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Dispersez-vous, ralliez-vous!, de Philippe Djian

Publié le 18 avril 2016 par Francisrichard @francisrichard
Dispersez-vous, ralliez-vous!, de Philippe Djian

Dispersez-vous, ralliez-vous! est un vers tiré du célèbre poème d'Arthur Rimbaud, intitulé Les corbeaux. Ce titre ne présage donc rien de bon, du moins pour ce qui est de son contenu. Car, sinon, il convient bien à la musique textuelle de Philippe Djian, faite de diffusions puis de fusions, de dialogues et de pensées qui se distinguent, certes, mais à peine, de la narration, faisant en quelque sorte corps avec elle.

Les deux impératifs du vers-titre sont des commandements donnés à l'armée étrange aux cris sévères des corbeaux, que le poète prie le Seigneur de laisser s'abattre sur la nature défleurie... Dans ce poème noir et inquiétant, Arthur Rimbaud compare sa récente défaite personnelle à celle de la France. Mais, au contraire de cette dernière, la sienne est une défaite irrémédiable, une défaite sans avenir...

Myriam, élevée par son seul père, raconte son histoire singulière, celle d'un vagabondage, où, allant d'une rencontre l'autre, elle se laisse porter par les événements qui se présentent. Quinze ans de sa vie de femme s'écoulent ainsi, depuis sa rencontre avec Yann, âgé de vingt-cinq ans de plus qu'elle, jusqu'à une dernière rencontre, manquée celle-là, ce qu'augure une sinistre envolée d'oiseaux noirs, toute rimbaldienne.

Yann est le premier amant de Myriam, mais pas le dernier, comme elle n'est pas sa première amante, ni la dernière. De leur union maritale naît Caroline... Yann a une soeur, Maria. Myriam a un frère, Nathan. Tout ce petit monde se rencontre, fait des rencontres. Les rapports entre eux sont tordus, ambigus, troubles parfois. D'aucuns, comme Yann et Myriam, acceptent beaucoup l'un de l'autre, en bien comme en mal; d'autres ne s'acceptent pas...

L'univers dans lequel les personnages évoluent semble ne suivre aucune règle. Ils apparaissent, disparaissent, réapparaissent, au détour d'une phrase, de manière inattendue, en tout cas pour le lecteur qui ne prête pas suffisamment attention à ce qu'il lit. Au fil des années, Myriam fait ainsi son apprentissage de la vie. La drogue, le sexe, la violence y prennent  leur part. Et sa personnalité qui semble inexistante au début prend peu à peu de la consistance.

Myriam s'émancipe progressivement et chaotiquement. Elle semble se laisser faire par les autres et leur laisser lui tracer son chemin dans la vie, mais, en réalité, elle apprend. Et, ce qu'il y a de remarquable, c'est que l'auteur sait si bien se mettre à sa place qu'il réussit à découvrir avec elle ce qui se transforme en elle, physiquement et mentalement, depuis son adolescence jusqu'à son accomplissement de femme trentenaire.

Francis Richard

Dispersez-vous, ralliez-vous !, Philippe Djian, 208 pages, Gallimard


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