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Loi travail : « Je n’ai pas voté Hollande pour avoir ça »

Publié le 02 avril 2016 par Blanchemanche
#Loitravail
LE MONDE | 01.04.2016

Par Bertrand Bissuel



Le 31 mars, lors des manifestations contre le projet de loi sur la réforme du code du travail, à Paris. | ALAIN JOCARD / AFP

Ils sont salariés dans le privé, fonctionnaires ou retraités. Jeudi 31 mars, ils ont défilé à Paris, entre la place d’Italie et Nation, pour réclamer le retrait du projet de loi « travail », un texte qui, à leurs yeux, favorise l’arbitraire patronal et amplifie la précarité dans le monde de l’entreprise. Bon nombre d’entre eux se disent prêts à participer à de nouvelles journées d’actions.

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  • « Le texte remet en cause la position du salarié »
« Le texte m’a fait très très peur, surtout dans sa première version, car il remet en cause la position du salarié et l’avenir du salariat en France, confie Edmond, 30 ans, en CDI depuis un peu moins d’un an chez Suez. J’ai déjà bossé en intérim et en contrat à durée déterminée. Je sais à quel point on peut être pressés par les patrons. » Un article du projet de loi le préoccupe tout particulièrement : les accords en faveur de l’emploi, qui permettront aux chefs d’entreprise de moduler le temps de travail, afin de développer leur chiffre d’affaires et de conquérir de nouveaux marchés.Lire aussi :   Dans le détail, ce que contient la nouvelle version du projet de « loi travail »Edmond redoute que ce dispositif s’accompagne d’une amputation du salaire. Le gouvernement a promis que la rémunération mensuelle ne baissera pas ? « Si on doit faire plus d’heures avec une paye inchangée, observe-t-il, je ne vois pas comment on peut prétendre que ça ne change pas. » Sous-entendu, le salaire horaire diminuera, dans un tel cas de figure.
  • « Précariser une jeunesse, qui n’a déjà pas beaucoup d’avenir »
« On est en train de précariser une jeunesse, qui n’a déjà pas beaucoup d’avenir et qui en aura encore beaucoup moins avec cette loi, s’indigne Thierry, à la retraite depuis sept ans aprèsavoir enseigné dans le primaire et milité à la FSU. On donne tout au patronat, tout au Medef. » Un exemple ? « L’inversion des normes », selon lui, c’est-à-dire le fait que les règles du jeu pourront, dans certains domaines (comme le temps de travail), être fixées par accord d’entreprise.Lire aussi :   Loi travail : dans le cortège parisien, lycéens et jeunes salariés unis contre la précarisation« Je n’ai pas voté Hollande pour avoir ça, enchaîne-t-il. Je lui avais donné mon suffrage au deuxième tour après avoir voté Mélenchon au premier. Mais tout ce qui est fait actuellement, la droite n’aurait pas osé faire. » Pour lui, le texte s’inscrit dans le prolongement d’autres mesures, déjà préjudiciables à l’intérêt des salariés. Ainsi en va-t-il de la loi d’août 2015 sur la modernisation du dialogue social, qui, d’après lui, « diminue le rôle du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ».Lire aussi :   Le chômage des jeunes européens en quatre infographies animées
  • « Qu’est-ce qui a été respecté, à part le mariage homosexuel ? »
« Ce texte de loi, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, lâche Sébastien, 37 ans, enseignant dans l’Essonne, qui est venu à Paris pour manifester avec sa femme et leurs deux enfants. Quand on fait le bilan de la politique de ce gouvernement et qu’on le compare à ce qui avait été annoncé par François Hollande lors de la présidentielle en 2012, une question vient à l’esprit : “qu’est-ce qui a été respecté, à part le mariage homosexuel ?” » Il ne croit « pas du tout » dans l’action qui est menée, car elle penche trop en faveur des patrons. Parler de clivage droite-gauche « ne signifie plus grand-chose aujourd’hui », constate-t-il.
