Aujourd’hui, nous allons parler de « pluie et de beau temps » N’est-ce pas le sujet le plus consensuel et le plus rassurant dans un monde incertain : prévoir ce que l’on pourra porter le lendemain ou ce que l’on pourra faire le week-end ?
Depuis 2009, la météo nationale ne nous communique pas uniquement la « température sous abri », mesurée avec un thermomètre, mais également la température ressentie. Plus concrètement, il s’agit d’un indice (converti en degrés Celsius) qui tient compte de l’impression physiologique de chaud ou de froid ressentie par le corps humain, selon des valeurs combinées de température, d’humidité relative et de mouvement de l’air.
La température ressentie est généralement plus faible que la température annoncée et varie d’un individu à un autre (selon les vêtements que vous portez, votre niveau de fatigue…) : il fait 5°C dehors et, avec le vent, vous avez l’impression qu’il fait 2°C.
A quoi ça sert initialement ? Cette notion, élaborée avant la Seconde Guerre mondiale en Amérique du Nord dans les régions au climat rigoureux (Canada, Nord des Etats-Unis…), permet de prendre des mesures préventives contre les dommages causés par le froid (gelures, hypothermie …). Elle ne s’est imposée en France que durant l’hiver 2009, quand a été lancée la première carte de vigilance «grand froid».
Après cette introduction très gillot-pétrienne (pour les générations Y et Z, voir lien explicatif), rentrons dans le vif de notre sujet !
La notion de météo, de prise de température et de ressenti sont devenus pervasifs dans la vie quotidienne et dans l’entreprise.
Un client peut partager, tous les jours, son ressenti d’expérience de marque en ligne ou sur le lieu physique d’achat de façon synchrone (par exemple avec des bornes de satisfaction ressentie) ou asynchrone sur des forums, par email…
Dans les entreprises, les réunions intègrent de plus en plus cette phase de communication émotionnelle en introduction. En effet, les réunions commencent généralement par une phase d’ »inclusion » qui permet à chaque participant de « rentrer dans la réunion » en prenant la parole. Cette prise de parole peut être plus ou moins formelle ou ludique et plus ou moins liée au sujet de la réunion (autour d’un café, en demandant à chacun de se présenter ou de partager un point de vue ou son intérêt pour le sujet…).
Une des techniques d’inclusion les plus simples et de plus en plus utilisées, parce qu’elle offre à chacun un temps pour exprimer son ressenti, consiste à faire un tour de salle et à demander quelle est la météo du jour de chacun (soleil ? brouillard ? grand bleu ?…). L’animateur peut ainsi rapidement jauger de l’état d’esprit d’une équipe avant de démarrer.
Enfin, les baromètres ou enquêtes d’opinion internes fleurissent : le journal Le Monde titrait déjà en 2006 « Les entreprises accros aux baromètres sociaux « .
L’écoute interne en entreprise passe désormais aussi par la « prise de température » sur le climat, le climat social, la compréhension et l’application d’une nouvelle stratégie, la diversité, la qualité de vie au travail ou l’engagement des collaborateurs… Les collaborateurs sont invités à s’exprimer de façon directe, sincère et anonyme sur ces différents sujets dans une logique positive et constructive de progrès collectif au service de l’entreprise.
Le premier étonnement que je partage concerne les délais de traitement et de restitution de ces baromètres : quelle est la pertinence des résultats quand ils sont délivrés a minima six mois après observations ou enquêtes (et dans un format plus ou moins digérable) ?
Tout comme les entretiens annuels de performance sont actuellement remis en question (chez GE, IBM, Microsoft, Accenture, Adobe, Dell…) sur la forme, le fond et la périodicité pour être remplacés par des approches plus interactives, plus fréquentes, plus ciblées, dans une logique d’appréciation continue, les baromètres internes méritent d’être repensés en mode 2.0 : Congruence entre celui qui interagit, les intentions de l’entreprise (ses questionnements stratégiques ou opérationnels et les solutions que celle-ci est prête à apporter) ; Connexion courte (voire ludique) et simplifiée ; Conversation interactive, ouverte et productive ; Contagion de ces nouvelles formes d’interactions pour transformer l’entreprise.
