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La « balle-dure » au stade Olympique et non ailleurs
J’aime le baseball, la « balle-dure » comme on disait durant mon temps de collège. J’y ai été initié très jeune par mon père qui était un grand amateur des Royaux de Montréal qui jouaient au Stade Delorimier. C’était le club-ferme AAA des Dodgers de Brooklyn de la ligue Internationale. Les joueurs canadiens-français y excellaient et je me rappelle les exploits de Stan Bréard à l’arrêt court, de Roland Gladu au 3ième but et comme voltigeur et de notre lanceur préféré Jean-Pierre Roy. Ces derniers ont éventuellement joué dans les ligues majeures.Je revois, en 1946, la venue de Jacky Robinson avec les Royaux, un joueur afro-américain exceptionnel. Alors que la discrimination raciale aux USA empêchait les super joueurs de la Negro League de jouer dans les ligues professionnelles, Branch Rickey, propriétaire des Dodgers, décida de miser le tout pour le tout et engagea Robinson pour jouer à Montréal où les noirs étaient respectés. Cette décision suscita une clameur de protestations de toutes les villes-membres de la ligue Internationale. Nonobstant cette indignation générale, Rickey tint bon. Robinson confirma ses qualités de grand joueur, d’homme respectable et nous, Montréalais, avions le privilège de le voir jouer pour nous dans notre ville. Nous avons réservé le même accueil chaleureux pour chacun des autres joueurs noirs qui le suivirent dont le lanceur Don Newcombe, l’arrêt-court Sam Jethroe et ceux élus par la suite, comme Robinson, au Temple de la Renommée du Baseball : Roy Campanella et le portoricain Roberto Clemente qui devint un des plus grands joueur du baseball. Malheureusement, en 1960, après 52 années à Montréal, les Dodgers déménagèrent leur club-ferme à Syracuse, NY. À ce moment-là, les Royaux de Montréal étaient de loin l'équipe la plus titrée de l'histoire de la Ligue Internationale. C’est durant ces années que naquit et grandit l’amour des Montréalais pour le baseball. Il nous été transmis de génération en génération depuis nos arrières-arrières-arrières-grands-parents. C’est ce qui explique que nous avons le baseball dans le sang.Puis en 1969, miracle ! Le baseball revint avec un club des ligues majeures, un premier hors USA, qui prit le nom Expos de Montréal, pour rappeler l’Exposition Internationale et Universelle de 1967 que les Montréalais avaient tant appréciée.Le club s’installa temporairement au stade ouvert du parc Jarry, modifié pour accueillir 30 000 personnes. Heureux, je courus acheter deux billets de saison, aux premiers rangs, au prix de 5$ chacun par match. Le bonheur des sportifs Montréalais était comblé. Puis un an plus tard, un autre miracle. Le 12 mai 1970, le Comité International Olympique nous accorda les jeux de la 76ième olympiade. Et, pour ce faire, Montréal construisit un stade olympique qui après les Jeux logea les Expos. Et, il avait un toit amovible. C’était le bonheur total.Le 15 avril 1977, 57 000 spectateurs assistèrent à la partie d’ouverture au stade olympique. J’y étais avec mes billets de saison. Le stade afficha complet durant tout le weekend. Lors des 80 autres parties de la saison, l’assistance fut forte à chaque match. De 1979 à 1983, plus de 2 000 000 d’amateurs accoururent chaque année pour voir « leurs amours ». L’enthousiasme débordait.Le septembre 2004, le nouveau propriétaire annonça le transfert des Expos à Washington DC après 5 698 matchs. C’était devenu inévitable. Les Montréalais étaient dégoûtés des agissements de la nouvelle direction du club qui avait congédié le grand entraineur Felipe Alou, vendu, pour des raisons financières, des joueurs-étoiles tels John Wetteland, Larry Walker, Marquis Grissom et Ken Hill, et des recrues exceptionnelles comme Vladimir Guerrero capables d’assurer une équipe compétitive dans le futur. Ces décisions furent des douches froides sur notre enthousiasme et même si nous aimions toujours le baseball, nous boycottions, par notre absence, les propriétaires. J’étais de ceux-là. En effet, en 2002 j’avais annulé mes achats de billets de saison, avec regret. Durant