandes banques centrales;

- l'élaboration concertée de standards de sécurité et de normes éthiques pour l'économie numérique;

- la protection de la vie privée et des droits individuels;

- l'élaboration progressive d'un droit international des nouvelles technologies;

- la production d'un ordre mondial qui permette d'endiguer la contamination du chaos et de la violence.

Si l'on excepte le troisième point - la protection de la vie privée et des droits individuels -, les autres n'ont pas de légitimité incontestable. Bien au contraire, car tous ces autres points relèvent d'un constructivisme, qui n'a rien de légitime, ni de naturel, encore moins de spontané.

Le rôle de l'Etat

Quand les Etats s'occupent d'autres choses que des domaines où ils peuvent avoir quelque légitimité, les risques de conflits intérieurs et extérieurs augmentent. Leurs domaines légitimes éventuels ressortissent tous à la défense des droits naturels que sont la sûreté, la propriété et la liberté. Ces domaines sont les suivants:

-  la police;

-  la justice;

-  la défense.

Le retour de la guerre

Ce n'est pas une surprise si la guerre est menée par des Etats où cette défense des droits naturels n'est pas assurée, ce qui se traduit par des effets de ruine, inévitables. Car l'impuissance, qui en résulte, conduit alors à la volonté de puissance et à la prédation, qui sont leurs ressorts guerriers.

La nouveauté, soulignée par Baverez, est toutefois que les Etats n'ont plus le monopole de la guerre: elle "se privatise sous la pression des communautés, des sectes, des groupes terroristes et des organisations criminelles qui prennent le contrôle de vastes espaces". Mais ces entités disséminées obéissent aux mêmes motivations guerrières que les Etats.

Quand Baverez dit que "l'heure n'est plus à la dissuasion mais à l'emploi des armes", il a raison et il a tort. Il a raison parce qu'un Etat digne de ce nom doit répondre aux agressions dont son peuple est l'objet, mais il a tort dans le sens qu'un agresseur ne s'attaque qu'à des cibles dont il doute des capacités de réaction et, s'il n'en doute pas, il faut qu'au moins ces cibles le lui fassent payer au prix fort.

L'humanité

Pour Baverez, suivant en cela Elie Halévy, qui, à son époque, voulait contrebalancer le fanatisme de nationalité, le meilleur antidote aux crises, aux révolutions et aux guerres du XXIe siècle, serait le fanatisme de l'humanité. Soit. Mais il faudrait alors que l'humanité présente un autre visage que celui qu'elle offre aujourd'hui.

Il faudrait que l'humanité renoue avec le Droit naturel, cet ensemble de règles élaborées par la raison, avec le temps, qui permettent aux hommes de vivre en paix. Et pour cela il n'est point besoin d'ordre mondial. Il suffit que des communautés d'hommes, par la vertu de l'exemple, fassent voir aux autres les fruits qu'elles en recueillent.

Francis Richard

Danser sur un volcan, Nicolas Baverez, 254 pages, Albin Michel

Livres précédents:

Réveillez-vous! Fayard (2012)

Lettres béninoises Albin Michel (2014)


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