#criseagricolePubliéle 12/04/2016 par Luc BourrianneÀ Champlain, la maîtresse de moyenne section, Séverine Pieters, distribue à ses élèves la collation fournie par les parents qui le veulent.© PIERRE MEUNIEBasés dans l’agglomération rochelaise, Christelle et Sébastien Babin cessent leur production laitière au profit d’un élevage allaitant. Plongée au cœur d’un secteur en crise.
Christelle Babin est marquée, lassée, fatiguée. Décider de cesser la production laitière n'a pas été un choix facile mais elle le fait pour « essayer de vivre et ne plus se contenter de survivre ». Une survie que l'on ne pressentait pas aussi douloureuse étant donné la réputation flatteuse dont jouit la Ferme de Candé dans l'agglomération rochelaise.
Au fil du temps, la famille Babin a su fidéliser une clientèle qui appréciait les yaourts, fromages et autres jonchées que Christelle et ses salariés transformaient dans le labo aménagé dans la ferme, sur la commune de Saint-Xandre.Le 31 mars dernier, Christelle et son mari Sébastien ont pourtant bel et bien fermé définitivement leur laboratoire. « On a profité de la clôture de l'exercice comptable », précise le couple manifestement soulagé. Jusqu'à la fin 2016, le temps de vendre l'ensemble du cheptel laitier, la ferme va bien entendu continuer de produire du lait qu'elle distribuera via la laiterie Terra lacta.
À 30 centimes, plus la peine
La Ferme de Candé n'a jamais vécu grâce à sa production laitière mais bien via les produits transformés qu'elle proposait à la vente à la ferme, sur les marchés et même dans certaines grandes surfaces de l'agglo rochelaise.« Si nous n'avions pas transformé nos produits, nous aurions été dans le même cas de figure que les fermiers qui ne peuvent pas vivre avec les cours laitiers actuels. La plupart perdent de l'argent. À 30 centimes le litre, ce n'est pas la peine ! Nous, comme nous sommes autonomes pour les fourrages, nous ne perdons pas d'argent au niveau de la laiterie mais on n'en gagne pas beaucoup non plus… », soupire Sébastien, fils d'un agriculteur deux-sévrien et qui a abandonné son entreprise de terrassement pour rejoindre son épouse sur la Ferme de Candé.Le destin de la Ferme de Candé et l'épuisement de ses propriétaires sont symptomatiques d'un secteur en crise. Même le choix de la transformation laitière et la rencontre du succès commercial ne suffisent pas à pérenniser une entreprise sans une débauche d'énergie colossale.Pour mettre un terme à leurs cadences infernales, Christelle et Sébastien Babin n'ont pas d'autres choix que de tourner le dos à la production laitière. La Ferme de Candé ne s'arrête pas d'exister pour autant. Les époux Babin lui donnent juste une nouvelle orientation en se lançant dans l'élevage allaitant. La viande sera vendue en circuit court par colis de 10 kilos pour la viande de bœuf ou de 5 kilos pour le veau (1). La Ferme de Candé employait cinq salariés. Désormais, Christelle et Sébastien géreront seuls leur élevage.Le choix est d'autant plus douloureux pour Christelle Babin qu'outre l'extrême exigence du métier et les semaines à rallonge (« nous ne voyions pas grandir notre fils, nous en avions marre de regarder vivre les autres »), de récentes tensions avec son personnel a eu raison de son abnégation. « Cela m'attriste que l'on puisse penser qu'on lâche nos salariés alors qu'au contraire, j'ai le sentiment d'avoir été lâchée par certains », soupire la fermière, souhaitant rester discrète sur ce qu'elle qualifie de « trahison ».L'industrie laitière souffre, ses derniers défenseurs encore plus. Avec la Ferme de Candé, elle vient de perdre l'une de ses meilleures championnes.(1) Renseignements : 06 63 46 43 78 ou
[email protected] défend le lait naturelVéronique Richez-Lerouge, connue pour son ardente défense des fromages (1), vient de publier « La Vache qui pleure ». Dans cet ouvrage, la Rétaise d’adoption promeut le retour au lait naturel et en fait une question de santé publique. Elle porte un œil averti sur notre époque qui a fait du lait un produit controversé. Son livre s’évertue à comparer les laits en fonction de leur lieu de production et de transformation. Très documenté, il s’appuie sur des analyses faites en laboratoire qu’elle a elle-même financées.Sa démarche ne s’inscrit ni dans un militantisme aveugle pro-lait ni dans un dénigrement du produit. « Je me moque des deux camps. Les pro-lait vont aller jusqu’à défendre un produit industriel fait à partir de lait en poudre - ce qui évidemment peut être néfaste - quand les anti-lait détruisent le fruit de nos terroirs. Ces militants anti-lait plaident même pour une aberration écologique, celle consistant à compenser la consommation de lait par le recours à des compléments alimentaires. La très prisée vitamine D ne pousse pas dans les champs que je sache ! »Au fur et à mesure que son enquête avance, Véronique Richez-Lerouge met en exergue le lait cru dont elle loue les vertus. « C’est le must mais évidemment cela pose un problème de conservation puisqu’il ne se garde que trois jours… » L’auteure dédicacera son livre publié aux éditions du Nouveau monde à la librairie Calligrammes de La Rochelle vendredi 22 avril, à 19 heures.(1) Elle préside l’association nationale Fromages de terroirs.
http://www.sudouest.fr/2016/04/12/le-lait-est-en-perte-de-vitesse-2328236-1504.php