les 108 dernières années, il y a eu du baseball professionnel à Montréal pendant 79 années. Et aujourd’hui, les Montréalais veulent un nouveau club et le démontrent clairement.Lors des déboires du club, les propriétaires prétextaient que les amateurs ne venaient pas aux parties à cause de la configuration du stade olympique et de sa localisation dans l’est de Montréal.Pour les aider, la Régie des Installations Olympiques (RIO) a fait exécuter des travaux importants pour ramener le marbre (homeplate) et toute la surface de jeu plus près des estrades à coût de millions de $. Mais les propriétaires n’étaient pas encore satisfaits car, n’ayant pas les poches assez profondes, leurs problèmes financiers les poursuivaient et ils continuèrent à blâmer le stade au lieu de faire des promotions publicitaires pour attirer de nouveau les amateurs. Pourtant au stade olympique, la vue des spectateurs vers la surface de jeu est sans obstacle contrairement à certains stades comme celui des Mets de New York. Chaque spectateur est bien assis sur un siège de fibre moulé, ne touche pas ses voisins et l’espace pour les genoux et les pieds a été calculé pour laisser passer, sans trop de dérangement, les spectateurs qui se dirigent vers d’autres bancs, contrairement au stade des Blue Jays de Toronto où les spectateurs, assis deux par bancs, sont inconfortables dans un espace très restreint. Quant à sa localisation dans l’est de Montréal, cette complainte n’était pas nouvelle. On l’avait entendue dès le premier match des Expos au stade et elle venait des citoyens anglophones de l’ouest de Montréal. À ce moment-là, tout ce qui était à l’est de la rue Saint Laurent était loin pour plusieurs de ces gens. Il est vrai que la distance était plus longue que si le stade était localisé au bas du centre-ville. Pourtant, je vivais dans ce secteur, à ce moment-là, et je n’ai jamais ressenti de problème majeur. Aujourd’hui, le maire de Montréal veut obtenir une nouvelle franchise des ligues majeures et promet un nouveau stade dans le bas de la ville. C’est à mon point de vue injustifiable.Ce stade, le maire veut en financer le coût grâce à des contributions gouvernementales, municipales et l’apport d’entreprises privées comme pour le centre Videotron à Québec. Nous, Montréalais, nous avons eu notre part de Québec pour la construction de notre Stade dont le budget a dépassé de beaucoup les coûts prévus. Nous avons payé de longues années, avec les autres Québécois, des taxes pour rembourser cette importante dette. Aujourd’hui, il est payé et il est bien entretenu aux frais du gouvernement de Québec. De plus, il faut tenir compte du fait que la population a changé. Au moment des Olympiades, j’ai participé à la planification du village Olympique pour déterminer la nature des bâtiments à construire pour loger les athlètes. La population dans l’est de la ville n’était pas alors très dense comparé à aujourd’hui, au point que nous avons fait une étude pour déterminer le taux d’absorption possible de 1000 logements dans l’est de la ville après les jeux. Cela peut sembler invraisemblable aujourd’hui, mais le résultat ne fut pas très concluant. Certains proposèrent alors de construire des logements pouvant être transformés en logements à prix modique après les Jeux. Heureusement, le maire Drapeau a accepté notre idée de construire des logements pouvant être revendus et des promoteurs immobiliers dirigés par le réputé constructeur René Lépine ont décidé de prendre le risque de construire le village Olympique incluant toutes les facilités nécessaires aux athlètes : cafétéria, infirmerie, bureaux des missions olympiques de pays, salles d’entrainement et de divertissement, etc.. et de transformer le tout en condominiums après les Jeux. On connait le reste de l’histoire. Ce fut un succès et ça demeure un des plus beaux bâtiments de Montréal à l’honneur des architectes Roger d’Astous et Luc Durand. Depuis, l’est de la ville a connu un boom de développement impressionnant. La population a considérablement augmenté. Les lignes de métro ont été allongées, de nouvelles autoroutes construites vers le