C’est la démarche initiée chez BNP Paribas (source Widoobiz) avec la mise en place de la plateforme « Minute service » pour créer et acquérir de nouveaux réflexes de services. L’entreprise a bâti des scénarios spécifiques sur lesquels les collaborateurs de la banque vont pouvoir réagir. Chaque jour, ils répondent à une ou deux questions sur un point précis de leur activité : relation client, méthode de travail, management, etc. Et, si un point mérite d’être approfondi, la question revient quelques jours plus tard. Les premiers résultats prouvent l’intérêt de cette nouvelle approche « baromètre » : un taux de participation à peu près 10 fois supérieur à celui des modalités « classiques », un taux d’appropriation de plus de 75% des collaborateurs et un taux de satisfaction de plus de 95%.
Mon deuxième étonnement est lié à une question qui m’est de plus en plus souvent posée en ateliers « Est-ce que vous trouvez qu’on est innovants ? » (souvent dans des entreprises qui n’ont pas de baromètres ou qui n’incluent pas la question de l’innovation dans leurs baromètres). Les participants ont tendance, là aussi, à baisser le niveau de température parce qu’ils se comparent à ce qu’ils lisent dans la presse ou entendent ailleurs (là où l’herbe est toujours plus verte !).
Je réponds en général par la question « Quel est ton (niveau d’) innovation ressentie ? » L’innovation ressentie est un indice critique pour jauger d’une culture innovation ou non.
Ma réponse sous forme de question vise à purger les représentations associées à l’innovation et à clarifier certains aspects liés à l’innovation tels que : l’innovation est contextuelle ; une stratégie d’innovation comporte toujours deux types de projets, des projets d’exploitation et des projets d’exploration avec des poids différents selon les organisations et surtout je pose la question de « qui juge l’innovation ou de la nouvelle ajoutée apportée, au final ? »
Plus largement, si l’innovation est importante pour votre entreprise et elle devrait l’être au risque de voir votre modèle économique transformé par un autre acteur, réinjectez des « petites » et « grandes » conversations physiques et digitales sur l’innovation. C’est aussi l’un des objectifs de BNP Paribas « une minute pour innover chaque jour ». Ce qu’ils en font vraiment reste certainement à suivre.
Il existe d’autres formes possibles d’introduire de façon simple l’innovation dans les conversations (il faut néanmoins l’avoir définie en amont) et j’en reviens au cas revisité des entretiens annuels de performance. Chez IBM par exemple, les objectifs peuvent être réajustés lors d’échanges trimestriels, à la fin de l’année la rétrospective se fait autour de cinq critères essentiels pour le collaborateur : son résultat d’activité, son impact vis-à-vis de la satisfaction clients, sa capacité à innover, son engagement vis-à-vis des autres (le relationnel) et ses compétences.
Quelques variantes sémantiques possibles autour de la capacité à innover : « quelle innovation as-tu apporté ? », « Qu’ai je fait de différent avec une vraie valeur ajoutée ? »…
Pour que l’’innovation ne reste pas une incantation, sous forme de valeurs (qui correspond à ce que l’entreprise souhaiterait être), et passer au « vivre les valeurs » ou « faire l’innovation », les 4Cs proposés plus haut s’appliquent aussi :
Congruence : Quelle est votre définition de l’innovation (qu’est-ce l’amélioration ? à quoi ressemble la rupture ?) Jusqu’où voulez-vous allez ? (risque et impact) ? Pourquoi ? Quelle est votre intention ?
Connexion : Qui devez-vous/souhaitez-vous mobilisez en priorité ? Pourquoi ? Comment alimenterez-vous la communication, votre engagement et l’engagement des collaborateurs ciblés ?
Conversations : Quel temps alloué ? Quels espaces ? Quelles règles ? Quelles inspirations ? Quels résultats ?…
Contagion : Qu’est-ce qui donnerait envie ? Qu’est-ce qui surprendrait ? Qu’est-ce qui faciliterait l’appropriation ?…
Pour changer les réponses, changeons les questions !
NB : vous avez mis en place une idée simple pour encourager l’innovation au quotidien, partagez-la !
Le coin des curieux :
BNP adopte des nouvelles pratiques business (en français)
L’essor de l’appréciation continue (en anglais)
Retroospect ou évaluer le ressenti de sa semaine en 5 questions.
Les émojis, nouvelle langue universelle, Emoji Dick ou la version de Mobi Dick en émojis (dans la même veine, le livre fait de gifs)