Récemment, Manuel Valls a expliqué que " que l'islam est fondamentalement compatible avec la République, la démocratie, nos valeurs, l'égalité entre les hommes et les femmes ". Il s'agit là d'une vision conforme avec ce que représente la laïcité dans notre République. C'est-à-dire le socle d'un " commun " au sein duquel chacun, quelle que soit sa croyance religieuse ou son absence de croyance, peut être pleinement et entièrement citoyen. Et l'islam, comme les autres religions, peut tout à fait être compatible avec ce commun républicain. Cette compatibilité repose précisément sur le principe laïque lui-même : la liberté religieuse est possible si chacun reconnaît les contours et les fondements du commun dans lequel elle peut s'exercer.
C'est une manière de concevoir les relations entre la croyance, la foi, les aspirations spirituelles de chacun d'un côté et la possibilité de former une communauté de citoyens au sein de laquelle aucune de ces croyances, fois ou aspirations ne peut dominer les autres ou imposer ses valeurs ou ses modes de vie aux autre, d'un autre côté. C'est une manière de faire très efficace au regard d'autres modèles dans lesquels il y a soit une religion qui s'impose à tous, soit une juxtaposition de religions qui régissent les différentes aspects de la vie de leurs fidèles. La conception laïque française est celle de la plus grande liberté possible dans le plus grand respect nécessaire de ce commun qui nous permet son exercice. Si l'on attente à l'une ou l'autre de ces dimensions, on met à mal l'équilibre subtil de la laïcité.
Le premier ministre a ajouté à son propos : " le voile n'est pas un objet de mode, mais un asservissement de la femme ", touchant là au cœur d'une question qui dépasse largement la visibilité du voile dans l'espace public ou même la laïcité. Il renvoie en effet en disant cela à une conception philosophique fondamentale, celle de la Modernité, qui s'est en partie construite contre la domination religieuse, à la fois de l'espace social et intime ; une conception dans laquelle l'égalité entre les femmes et les hommes est un horizon à la fois de lutte politique et de réalisation aussi bien personnelle que sociale. Le fait que l'on (ce qui signifie concrètement les hommes) puisse obliger les femmes à se voiler (les cheveux, le corps et même le visage...) pour des raisons religieuses ou culturelles est contraire à cette conception philosophique moderne. Celle-ci reposant à la fois sur la liberté individuelle de chacun et de chacune, et sur l'émancipation des femmes par rapport à la domination des hommes.
On peut donc philosophiquement penser qu'il est indispensable que les femmes puissent librement disposer de leur corps (et de la manière dont elles le vêtent) dans l'espace public comme dans l'espace privé, et politiquement se battre pour l'émancipation de toutes celles qui luttent contre le port du voile - et elles sont nombreuses dans les sociétés musulmanes elles-mêmes. C'est pourquoi il est important de le dire publiquement, même s'il est inconcevable, bien entendu, de forcer les femmes qui le portent, dont une partie d'entre elles expliquent qu'elles le font volontairement et en accord avec leurs propres croyances, à l'enlever - sauf s'il y a des conditions spécifiques requises par la loi comme c'est le cas dans le cadre scolaire avec la loi de 2004 ou comme c'est le cas pour le visage caché dans l'espace public avec la loi de 2010.