nord-est hors de l’ile de Montréal qui aussi a connu un développement extraordinaire, d’innombrables tours à logements sont sorties du sol, etc… Un stade de baseball génère beaucoup de trafic automobile. Au bas de la ville, ce surplus ajouté à l’actuel génèrera des situations très difficiles, d’autant plus que les parties sont souventes fois jouées l’après-midi. Déjà, ça prend un temps fou pour se rendre au Centre Bell les soirs de match de hockey où le trafic est bloqué jusque sur la rive sud. Si on y ajoute le baseball, ce sera intolérable pour les Montréalais qui y vivent. Le stade Olympique a plusieurs entrées à ses immenses garages, et est desservi directement par deux stations de métro. Dans le passé, même avec 58 000 spectateurs, les attentes étaient minimales et relativement acceptables.De plus, le stade olympique est un investissement de tous les Québécois. Il est bien entretenu, se développe comme attraction majeure de Montréal et est devenu le symbole de la ville. Le centre de natation a été refait et les espaces de la tour sont maintenant loués à Desjardins comme espaces à bureaux. Une saison de 81 matchs de baseball par année lui apportera un achalandage important pouvant le rendre quasi profitable. Ce sont des taxes en moins pour l’ensemble des Québécois. Déjà en 1965, le gouvernement a refusé, avec raison, la demande des propriétaires de financer la construction d’un nouveau stade. C’est aussi irraisonnable aujourd’hui de proposer la construction d’un nouveau stade de baseball quand on a déjà un stade magnifique qui est peu utilisé. Du premier match des Expos en 1968 jusqu’à 2002, deux ans avant la fin, j’avais des billets de saison. Soit durant 34ans. J’ai vu des matchs de tous les coins du stade. Partout on pouvait bien suivre et apprécier le jeu des joueurs. Les écrans géants rapportaient instantanément les derniers jeux et tous les spectateurs où qu’ils soient pouvaient juger de la justesse de chaque jeu et de la décision des arbitres, sans problème. Ce fut de même aux Jeux Olympiques. J’ai assisté à une dizaine de séances d’athlétisme et à quelques matchs de soccer dans le stade. Où que j’étais, j’ai bien vu et apprécié les évènements. Je me rappelle entre autres, le soir du saut du Canadien Greg Joy à la finale de la compétition du « Saut en Hauteur ». J’étais assis à l’autre extrémité du stade d’où était installée la barre du saut. Lorsque Greg a passé la barre sans la toucher, la foule s’est levée instantanément pour crier des hourras, où qu’elle soit dans le stade. Il venait de gagner la médaille d’argent. Nous avons tous vu ensemble et les écrans nous rapportaient en rafale tous les détails du saut. C’est ainsi au baseball. Grâce à ces écrans on voit tout, on comprend tout. Ce qui compte, c’est être confortable et de pouvoir apprécier le jeu. De quelques endroits où on se trouve dans le stade, cela est possible. Et aujourd’hui, avec l’évolution constante de la technologie, de plus en plus d’écrans plus précis, reliés aux iPhones, nous montrerons précisément et davantage tout ce qui se passe sur le jeu. Enfin, un stade dans le bas de la ville va défigurer les secteurs d’habitations avoisinants. J’ai visité ceux des Indiens de Cleveland et des Reds de Cincinnati. Lorsqu’on arrive vers ces stades, on est surpris des hauteurs des estrades que l’on voit des rues avoisinantes. C’est laid. C’est comme le stade des Alouettes sur le Mont-Royal, qui est moins pire mais quand même inacceptable. Je m’étais opposé, comme chef du parti civique, à la construction d’un nouveau gymnase pour l’université McGill sur la montagne à cet endroit, mais le maire Doré a passé outre et a permis cette construction sur notre bien public. De plus, le maire Tremblay a permis l’ajout d’estrades en hauteur en arrière du gymnase pour le stade de football des Alouettes. On les voit de la rue Berri en arrivant du sud. Ce gymnase et ces estrades cachent une partie importante du Mont-Royal. À mon point de vue, c’est inacceptable d’enlaidir notre ville de cette façon. Tous les arguments pointent vers le baseball au stade olympique. Alors Monsieur le maire…
Claude Dupras