Ski de pente raide: Tony Lamiche parle du Nant Blanc

Publié le 25 avril 2016 par Fredvionnet @grimpisme

Les répétitions et ouvertures en pente raide continuent à un rythme effréné en ce mois d’avril 2016 dans le massif du Mont Blanc (voir sur penteraide.com), même si le gros mauvais temps actuel et les fortes chutes de neige en haute montagne collent momentanément les énervés au bar ou derrière la fenêtre de leur salon. Parmi toutes ces réalisation certaines ont une saveur mythique, comme la face sud du Moine (voir ce post), la voie des Autrichiens (voir ce post) ou encore le Nant Blanc à l’Aiguille Verte que Tony Lamiche, Alex Pittin et Hélias Millerioux ont répété le mercredi 20 avril.

La première descente du Nant Blanc fut réalisée par Jean-Marc Boivin en juin 1989, répétée en juin 1999 par Marco Siffredi puis en juin 2009 par Pierre Tardivel et Stéphane Brosse (plus d’infos à nouveau sur penteraide.com). Quand Tony raconte et quand on sait dans quelles conditions lui et ses larrons sont capables de skier le Mallory à l’Aiguille du Midi (voir Cham’Lines S3EP1), cette descente sort nettement du lot sur les réalisations 2016 (pour le moment …):

« Nous sommes montés le lundi 18 avril bivouaquer au sommet des Grands Montets. Le plan initial était de skier le couloir des Oreilles de Lapin le lendemain matin, pour remonter le Nant Blanc avant de le skier. On comptait sur les éclaircies annoncées durant l’après-midi de ce lundi pour stabiliser la neige car le Nant Blanc prend bien le soleil à cette période. Finalement nous avons du renoncer au réveil car des ravales de vent d’Est de 150 km/h durant la nuit avaient formé des grosses plaques dans le couloir d’accès. Rien que pour redescendre par le hors-piste classique des Grands Montets il nous a fallu être très prudents (ndlr: c’est ce jour là qu’a tragiquement disparu la freerideuse suisse Estelle Balet, dans une avalanche sur le versant suisse du massif du Mont Blanc).
Nous avions bien repéré l’itinéraire depuis le sommet de la Petite Verte, du coup on a tenté le coup à vue depuis le sommet, en prenant la première benne et en remontant par la voie Washburn de la face nord (ndlr: également nommée les « Z », voir cette news). Nous avons du retracer le bas puis pu profiter des marches faites par 2 gars partis plus tôt du refuge. Cela nous a permis d’arriver à 11h15 au sommet sans être fatigués. Nous avons chaussé 30 minutes plus tard et à 12h00 on attaquait le Nant Blanc proprement dit.
Nous sommes dès le début restés sur le versant Nant Blanc. Le détour par le droite sur la calotte (ndlr: dans le sens de la descente), utilisé par Tardivel et Brosse, n’était de toute manière pas skiable. Après avoir skié le long de l’arête ouest, on s’est donc jeté contre le sérac, découvrant 2cm de neige sur de la glace bleue… il a fallu sortir la corde pour 2 rappels de 60 mètres et 1 de 30 mètres.
Arrivés sur la premier névé nous avons skié sur la gauche, sur de la neige froide posée sur de la glace, alors que la droite de la pente était de toute façon vitrifiée et inskiable. C’était plutôt bon à skier avec des skis bien préparés mais cela ne pardonne pas la moindre erreur.
Ensuite nous n’avons pas pu skier la « banquette Tardivel » sur la gauche. C’était très raide avec des passages en glace, il faut dire que Tardivel et Brosse l’avaient skiée en juin avec certainement plus de neige. On s’est assuré sur 80 mètres de traversées en corde tendue, crampons au pieds.
Vient ensuite le deuxième névé, toujours aussi suspendu avec les mêmes conditions de neige, c’est émouvant quand la spatule accroche la glace… Pour le zigzag en bas là aussi cela manquait de neige et on a fait 2 rappels de 20 mètres, le zag passait probablement à ski mais on a joué la carte de la prudence.

Après la pente terminale puis la rimaye nous avons tiré à gauche sur le glacier des Drus pour rejoindre les échelles de la Charpoua. A 20h30 nous mangions des sushis à Chamonix après avoir secouru et appelé le PGHM pour une japonaise de 71 ans, en perdition sur les échelles du Montenvers après avoir skié la Vallée Blanche. C’est durant cet imprévu que j’ai perdu ma GoPro, heureusement les copains l’ont retrouvée le lendemain.
Nous étions très bien préparés par toutes les descentes réalisées, entre autres, dans la face nord de l’Aiguille du Midi durant l’hiver, surtout que le début de saison était très sec et on a bouffé du virage sur neige dure. Cela nous a permis d’être prêts techniquement, sans aucunes craintes sur nos capacités à aborder tous les types de neige. Mais le Nant Blanc c’est quelque chose, c’est très long, 1200 mètres, très très soutenu et expo. On a skié des choses plus difficiles mais jamais d’une telle ampleur. Dans le Nant Blanc tu ne fais pas une grande courbe comme nous avons pu le faire dans la pente du haut des Autrichiens (ndlr: voir cette news). Même si ça parait bon à skier vu d’en bas, les bonnes conditions sont très compliquées à trouver. La descente intégrale en ski sera possible avec d’excellentes conditions d’enneigement en utilisant la variante Tardivel sur le haut, plus tard en saison, sans la benne et avec donc un peu plus de logistique. On n’a pas dit notre dernier mot … »

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Voici ci-dessous un court extrait vidéo tiré de la page Facebook de Tony (www.facebook.com/tony.lamiche), en attendant plus d’images. Vous pourrez également lire une interview d’Alex Pittin sur www.montagnes-magazine.com.