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Albert Herring de Benjamin Britten par l´Opera Studio de l´Opéra d´Etat de Bavière

Publié le 08 avril 2016 par Luc-Henri Roger @munichandco
Albert Herring de Benjamin Britten par l´Opera Studio de l´Opéra d´Etat de Bavière
Pour la production annuelle de son opéra studio,  le Bayerische Staatsoper a invité le metteur en scène hongrois Róbert Alfödli qui fut jusqu´en 2013 le Directeur du Théâtre national hongrois. Si la musique et le chant enchantent et font honneur à la partition de Britten, la mise en scène d´Alföldi, les décors de Ildikó Tihanyi et les costumes Fruzsina Nagy rendent une vision fort lissée du livret d´Eric Crozier. La couleur grise du décor et son dépouillement correspondent sans doute bien au manque d´ âme  d´un village dont les habitants se corsètent dans une morale rigoriste, mais la construction sur scène d´une espèce de ruelle marchande, bordée de probables échoppes verrouillées par des stores de fer qui se termine par un escalier, réduit encore l´espace scénique  déjà restreint du Cuvilliés, -un théâtre de cour du 18ème siècle-, ce qui contraint les chanteurs à ne souvent chanter qu´en rang frontal. Les costumes blancs dont tous les personnages sont revêtus pour la remise de prix au rosier désigné uniformisent les chanteurs, au détriment de la personnalisation de leurs rôles. Seul élément plus coloré, des pommes rouges viennent constamment animer le décor: elles symbolisent la bonté d´Albert qui en distribue quelques-unes au public d´entrée de jeu; pendues à des fils qui descendent des cintres, elles figurent à elles seules les marchandises de l´épicerie: placées sur des tables elles font office de collation pour le banquet, et, enfin, elles dévalent l´escalier au troisième acte pour marquer la débâcle finale. Les effets comiques de la mise en scène sont plutôt réussis, ainsi que la création d´une Lady B hyper caricaturale, mais on sort de la représentation avec l´impression d´un lecture trop superficielle du livret tiré de la nouvelle de Maupassant, Le rosier de madame Husson. Le personnage d´Albert est traité comme celui d´un adolescent timoré et très docile, opprimé par une mère castratrice, ridiculisé en rosier, habillé en rosière avec une couronne de fleurs d´orangers et un voile de communiante, et qu´un peu d´alcool va libérer de l´emprise maternelle et d´un contrôle social des plus rigide. Bien sur, il s´agit d´on opéra comique, mais il y avait davantage de nuances et de profondeur psychologique à tirer du livret et du texte de Maupassant. qui sait "peindre des personnages entre médiocrité et démesure, ces existences minuscules dévorées par une ambition folle, un défaut ou une obsession qui vont peu à peu prendre des proportions inouïes et les conduire à leur perte." (extrait d´une interview de Marie-Anne Chazel qui interpréta le personnage de madame Husson dans la série télévisée Chez Maupassant, saison 2).  La mise en scène d´Alföldi tient la route sur le plan du comique de caricature et du comique d´effets, Sur ce plan, on passe une bonne soirée, sans plus.

Albert Herring de Benjamin Britten par l´Opera Studio de l´Opéra d´Etat de Bavière

Albert Herring: J. Kammler (Mr. Gedge),
 I. Tsarkov (Kommissar Budd), M. Keys (Lady Billows),
 J. O. Mills (Mr. Upfold), D. Uzun (Florence Pike),
 L. Subramaniam (Miss Wordsworth)

Mais la vraie réussite de la soirée se trouve dans la direction musicale d´Oksana Lyniv et dans l´interprétation des solistes. L´assistante de Kirill Petrenko maîtrise bien l´acoustique de la petite salle du Théâtre Cuvilliés avec les douze excellents musicien de l´orchestre de chambre, et s´attache à souligner le comique théâtral de la partition, une des plus légères que Benjamin Britten ait produite. L´osmose entre la fosse, les musiciens et les chanteurs, est parfaite. La plupart des rôles sont occupés par les jeunes talents de l´Opera Studio qui se produisent chaque année au Théâtre Cuvilliés dans un opéra dont ils occupent quasiment tous les roles, à l´exception notable des rôles de femmes dans la maturité, Lady B. et la mère d´Alfred. Le personnage de Lady B, est magnifiquement servi par la soprano australienne Miranda Keys, qui utilise sa stature imposante pour composer une riche dame patronnesse dominante qui entend régenter la vie des villageois qu´elle écrase dans sa poigne de fer, avec un jeu de scène inouï. Sa voix de soprano a les qualités dramatiques qui conviennent au rôle. Quant à la mère d´Alfred, elle est bien servie par Ann-Katrin Naidu, bien connue du public munichois pour faire partie de la troupe du Theater-am-Gärtnerplatz depuis une vingtaine d´années. Côté Opera Studio, Petr Nekoranec fait un tabac avec son interprétation enthousiaste et sensible d´Albert, son soprano léger doté d´un beau timbre avec une diction et une projection de voix excellentes, un jeune premierà la personnalité solaire dont on aimera à suivre la carrière. Deniz Uzun compose une Florence Pike à la démarche contrainte, rigide et coincée, totalement sous la coupe de sa patronne, avec un mezzo puissant plein de caractère capable de basses profondes, elle aussi promise à un bel avenir. Igor Tsarkov, une basse ukrainienne séduisante et chaleureuse qui vient d´entrer à l´Opera Studio, joue un commisaire Budd qui perd ses moyens et bredouille en présence de Lady B. Enfin , le couple  Nancy et Sid est interprété par une Marzia Marzo sensible et enjouée, avec un mezzo bien placé avec de la rondeur et des tons chauds et un John Carpenter au joli baryton léger, parfois un peu faible en puissance en comparaison des autres interprètes. Ensemble, ils nous ont offert un duo d´amoureux de toute beauté.
A écouter les jeunes chanteurs de l´Opéra Studio, on se rend bien compte que l´Opéra munichois continue sur sa lancée sidérale et se prépare de nombreuses années radieuses.
Crédit photographique: Wilfried Hösl
Prochaines représentations: les 9, 11, 14, 21, 23 et 25 avril, le 15 mai et le 3 juin 2016. Voir le site du Bayerische Staatsoper.


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