La Maroquinerie, un lundi soir. On traverse Paris, les CRS s'affairent place de la République, la nuit debout se prépare. Oberkampf se prépare pour la nuit parisienne. Stop rue Boyer. La Maro, sous-sol. Premier choc. Grand chic. Voyage dans le temps. Theo Lawrence. Un gamin gominé en chemise à carreaux, jean à revers, guitare sèche, devant un micro vintage, l'éclairage est minimaliste. La voix. Memphis, les studios Sun, on cherche Sam Phillips des yeux, Elvis, Carl, Johnny (Cash, pas Smet)... On est projeté dans l'Amérique profonde des 50s. Impressionnant. La voix est puissante, parfois éraillée, genre mec qui a vécu. Final sur une reprise de Lefty Frizzell, Long Black Veils.
Remontée en surface.
Bière.
Pause.
Break avant la vedette de la soirée, zi incrédibeul Gaspard Royant. A l'ancienne. La soirée est définitivement vintage.
Pour résumer, si besoin est, c'est l'ambiance Golf Drouot. Enfin telle qu'on imagine qu'elle ait pu être. Je n'étais même pas né. C'est juste une construction intellectuelle probablement inexacte. C'est peut être l'ambiance de The Cavern de Liverpool, celle des clubs de Hambourg, qui sait. Peut-être rien de tout cela. Un passé idéalisé, comme l'Amérique de Happy Days ou American Graffiti. Gaspard Royant entre en scène, veste de smoking blanche, revers noirs. Bien dégagé sur les oreilles, gomina nickel. Place au show. Voyage dans le temps , flashback sixties. Gaspard fait le show, le groupe assure. En costard, chic comme les Beatles. Excitant, groovy. Envolées de Farfisa, solos de guitare, rythmique impeccable. Le genre d'atmosphère où tu sens tes pieds échapper à ton contrôle, où tu esquisses des pas de danse. Bref, ça bouge. De temps à autres un riff, une note, ce je ne sais quoi qui évoque les Suprêmes, les Stones, cette soul, ce rock décomplexé, pour coeurs brisés et amoureux tellement solitaires qu'ils en pleurent. Citations, évocations. La musique de Gaspard Royant est à la fois typée et intemporelle. Même pas datée, follement actuelle, un peu comme le jour où, dans les 80s, on entendit les premiers riffs des Stray Cats. Et qu'on ne s'en remit pas complètement. Tant ils étaient hors du temps, à la fois rockabilly et tellement punk. On n'est pas ici dans un univers musical rockabilly. Juste rock, teinté de soul à l'anglaise, dans un glissement spatio-temporel excitant. On cherche l'anachronisme, on en jubile. Les guitaristes des 60s avaient-il le réflexe de tenter le larsen, avant Jimi? Pourquoi pas, il y a bien eu Link Wray. On est dans une ambiance vintage avec tous les acquis de 50 ans de rock, après les guitar heroes. Et ça c'est bon, on a corrigé le passé. On est chez Marty McFly passant de Chuck Berry à Hendrix. L'un des morceaux de Gaspard Royant évoque ledit Marty, d'ailleurs. Ce soir, le vintage est beau. Car il ne s'agit pas d'un tribute band, reproduisant à la note près le show d'une figure emblématique du passé. Il y a de l'hommage aux mânes du rock'n'roll, il y a un retour à l'essentiel, au fun, à la joie de vivre, à une forme d'innocence. Et c'est bon!
En laissant les pensées vagabonder, je repense à Sha-Na-Na, le groupe improbable, hommage américain au rock'n'roll des 50s, qui s'était produit à Woodstock et qu'on retrouva dans la BO de Grease... Gaspard Royant vogue dans ces eaux, la classe et le bon goût en plus. Taillé pour la scène pour un parterre de college boys and girls, pour le bal de promo. Un peu de chic dans une époque qui l'est tellement peu.
L'album de Gaspard Royant : "Have you met Gaspard Royant?" dans les bacs depuis le 8 avril