  • « On “shunte” les syndicats majoritaires »
« Ce projet de loi est inacceptable en tous points : les facilités accrues de licenciements, les heures sup’ dont la majoration de rémunération pourra être ramenée à 10 % », énumère Gilles, 47 ans, technicien dans l’usine Renault de Flins dans les Yvelines et syndicaliste à Force ouvrière. Ce qui l’inquiète le plus, c’est « le référendum » en entreprise, qui donnera la possibilité à un patron de faire passer un accord – à condition que celui-ci soit signé par des syndicats pesant au moins 30 % des voix et ratifié par au moins 50 % du personnel. « Avec une telle mesure, on “shunte” les syndicats majoritaires, déplore-t-il. Laisser la parole aux salariés, ça peut partir d’une bonne intention, mais en réalité, c’est très facile pour un employeur de mettre la pression sur son personnel. » En particulier, dans les petites sociétés.
  • « Il n’y aura plus le rempart de la loi pour protéger le travailleur »
Christine Bouvin est du même avis : « L’on sait très bien que, dans les entreprises, les rapports ne sont pas égaux entre salariés et employeurs, affirme cette retraitée, employée jadis dans uncentre d’aide par le travail pour personnes handicapées et ex-adhérente à la CGT. Le référendum se déroulera sous pression et l’on pourra remettre en cause le salaire, le temps de travail, les heures supplémentaires. » Au final, « il n’y aura plus le rempart de la loi pour protéger le travailleur », conclut-elle, en ajoutant : « C’est très grave de la part d’un gouvernement soi-disant socialiste. J’ai donné ma voix à Hollande en 2012 et je le regrette. Je ne voterai plus jamais socialiste de toute ma vie. C’est fini, terminé. Même avec un deuxième tour Hollande-Le Pen. Je ne voterai pas Le Pen, c’est évident. Je voterai nul. Je ne peux pas citer une seule loi qui a été faite en faveur des salariés depuis que ce gouvernement est au pouvoir. »
  • « Ça va être difficile de voter PS au premier tour, peut-être même au deuxième »
Enseignant dans le secondaire, Sébastien, 40 ans, se montre, également, très critique sur les consultations de salariés pour ratifier des accords d’entreprise : « Les rares fois où il y a eu des référendums de ce type, c’était avec le pistolet sur la tempe. Soit vous acceptez de travailler plus pour gagner moins, soit on licencie, tranche-t-il. Evidemment, dans ces conditions-là, on peut atteindre des majorités de 50 % et marcher sur les accords de branches ou sur les accords nationaux. Je trouve ça très dangereux. »Le défilé à Rennes.Précedent1/16SuivantLe défilé à Rennes.JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP› Accéder au portfolioEn quoi se sent-il concerné par une réforme qui ne parle quasiment pas des fonctionnaires ? « J’ai un petit peu d’expérience, répond-il. Pour les retraites, on avait commencé à taper sur les salariés du privé et on avait fini par s’attaquer au public. » De plus, complète-t-il, « il n’est pas interdit d’être solidaires à l’égard des plus jeunes qui sont en première ligne. » Lui aussi s’interroge dans la perspective de la présidentielle de 2017. Il y a cinq ans, il avait accordé son suffrage à Mélenchon au premier tour et à Hollande au second. « Ça va être très difficile de voter socialiste au premier tour, peut-être même au deuxième », dit-il.
  • « Le rapport de force est en train de s’établir »
Facteur à Aubergenville (Yvelines) et syndicaliste à la CGT, Frédéric Glise en est convaincu : « Le rapport de force est en train de s’établir. Le peuple est dans la rue et demande le retrait de cette loi parce qu’elle est néfaste à l’ensemble de la population. Les élus doivent nous entendre. » De nouvelles journées d’actions sont prévues en avril. « J’y serai », certifie-t-il.Par Bertrand Bissuel
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